Apocalypse Now (1979) de Francis Ford Coppola
Attention ! Ce film connaît très versions différentes, la première en 1979 de 141mn, la Redux en 2001 de 194mn et la récente Final Cut de 2019 de 183mn... Les trois sont de qualité exceptionnelles, les différences plus ou moins notables ne modifie en rien le fait que ce film est un monument du 7ème Art. On peut d'ores et déjà dire que le Final Cut doit être le choix ultime néanmoins, cet article parle de l'oeuvre en lui-même avec les nuances spécifiques précisées si celles-ci semble être essentielles... Au sommet de la pyramide hollywoodienne après les succès critique et public de ses films "Le Parrain" (1972) et "Conversation Secrète" (1974), le réalisateur Francis Ford Coppola se lance dans un projet ambitieux et audacieux sur la guerre encore toute récente du Viêtnam. Produit avec sa société Zoetrope Productions (en collaboration avec son ami George Lucas), il co-écrit une histoire inspirée très librement et officieusement (non crédité) de la nouvelle "Au Coeur des Ténèbres" (1899) de Joseph Conrad. Précisons que cette nouvelle connaîtra une adaptation fidèle avec "Au Coeur des Ténèbres" (1994) de Nicholas Roeg avec Tim Roth et John Malkovitch... Il co-signe donc le scénario avec John Milius alors scénariste phare du Nouvelle Hollywood après "L'Inspecteur Harry" (1971) de Don Siegel, "Jeremiah Johnson" (1972) de Sidney Pollack et "Les Dents de la Mer" (1975) de Steven Spielberg, puis avec un certain Michael Herr ancien reporter de guerre au Viêtnam qui participera également à un autre chef d'oeuvre sur la guerre du Viêtnam avec "Full Metal Jacket" (1987) de Stanley Kubrick. Au départ et ce dès 1972 le titre envisagé était "The Psychedelic Soldier", mais après diverses réécriture l'ultime scénario de plus de mille pages sera titré "Apocalypse Now" d'après le slogan hippie "Nirvana Now"... On suit donc le capitaine Willard qui a pour mission secrète de passer au Cambodge pour tuer un colonel considéré comme devenu fou et devenu une sorte de dieu au milieu de la jungle...
Les scénaristes se sont assurément également inspirés du programme secret Phoenix (tout savoir ICI !) ce qui donne une valeur historique et une crédibilité non négligeable à cette mission. Le tournage, qui part d'un budget de 16 millions de dollars, va vite démarrer avec des soucis, prémices à un tournage catastrophique devenu aussi dramatique que légendaire. Par exemple, alors que c'est l'acteur Harvey Keitel qui joue Willard il est viré au bout de trois semaines par Coppola insatisfait de sa performance ! Il est alors remplacé au pied levé par Martin Sheen encore auréolé d'une reconnaissance pour le film "La Balade Sauvage" (1973) de Terrence Malick. Mais si il incarne le rôle principal c'est le monstre sacré Marlon Brando qui fait les gros titres dans le rôle du "fou" colonel Kurtz, et qui retrouve donc Coppola après "Le Parrain". On reconnaîtra Harrison Ford dans un tout petit rôle, les débuts de Scott Glenn et Laurence Fishburne (qui avait menti pour pouvoir tourner alors qu'il n'avait que 14 ans !), et surtout deux rôles emblématiques pour les stars Robert Duvall et Dennis Hopper qui se retrouvent après s'être croiser sur "100 $ pour un shérif" (1969) de Henry Hathaway. Pour les versions ultérieure à 1979, on peut noter que dans la partie française les enfants (dont Sofia et Roman) de Coppola apparaissent aux côtés de comédiens français dont Aurore Clément et Christian Marquand, ce dernier ayant été choisi après le refus de Lino Ventura et étant un très bon ami de Marlon Brando (qu'une rumeur affirment qu'ils auraient même été amants)... En tous cas le tournage fait également les gros titres des journaux, un tournage maudit