Godzilla (1954) de Ishiro Honda
Son nom est désormais aussi mythique que culte, monstre emblématique de la culture japonaise qui a traversé les océans depuis est pourtant pas si nouveau que ça à l'époque. Car si Godzilla est officiellement créé par Tomoyuki et les studios Toho il n'est que l'évolution logique de la mode des films fantastiques lancés par Hollywood, notamment avec la re-sortie triomphale en 1952 du non moins célèbre "King King" (1933) de Merian C. Cooper et Ernest B. Schoedsack. Mais surtout les japonais se sont inspiré du film américain "Le Monstre des Temps Perdus" (1953) du français Eugène Lourié où un dinosaure est tiré de son sommeil par des tirs nucléaires avant d'être abattu par les militaires dans la ville de New-York (déjà très original !)...
Le film reprend donc les idées pour les exploiter d'un point de vue plus innovant d'un point de vue écologique et surtout pacifique puisque l'histoire repose essentiellement sur le traumatisme encore très récent des bombardements de Hiroshima et Nahasaki en 1945. La réalisation est confiée à Ishiro Honda, qui a déjà signé 6 longs métrages, et qui continuera sa carrière essentiellement en réalisant les futurs suites et ersatz des Godzilla et autres Mothra. Les rôles principaux sont joués par les jeunes Akira Takarada et Momoka Kochi qui seront également essentiellement présents dans les suites du genre. On peut citer par contre la présence de Takashi Shimura, grand acteur qui joua dans pas moins de 430 films (!) entre 1934 et 1981 dont dans le premier long métrage du maître Akira Kurosawa "La Légende du Grand Judo" (1943) ; pour l'anecdote, les trois derniers du réalisateur Ishiro Honda seront en tant que assistant sur des films de Kurosawa au milieu des années 80 ... Alors que de nombreux navires disparaissent mystérieusement, les autorités recueillent de nombreux témoignages relatant l'apparition d'un monstre sorti du fond des mers. Il s'avère bientôt que les essais nucléaires ont réveillé un dinosaure. Le monstre ose de plus en plus s'approcher de Tokyo tandis qu'en parallèle un chercheur fait une découverte dévastatrice mais qui pourrait aussi être la seule solution... Précisons d'emblée que les origines du monstre peuvent parfois être modifiées notamment dans les remakes récents "Godzilla" (1998) de Roland Emmerich et "Godzilla" (2014) de Gareth Edwards dont les monstres sont respectivement issu d'une population d'iguanes ayant survécu à un test atomique et l'autre est un animal pré-dinosaures issu du centre de la Terre. Par là même, certains de ses pouvoirs évoluent vis à vis des versions, comme le fait que le souffle atomique du monstre soit toujours bleu à l'exception des films "Godzilla 2000" (1999) de Takao Akawara et "Godzilla X Megaguirus" (2000) de Mazaaki Tezuka où il est orange...
Ce premier film historique de 1954 commence par un cri effrayant et énigmatique qui lance le générique très sobre et classique. Un cri qui marque, un cri qui reste un des meilleurs créés si ce n'est le meilleur, imaginé par Akira Ifukube en frottant un gant en cuir couvert de résine sur une corde de contrebasse... Ensuite l'histoire débute directement avec le "naufrage" de plusieurs bateaux, et bientôt la vérité qui éclate. Le scénario est dense et avance toujours pour faire avancer l'intrigue. Dans temps morts donc on passe des naufrages, aux témoignages, puis à l'apparition de plsu en plus proche du monstre... etc... mais entrecoupé de séquences plus intimistes où des chercheurs sont en désaccords, entre incompréhension, nécessité de réagir avec en arrière-plan la philosophie scientifique. Evidemment Godzilla est en fait un homme portant un costume de 91kg avec des effets spéciaux sans commune mesure avec aujourd'hui, et même qui reste pas plus impressionnant que le "King Kong" (1933) mais le cri du monstre est saisissant, l'atmosphère parfaitement adéquate entre peur et paranoïa. Et surtout le contexte géo-politique et historique replace le film dans une dimension inédite qui ne peut laisser indifférent. Il faut savoir qu'il existe une seconde version américaine (1956) avec un montage différent qui se focalise plus sur un reporter américain joué par Raymond Burr. Néanmoins le succès du film est immense, enregistrant pas moins de 9 millions de spectateurs au Japon, il devient le premier film et révolutionne le genre Kaiju Eiga (littéralement "films de monstre") auquel d'ailleurs le film "Pacific Rim" (2013) de Guillermo Del Toro rend hommage en dédiant le film à ce Godzilla originel. Pas moins de 37 films sur le monstre sont sortis depuis sans compter les mangas, séries TV et autres ersatz comme Mothra. Un film qui reste à voir même si les années ont passé...
Note :