Mort de la doyenne Suzy Delair
Après Gisèle Casadesus et Danielle Darrieux, elle fut la doyenne des acteurs/actrices françaises. Suzy Delair nous a quitté ce 15 mais 2020 dans l'indifférence générale à l'âge de 102 ans.
Née en 1917 à Paris, Suzanne Pierrette Delaire est la fille d'une maman couturière et d'un papa sellier-carossier qui souhaitait la voir devenir sage-femme. Mais très vite elle s'intéresse à la comédie. Malgré tout elle devient apprentie modiste mais quitte tout pour faire de la figuration dans le film "Un Caprice de la Pompadour" (1930) de Joe Hamman et Willi Wolff.
Elle rêve surtout de théâtre, mais ce pied à l'étrier lui permet de multiplier les expériences et obtient pendant près de 10 ans des petits rôles dans divers films. On peut citer "La Dame de chez Maxim's" (1933) de Alexander Korda, "Professeur Cupidon" (1933) de Robert Beaudoin, "La Crise est Finie" (1934) de Robert Siodmak, "Poliche" (1934) de Abel Gance ou "Prends la Route !" (1936) de Jean Boyer.
Parallèllement elle se fait un nom sur les planches dans le music-hall et connaît un vrai succès des Bouffes-Parisiens à Bobino en passant par Folies-Belleville et côtoie les vedettes de l'époque comme Mistinguett.
Le cinéma lui offre son véritable premier succès avec "Le Dernier des Six" (1941 - ci-dessous) de Georges Lacombe d'après un scénario de Henri-Georges Clouzot qui devient son conjoint. Elle y joue Mila Malou jeune épouse délurée du commissaire Wens incarné par la star Pierre Fresnay.
Le succès est tel que la suite est le premier film réalisé par Henri-Georges Clouzot avec toujours le couple Delair/Fresnay dans "L'Assassin habite au 21" (1942 - ci-dessous). Ce film est entré à la postérité et reste une oeuvre majeure de l'époque.
Malheureusement, alors qu'elle est au sommet, elle ne cache pas durant l'Occupation allemande ses sympathies voir son admiration pour les nazis. Elle sera du voyage en Allemagne avec d'autres vedettes, mais le choc véritable vient quand elle embrasse chaleureusement Alfred Greven, alors directeur de la Continental firme de production franco-allemande, tout en se plaignant qu'elle n'avait pas pu serrer la main de Goebbels ! Etonnament, l'actrice n'écopera pourtant que de 3 mois de suspension par un comité d'épuration.
Elle tourne le magnifique "Quai des Orfèvres" (1947 - ci-dessous) de Henri-Georges Clouzot avec Louis Jouvet et Bernard Blier. Ce sera le dernier film avec son conjoint qu'elle quitte à la fin du tournage.
Le 28 février 1948 elle chante au 1er festival Nice Jazz la chanson "C'est si bon". Louis Armstrong est présent et adore la chanson, il enregistrera le titre en anglais en 1950 et va devenir un standard du jazz et un succès mondial mainte fois reprise.
Elle tourne ensuite "Par la Fenêtre" (1948) de Gilles Grangier avec Bourvil. Elle tourne ensuite "Pattes Blanches" (1949 - ci-dessous) de Jean Grémillon, "Lady Paname" (1950) de Henri Jeanson et "Souvenirs Perdus" (1950) de Christian-Jaque.
Après "Atoll K" (1951) de Leo Joannon (collaborationniste durant l'Occupation),il faut attendre quelques temps avant de la revoir avec "Le Fil à la Patte" (1955) de Guy Lefranc, "Le Couturier de ces Dames" (1956) avec Fernandel suivi de "Gervaise" (1956) de René Clément.
Elle est du casting impeccable du chef d'oeuvre "Rocco et ses frères" (1960) de Luchino Visconti mais se fait de plus en plus rare.
Elle joue dans "Du mouron pour les petits ruisseaux" (1963) de Marcel Carné, apparaît (ironie) dans "Paris brûle-t-il ?" (1966) de René Clément et après un passage vers le théâtre et la télévision revient sur grand écran dans un tout autre registre en étant l'épouse de Louis de Funès dans l'inénarrable "Les Aventures de Rabbi Jacob" (1973 - ci-dessous) de Gérard Oury.
Son dernier long métrage de cinéma sera "Oublie-moi Mandoline" (1976) de Michel Wyn, 1976 étant également sa dernière apparition au théâtre, mais elle tournera encore un peu à la télévision pour un ultime rôle pour une série TV en 1987.
En 1982, l'actrice comment son parcours ainsi : "On me fait trop rarement travailler. Sans doute me fait-on payer à la fois de ne pas appartenir à des chapelles, les aventures masculines auxquelles j'ai parfois sacrifié ma carrière, et surtout, mon refus de flirter quand il aurait fallu le faire..."
Suzy Delair restera pourtant à jamais une personnalité et une actrice pétillante qui aura marqué le cinéma des années 40, mais qui aura su se démarquer également comme dans "Rocco et ses frères".
Suzy Delair est morte ce dimanche 15 mars 2020 à l'âge de 102 ans.