Mort de l'auteur Jean-Claude Carrière !

par Selenie  -  9 Février 2021, 15:55  -  #Décès de star - Bio

Un de nos plus grands auteurs vient de nous quitter. Ecrivain, romancier, poète, réalisateur et surtout scénariste, un magicien des mots en somme, Jean-Claude Carrière est mort ce 08 février 2021 à l'âge de 89 ans.

Né en 1931 dans l'Hérault dans une famille de viticulteurs, il est alors durant son enfance un bilingue français-occitan. Il perdra un peu de cette connaissance quand à l'âge de 14 ans sa famille quitte le sud pour prendre en gérance un café à Montreuil-Sous-Bois (Seine-Saint-Denis). Il étudie au Lycée Voltaire, puis au Lycée Lakanal à Sceaux, et entre à l'Ecole Normale Supérieure de Saint-Cloud. Au départ l'étudiant sa voyait une vocation d'historien avec une Licence de Lettres et une Maîtrise d'Histoire mais finalement il abandonne l'idée et commence à s'intéresser au dessin et à l'écriture.

 

Il écrit son premier roman "Lézard" (1957), suivi de plusieurs romans ayant pour personnage centrale Frankenstein (1957-1959) pour la collection Fleuve Noir, des romans signés sous le pseudonyme Benoît Becker, pseudo générique d'un collectif d'auteurs qui travaille pour Fleuve Noir. Il signe aussi des articles sur le cinéma pour le magazine Carrefour ce qui l'amène à rencontrer Jacques Tati et surtout Pierre Etaix (ci-dessous en pleine partie d'échec !) avec qui il réalisé et écrit pour la première fois pour le cinéma. Les deux amis co-signent les courts métrages "Rupture" (1961) et "Heureux Anniversaire" (1961).

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Jean-Claude Carrière va néanmoins se focaliser sur l'écriture et signe les scénarios du court métrage "Insomnie" (1963) et du long métrage "Le Soupirant" (1963) toujours en collaboration Pierre Etaix. Remarqué, sa carrière va prendre de l'essor quand il est choisit pour co-écrire d'après Octave Mirbeau le scénario de "Le Journal d'une Femme de Chambre" (1964) de Luis Bunuel (ensemble ci-dessous), dans lequel il apparaît également pour la première fois devant la caméra (qu'il réitèrera de temps en temps) en incarnant un prêtre. Le succès étant au rendez-vous et une complicité nouvelle se crée qui va amener l'auteur à travailler très régulièrement avec le réalisateur par la suite.

Carrière est en plein essor, il continue à écrire des livres romans avec "L'Alliance" (1962), mais aussi des anthologies comme "Les plus Belles Lettres d'amour" (1962) ou "Humour 1900" (1963) ou encore "Dictionnaire de la Bêtise et des Erreurs de Jugement" (1965), mais le cinéma va tout de même l'accaparer de plus en plus. 

 

Il retrouve son ami Pierre Etaix pour "Yoyo" (1965), co-signe "Viva Maria" (1965) de Louis Malle qui réunit deux des plus grandes actrices de leur génération Jeanne Moreau et Brigitte Bardot, après une collaboration avec le réalisateur espagnol Jesus Franco sur ""Le Diabolique Docteur Z" (1966) et "Cartes sur Table" (1966) il retrouve Pierre Etaix pour "Tant qu'on a la Santé" (1966) puis Louis Malle pour "Le Voleur" (1967) avec Jean-Paul Belmondo.

Il signe ensuite, d'après Joseph Kessel, le magnifique "Belle de Jour" (1967) de Luis Bunuel qu'il retrouve pour "La Voie Lactée" (1969). Une année érotique très faste pour Jean-Claude Carrière puisqu'il signe "Le Grand Amour" (1969) de Pierre Etaix, participe au grand retour de Romy Schneider auprès de Alain Delon dans "La Piscine" (1969 - ci-dessous) de Jacques Deray et en profite pour réaliser en solo son seul film, le court métrage "La Pince à Ongles" (1969) pour lequel il obtient le Prix Spécial du Jury au Festival de Cannes 1969.

Entre temps il écrit sa première pièce de théâtre, "L'Aide-Mémoire" (1968) mis en scène par André Barsacq. Une expérience qu'il renouvellera avec la pièce "Le Client" (1971)

 

Il retrouve ensuite Belmondo, Delon et Deray pour un face à face mythique avec "Borsalino" (1970) avant de signer la comédie de moeurs "Taking Off" (1971) de Milos Forman qui amène à sa première nomination à un prix majeur pour le British Academy Film Award (BAFTA) du meilleur scénario. Il adapte son propre roman "L'Alliance" (1971) de Christian de Chalonge. Les années 70 sont celles de la diversification et commence à travailler pour d'autres cinéastes que ses fidèles. Ainsi il écrit "Liza" (1972) de Marco Ferreri, "Le Moine" (1972) de Adonis Kyrou, "France Société Anonyme" (1974) de Alain Corneau, "La Chair de l'Orchidée" (1975) de Patrice Chéreau, "Julie Pot de Colle" (1977) de Philippe De Broca, "Le Tambour" (1979 - ci-dessous) de Volker Schlöndorff...

