Il était une Fois la Révolution (1971) de Sergio Leone
Sergio Leone n'a semble-t-il pas toujours été sûr de lui ou de ses projets. Après avoir affirmé qu'il ne ferait plus de western après "Le Bon, la Brute et le Truand" (1966), et après réaffirmé la chose après le triomphe "Il était une Fois dans l'Ouest" (1968) voilà que finalement il signe un ultime western qui fait partie intégrante de sa trilogie sur l'Histoire des Etats-Unis ou plutôt son évocation selon Sergio Leone. Rappelons que ce dernier pensa à une trilogie après qu'on l'ait incité à refaire un western alors qu'il avait commencé à travailler sur ce qui sera "Il était une Fois en Amérique" (1984). Donc après la fin de la Conquête de l'Ouest et avant la prohibition, Leone nous emmène dans les affres de la Révolution mexicaine. Leone retrouve à nouveaux ses fidèles collaborateurs, Luciano Vincenzoni et Serge Donati co-scénaristes depuis "Et pour Quelques Dollars de Plus" (1965), auquel on citera également le dialoguiste Roberto De Leonardis dont la France lui doit en partie un certain monument de la comédie hexagonale avec "les Aventures de Rabbi Jacob" (1973) de Gérard Oury dont il est un co-scénariste !
Plusieurs titres sont passés dans la tête de Leone dont "A Fistful of Dynamite" ("Une poignée de dynamites") mais au final ce sera en Italie "Giu la Testa" ("Baisse la Tête") et "Duck, You Sucker" ("Planque-toi connard !") aux Etats-Unis simplement parce que Sergio Leone croyait dur comme fer qu'il s'agissait d'argot américain !... En 1913 au Mexique, Mallory un membre de l'IRA en fuite croise la route du gang familial de Miranda de façon incongrue. Lorsque Miranda s'aperçoit que Mallory est un expert en explosif il tente par tous les moyens de le convaincre de s'associer pour braquer la plus grosse banque du pays. Mais dans un pays en proie aux vicissitudes révolutionnaires les deux hommes vont être les acteurs d'une révolution bien malgré eux... Les deux rôles principaux étaient à l'origine écrit avec Jason Robards et Eli Wallach en tête, mais les producteurs n'ont pas trouvé le premier assez bankabkle et Eli Wallach après un soucis de planning s'est vu remplacé par Steiger à cause d'un clause contractuelle. Finalement, donc, les deux personnages principaux sont incarnés par les excellents James Coburn connu depuis les succès "Les Sept Mercenaires" (1960) et "La Grande Evasion" (1963) tous deux de John Sturges, puis Rod Steiger oscarisé pour "Dans la Chaleur de la Nuit" (1967) de Norman Jewison et vu juste avant en Napoléon dans la fresque "Waterloo" (1970) de Serge Bondartchouk ; pour l'anecdote, Leone y fait d'ailleurs un clin d'oeil. Sinon on citera un troisième personnage central interprété par Romolo Valli, grand acteur italien vu dans "Le Guépard" (1963) de Luchino Visconti et "Le Jardin des Finzi-Contini" (1971) de Vittorio de Sica... Sur le fond il semble que les scénaristes Vincenzoti-Donati n'avaient pas la même vision du projet de Leone. En effet, si les scénaristes voyaient plutôt un thriller révolutionnaire, Leone lui voyait essentiellement un film sur l'amitié, le contexte géo-politique devenant secondaire. Le début des années 70 a pourtant clairement inspiré les scénaristes, on peut noter l'explosion de la lutte armée de l'IRA où l'instabilité politico-sociale en Italie d'où sans doute le débat qui a dû enflammer les co-scénaristes sur le point de vue à adopter, sérieux pour Vincenzoti-Donati, plus sarcastique et ironique pour Leone. Ceci expliquant dans doute un fond très politique et une forme plutôt satirique, voir même d'une fantaisie fataliste.
En tous cas, Leone affirmera toujours que le sujet principal de son film reste l'histoire d'amitié. Mais par contre Leone a placé des scènes qui font clairement référence à l'occupation nazie, du colonel Reza dans son blindée au massacre de masse on ne peut qu'y penser. L'un dans l'autre, quoi qu'en dise Sergio Leone, la dimension politique du film ne fait aucun doute, l'actualité récente permet au réalisateur de continuer sa déconstruction du mythe du far west. Le scénario suit quasi sans discontinuer les deux compères, qui forment un duo dont les différences n'ont rien à envier au buddy movie, genre qui deviendra à la mode dans les années 80. Mallory est un dandy révolutionnaire mais désabusé, tandis que Miranda est un bandit désargenté qui tente avant tout de s'en sortir. L'antagonisme entre les deux offre des échanges savoureux même si cela aurait pu être plus appuyés. Mais la meilleure idée reste ce destin à peine forcé qui pousse Miranda à devenir un héros malgré lui, mais sans oublier qu'une révolution n'est jamais exempt de sacrifice. Niveau mise en scène, Leone semble s'être assagi (est-ce le mot ?!) sur les gros plans, travelling panoramique, ou sa propension à "dilater" le temps. Sur ces points ce film-ci est clairement le plus "classique" de ses films. On remarque quelques anachronismes comme le fait que l'IRA a été fondé en 1917-1919 (alors que le film se déroule en 1913), ou la moto de Mallory (une Indian Powerplus) qui ne sera construite qu'à partir de 1916. Le Révolution mexicaine est encore un sujet brûlant lors de la sortie du film, la preuve en est que le film sortit sous le titre "Los Heroes de Mesa Verde" a été interdit jusqu'en 1979. En conclusion le film a un contexte historique riche et foisonnant, le duo Steiger-Coburn fonctionne bien mais on ressent un manque quant au style de Leone qui nous prive un peu trop de son lyrisme et de l'ampleur de sa mise en scène. Un excellent film mais qui reste néanmoins en-deça des ses autres films composant ses deux trilogies.
Note :
Pour info bonus, Note de mon fils de 10 ans :