Rien que Pour vos Yeux (1981) de John Glen
12ème opus de la saga "officielle" des James Bond, et 5ème avec Roger Moore. Mais cette fois, après les critiques médiocres qui ont accueilli "Moonraker" (1979) de Lewis Gilbert (malgré un box-office plus qu'inespéré !) la production a décidé d'innover, ou du moins d'effectuer quelques modifications. Ainsi, à la réalisation plus de Lewis Gilbert et place à John Glen, ce dernier était le monteur de la plupart des films depuis "Au Service Secret de sa Majesté" (1969) de Peter Hunt et, par la suite à travailler à plusieurs reprises avec Hunt et Roger Moore sur d'autres films comme "Gold" (1974) et "Parole d'Homme" (1976). Scénariste maison sur la majorité des opus depuis "James Bond contre Dr. No" (1962) de Terence Young, Richard Maibaum signe le scénario assisté pour une première fois par Michael G. Wilson, devenu co-producteur également qui a l'avantage d'être son beau-fils. Les deux auteurs s'inspirent de plusieurs nouvelles dont la plupart tirées du recueil "Bons Baisers de Paris" (1960) de Ian Fleming, et en reprenant quelques éléments du film "Vivre ou Laisser Mourir" (1973) de Guy Hamilton qui n'avaient pas été retenus... Début des années 80, un bateau-espion britannique sombre dans les eaux territoriales libanaises. Afin d'être discret le MI6 a d'abord fait appel à des archéologues sous-marins mais ils sont assassinés. 007 prend donc la suite doit tout faire pour récupérer ou détruire le système ATTAC avant que les puissances ennemis le récupèrent. Un indic nommé Kristatos le renseigne sur un homme nommé Locque et qui se servirait des moyens de son organisation criminelle pour renflouer le navire britannique pour le compte des russes... Roger Moore reprend son rôle. Il fait face à deux protagonistes, l'un est joué par Chaim Popol qui a connu son heure de gloire avec "Un Violon sur le Toit" (1971) de Norman Jewison, l'autre est joué par Julian Glover aperçu peu de temps avant dans "L'Empire Contre-Attaque" (1980) de Irvin Kershner et qui retrouve Roger Moore après l'avoir croisé sur la série TV "Le Saint" (1962).
On notera les premiers pas devant une caméra pour Charles Dance y joue son premier rôle à l'écran, les plus jeunes le connaissent surtout comme Tywin Lannister dans la série TV "Games of Throne" (2011-2015). On a toujours le MI6 avec Desmond Llewelyn/Q et Lois Maxwell/Moneypenny mais sans Bernard Lee/M cette fois, qui est mort lors du tournage et qui, par respect, n'ont pas remplacé l'acteur sur ce film. Puis enfin les James Bond Girls, et en premier lieu une nouvelle JBG française avec la toute jeune Carole Bouquet révélée dans "Cet Obscur Objet du Désir" (1977) de Luis Bunuel et "Buffet Froid" (1979) de Bertrand Blier, la malicieuse Lynn-Holly Johnson alias Bibi qui était une patineuse artistique professionnelle de la fin des années 70 devenue actrice vue notamment dans "Les Yeux dans la Forêt" (1980) de John Hough, puis enfin une certaine Cassandra Harris dont le titre de gloire sera d'avoir épousé un certain Pierce Brosnan en 1980, elle aura malheureusement pas le bonheur de voir son époux devenir un des prochains James Bond avec "Goldeneye" (1995) de Martin Campbell puisqu'elle mourra d'un cancer en 1991 a seulement 43 ans. A noter que le compositeur "maison" John Barry délaisse le projet une nouvelle fois pour des raisons d'exil fiscal comme sur "L'Espion qui m'Aimait" (1973) de Guy Hamilton. Il lest remplacé par Bill Conti compositeur notamment de "Rocky" (1976) de John G. Avildsen, "Gloria" (1980) de John Cassavetes et "L'Etoffe des Héros" (1983) de Phillip Kaufman... Le remplacement de Lewis Gilbert s'avère judicieux, en effet le cinéaste tournait en rond avec un recours parfois caricatural aux gadgets, un humour frôlant parfois le ridicule et surtout le récurrent assaut guerrier final comme on peut le voir sur ses trois films "On ne Vit que Deux Fois" (1967), "L'Espion qui m'Aimait" (1977) et le pire de tous "Moonraker" (1979). La volonté des producteurs avec John Glen est de revenir à quelque chose d'un peu plus sérieux, un retour plus pregnant à l'intrigue et aux personnages. C'est aussi sans doute pour cela que la partie pré-générique revient sur le passé de Bond, à savoir un passage sur la tombe de sa défunte épouse et un nouveau face à face mortel avec son pire ennemi. Mais ce sont deux grosses ficelles ineptes qui marquent finalement un vrai manque de créativité. Heureusement, la suite s'avère être une bonne surprise avec un Roger Moore un soupçon moins ancré dans une sorte de parodie dans laquelle il avait fini par tomber ; en même temps, rappelons que l'acteur suit avant tout les directives du metteur en scène !
De même, l'acteur commence vraiment à subir des critiques dues à son âge (54 ans) mais rappelons que le dernier 007 en date a 52 ans ! Donc point... Roger Moore reste un gentleman qui a le mérite de moins se prendre au sérieux que Sean Connery même si, effectivement il faut savoir trouver le juste milieu ce que John Glen semble beaucoup mieux comprendre que Lewis Gilbert par exemple. On notera que la petite écervelée Bond Girl Bibi interprétée par Lynn-Holly Johnson tente de séduire 007 en vain, ce qui n'aurait sans doute nullement gêné le 007 de Connery. Niveau Bond Girl on reste par contre très frustré, aucune n'apporte de sensualité ou une dimension de femme fatale, la patineuse est trop puérile, Cassandra Harris est trop froide et Carole Bouquet, bien que très classe, n'a un rôle que très peu exploité voir décoratif. Par là même, le grand méchant manque de charisme et reste trop en retrait. Le point fort reste pourtant l'intrigue mêlant une organisation criminelle et un belliciste soviétique à l'aube d'un apaisement pré-Perestroika. Bond voyage et offre un exotisme nouveau notamment avec la Grèce et les magnifiques Météores. L'évolution du récit est assez captivante et fluide entre rebondissement et dépaysement. Une séquence reste savoureuse également, avec une petite pointe de chauvinisme bien qu'un peu trop copié-collé puisqu'on pense forcément à la saga de "Le Gendarme de Saint-Tropez" (1964) de Jean Girault avec la course poursuite en 2CV ; pas étonnant, le coordinateur cascade est le même avec Rémy Julienne, une pointure dans son domaine qui va continuer sa participation à James Bond jusqu'en 1995. Pour le petit plus, on pourra désormais compter sur le gimmick perso du réalisateur John Glen : faire surgir un oiseau à l'improviste comme ici, un pigeon surgit et manque de faire chuter James Bond... En conclusion un opus divertissant, bien troussé, avec un James Bond/Moore plus mature (dans le bon sens du terme) auquel il ne manque qu'un adversaire plus "prestigieux" et une Bond Girl à sa hauteur. Néanmoins John Glen semble avoir compris son espion et on ne peut qu'espérer pour la suite. Un bon moment.
Note :
Pour info bonus, Note de mon fils de 10 ans :