Gloria (1980) de John Cassavetes
Ce film signe le retour de John Cassavetes dans le giron hollywoodien, après qu'il ait décidé de continnuer hors circuit des studios après "Un Enfant Attend" (1963) où il avait été contraint de laisser le Final Cut au producteur Stanley Kramer. Après plusieurs films ce sont les échecs consécutifs de "Meurtre d'un Bookmaker Chinois" (1977) et de "Opening Night" (1978) qui pousse Cassavetes à accepter une commande de la MGM, qui va finalement être racheter par le studio Columbia. Réalisé et écrit par John Cassavetes il quitte ses sujets de prédilection autour du couple pour un road movie noir et pessimiste dont il partage néanmoins le lien mafieux avec "Meurtre d'un Bookmaker Chinois"...
L'histoire suit Gloria, ex-prostituée et ex d'un chef mafieux, qui se voit contraint de garder et de protéger à l'insu de son plein gré un jeune gamin dont les parents ont été tué par la mafia... Dans le rôle titre on retrouve sans surprise Gena Rowlands, épouse à la ville de Cassavetes et muse qui joue là dans un des 10 films qu'elle tourne avec son conjoint depuis "Un Enfant Attend" (1963) jusqu'à "Love Streams" (1984). Si elle porte le film sur ses épaules sans autres rôles importants il faut noter son jeune partenaire, John Adames 8 ans. Le film doit beaucoup à la performance de Gena Rowlands tant elle est de toutes les scènes. Elle incarne une femme d'expérience qui ne demande plus qu'à vivre tranquillement en évitant les problèmes. Gloria est réellement détachée au début, elle n'aime vraiment pas les gosses et elle a vraiment peur de mourir et on sent vraiment la détresse qui l'envahit quand elle doit pourtant se décider. Par là même Cassavetes saisit toujours l'instant parfait où on décèle ces failles émotionnelles où on est à deux doigts de voir Gloria se débarrasser du gamin. C'est la grande qualité du film.
Malheureusement, c'est tout le contraire avec son jeune partenaire, alors qu'il n'a que 8 ans on a bien du mal à croire à ce gamin d'une maturité peu commune et qui parle comme un adulte, sans compter le fait qu'il joue particulièrement mal au début alors même que sa famille vient d'être massacrée. La différence n'a rien d'anodine, d'ailleurs si Gena Rowlands est nommée à l'Oscar et au Golden Globe le jeune acteur doit subir d'être lauréat du Razzie Award du pire acteur ! Le scénario oscille entre l'intimité qui se tisse entre Gloria et le gosse puis avec les scènes d'action où les mafieux tentent d'éliminer le gosse. Si le film est rythmé, si la tension est palpable dès que les mafieux se rapprochent, on comprend mal la tolérance extrême que le Milieu a envers Gloria. Si on peut s'y laisser prendre (Gloria est sans doute un magnifique souvenir !) la fin s'avère un poil tirer par les cheveux, voir franchement invraisemblable... Même incohérente tant le film est désabusé et d'un pessimisme constant. Dommage, avec un enfant plus crédible et une fin moins "hollywoodienne" Cassavetes aurait signé un nouveau chef d'oeuvre. Précisons tout de même que le film obtient le Lion d'Or au Festival de Venise, ex aequo avec "Atlantic City" de Louis Malle. Néanmoins, le film reste prenant voir haletant et Gena Rowlands en atout majeur. Le film connaîtra un remake avec "Gloria" (1999) de Sidney Lumet avec Sharon Stone. Le film aura aussi, sans aucun doute, beaucoup inspiré un certain "Léon" (1994) de Luc Besson.
Note :
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