Emma (2020) de Autumn De Wilde
Nouvelle réalisation cinématographique pour le roman de Jane Austen sorti en 1815. Le premier long-métrage d'Autumn De Wilde, Emma, reprend l'oeuvre la plus aboutie de l'écrivain mais aussi le personnage le plus complexe (voire même pour certains connaisseurs l'héroïne la plus antipathique).
L'histoire est celle de l'apprentissage de vie d'une jeune femme Emma, riche et séduisante, qui malgré son côté futé passe à côté de la réalité des gens et de leurs sentiments car focalisée sur sa propre personne, sa propre vision, ses propres envies et besoins. Elle prends sous son aile la jeune et pauvre Harriet Smith, qu'elle va guider dans son monde, manipuler et la tenir dans son ombre.
Cette jeune femme, entrepreneuse, aveuglée par sa vision du monde et de la vie facile qu'elle peut mener comme elle le souhaite est incarnée par Anya Taylor-Joy ("Split") qui donne au personnage toutes ses facettes, de l'égoïsme à l'antipathie, de la fragile à la protectrice. On suit avec délice cet enfant gâtée dans un univers où elle se plaît à y jouer seule, en étant souvent le centre mais cette jeune actrice, on pourrait lui reprocher quelque fois d'en faire un petit peu trop et de déborder légèrement du personnage dans l'accentuation de certaines réactions. Le contraste est donné avec Mia Goth ("Nymphomaniac") qui donne à Harriet Smith une dimension plus ingénue, fragile et fascinée et quelques fois déçue par le monde d'Emma. Les prétendants M. Knightley et M. Churchill passent en second plan alors qu'ils sont au cœur de l'apprentissage de vie de l'héroïne, ce qui appauvrit un peu l'histoire pour un dénouement certes attendu mais pas forcément bien mené particulièrement sur la relation Emma / Franck Churchill. Enfin, on s'amuse de la prestation de Bill Nighy ("Love actually", "The Constant Gardener"), qui joue M. Woodhouse, cet homme hypocondriaque, jouant l'attristé du bonheur des autres et apeuré d'être un jour seul, soutien de l'ombre il a pourtant besoin de la présence de sa fille.
La réalisatrice nous entraîne dans son monde de la photographie avec des plans paradoxaux, une balance entre des scènes vives et éclatantes et d'autres plus feutrées, plus chaleureuses. Un vrai travail sur les dialogues a été fait pour faire prendre conscience qu'au delà de l'histoire d'amour, il y a une vraie critique sociétale, une critique de mœurs et de caractères, le tout lié dans les différentes relations des personnages. Les décors sont un peu trop "proprets", tout est un peu lisse et manque de reliefs, de caractère pour donner un cachet plutôt simple ce qui est dommage par rapports aux autres éléments du film. Enfin, la musique, trop présente au début vient par la suite s'adoucir et donner un peu plus de rythme à la réalisation d'Autumn De Wilde.
Un joli film qui reprend bien la trame du roman quoiqu'un peu édulcoré dans la relation avec les prétendants et avec sa rivale Jane Fairfax, qui pour du coup, passe beaucoup trop inaperçue, on se prend néanmoins au jeu, à voir l'évolution des personnages et à leurs rapports.
Note :