avec, pêle-mêle, un typhon, des hélicos qu'il faut repeindre deux fois par jour (une fois américain pour le film, une autre pour les rendre à l'armée philippine chaque soir !), un infarctus de Martin Sheen, sans compter un Coppola devenu mégalo et parano tant le tournage était chaotique... Pour faire court on vous conseille l'incroyable documentaire "Aux Coeurs des ténèbres : l'apocalypse d'un metteur en scène" (1991) de Fax Bahr et George Hickenlooper d'après les films amateurs de Eleanor Coppola, épouse du cinéaste... Le film démarre avec un Willard qui semble sous l'emprise de drogues avant d'être inviter à accepter une mission qui va vite devenir une quête personnelle. Si le début semble un classique film de guerre, très vite tout devient presque surréaliste notamment et surtout à partir de la division aéroportée qui fait du surf en plein assaut guerrier sur la musique désormais mythique des Walkyries de Wagner ! On sait alors qu'on est dans un film unique, suintant de tous les pores qu'on en devinerait presque les odeurs et les puanteurs. Après les Walkyries on comprend aussi que la musique n'adoucit pas les moeurs mais au contraire est faîte pour mettre le feu au poudre ! On constate surtout que le colonel de l'aéroportée, Kilgore semble bel et bien aussi cinglé que Kurtz ce qui semble en effet interloqué le capitaine Willard. Kilgore qui sort sans doute le meilleur monologue du film avec la cultissime réplique "j'adore l'odeur du napalm le matin" ! Et plus on avance dans la jungle plus la nuit devient ténèbreuse, littéralement, puisque la nuit est un capharnaüm de massacres, de feux et d'hystéries guerrières qui ressemblent à tout sauf à des plans et/ou des batailles commandées et/ou gérées.
On est dans la folie la plus pure, on a la sensation d'entrer dans un monde parallèle apocalyptique. On constate par entre autre que les officiers ne sont jamais là, notamment et surtout quand la nuit tombe il ne reste que des soldats de factions diverses et/ou inconnues qui s'entre-tuent tous sans trop savoir si la guerre est finie ou pas ! La partie française, où Willard et ses hommes sont accueillis au sein d'une plantation française, peut paraître sans doute superflue mais elle apporte pourtant des réflexions géo-politiques pertinentes et interressantes. Mais cette partie française annonce une dernière partie un peu moins prenante, qui tire un peu plus en longueur. L'arrivée au camp de Kurtz ouvre sur une rencontre Willard/Kurtz essentiellement philosophique, terriblement envoûtante et fascinante mais un peu longuette. Un film mythique et monumentale à tous points de vue, qui aura failli coûter cher à Coppola qui a dû hypothéquer tous ses biens pour compenser l'explosion du budget à plus de 30 millions de dollars. Plus incroyable encore est pourtant le nombre d'erreurs dans ce film, exactement 561 auraient été comptabilisées (!) mais allant du simple détails insignifiants aux faux raccords en passant par le tehnicien dans le cadre. Mais rien ne peut empêcher le magnétisme du film à chaque instant, et finalement il sera sauvé grâce à la Palme d'Or à Cannes (ex-aequo avec "Le Tambour" de Volker Schlöndorff), et surtout avec plus de 78 millions de dollars rien qu'au box-office américain et plus de 4,5 millions d'entées France. A la postérité il est désormais considéré comme un des plus grands films de l'histoire... Un film dont Coppola lui-même dira : "Apocalypse Now n'est pas un film sur le Viêtnam, c'est le Viêtnam. Et la façon dont nosu avons réalisé Apocalypse Now ressemble à ce qu'étaient les américains au Viêtnam. Nous étions dans la jungle, nous étions trop nombreux, nous avions trop d'argent, trop de matériel et petit à petit, nous sommes devenus fous."
Note :