Mais c'est bel et bien avec Luis Bunuel qu'il obtient toute la reconnaissance, il obtient une nomination pour l'Oscar du meilleur scénario pour "Le Charme Discret de la Bourgeoisie" (1973), il est lauréat du BAFTA du meilleur scénario 1974 pour ce même film, puis il aura encore deux nominations à l'Oscar et le César 1978 pour "Cet Obscur Objet du Désir" (1978). Il aura écrit aussi avec Bunuel le film "Le Fantôme de la Liberté" (1974).

 

Photo de 1972 dantesque ci-dessous : Jean-Claude Carrière (le plus jeune et seul barbu) au milieu des réalisateurs parmi les plus mythiques du Septième Art avec Alfred Hitchcock, Luis Bunuel bien sûr, George Cukor, Billy Wilder, Rouben Mamoulian, Robert Mulligan, George Stevens, Robert Wise, Wylliam Wyler...

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Il retrouve souvent Jacques Deray également avec les films "Un Homme est Mort" (1972), "Le Gang" (1976) et "Un Papillon sur l'Epaule" (1978).

 

Il écrit pour l'unique fois pour Jean-Luc Godard avec "Sauve qui Peut (la Vie)" (1980), obtient le César du meilleur scénario pour le magnifique "Le Retour de Martin Guerre" (1982 - ci-dessous) de Daniel Vigne, retourne aussitôt dans le drame historique pour "Danton" (1983) de Andrzej Wajda, retrouve Schlöndorf pour "Un Amour de Swann" (1984), signe "Max Mon Amour" (1985) de Nagisa Oshima, suivi de "Les Exploits d'un Jeune Don Juan" (1987) de Gianfranco Mingozzi...

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Le scénariste termine la décennie avec deux films majeurs, "L'insoutenable Légèreté de l'Être" (1988 - ci-dessous) de Philip Kaufman pour lequel il obtient le BAFTA du meilleur scénario et adapte le roman de Choderlos de Laclos "Les Liaisons Dangereuses" pour "Valmont" (1989) de Milos Forman qui sera malheureusement un peu éclipser par la sublime version "Les Liaisons Dangereuses" (1988) de Stephen Frears.

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Egalement régulièrement présent pour le théâtre, on peut citer son Molière de la meilleure adaptation 1991 pour la pièce "La Tempête" (1990) d'après Shakespeare mis en scène par Peter Brook. 

 

Il retrouve un autre fidèle pour "Milou en Mai" (1990) de Louis Malle avec Gérard Depardieu qu'il retrouve aussitôt après pour le monument "Cyrano de Bergerac" (1990 - ci-dessous) de Jean-Paul Rappeneau avec deux nominations au BAFTA et César du meilleur scénario à la clef.

Citons encore la sublime adaptation de "Le Hussard sur le Toit" (1995) de Jean-Paul Rappeneau d'après Jean Giono, suivi de celle de "Le Roi des Aulnes" (1996) de Volker Schöndorff d'après Michel Tournier.

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Il signe une nouvelle pièce de théâtre avec "La Terrasse" (1997) avant de se faire plus discret au cinéma durant quelques années mais qui reste toujours très actif notamment en écrivant plusieurs livres comme "Le Dictionnaire des Révélations Historiques et Contemporaines" (1999), son autobiographie de jeunesse "Le Vin Bourru" (2000) ou encore "Les Années d'Utopie" (2003). Il signe plusieurs pièces également dont "Le Jeune Prince et la Vérité" (2001) ou encore  "La Mort de Krishna" (2003).

 

Il revient au cinéma avec une production américaine en co-signant "Birth" (2004) de Jonathan Glazer avec la star Nicole Kidman puis retrouve pour la 3ème et ultime fois Milos Forman pour le drame historique "Les Fantômes de Goya" (2007 - ci-dessous). Il collabore au scénario du magnifique et difficile "Le Ruban Blanc" (2009) de Michael Haneke lauréat de la Palme d'Or 2009 à Cannes et Golden Globe du meilleur film étranger.

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Il signe ensuite le très beau "L'Artiste et le Modèle" (2012 - sur le tournage ci-dessous) de Fernando Trueba avec un émouvant Jean Rochefort et une nomination au Goya du meilleur scénario, puis touche à l'Orient avec le très beau "Syngué Sabour - Pierre de Patience" (2012) de Atiq Rahimi avant de revenir en France avec "L'Ombre des Femmes" (2015) de Philippe Garrel.

Jean-Claude Carrière aura aussi travaillé pour la télévision mais assez peu du téléfilm "Le Franc Tireur" (1978) à "Galilée ou l'Amour de Dieu" (2006) de Jean-Daniel Verhaeghe. Il aura écrit plus de pièces de théâtre dans les années 2000 que dans toute sa carrière dont la dernière est "Audition" (2010) alors que se rejoue "L'Aide Mémoire" en 2014.

 

L'auteur, écrivain et scénariste aura aussi joué devant la caméra, de temps à autre, souvent pour un caméo. Ses deux dernières apparitions sont un riche paranoïaque dans "Avida" (2006) du duo grolandais Delépine-Kervern puis un homme sur une place dans "Copie Conforme" (2010) de Abbas Kiarostami.

 

Ses derniers scénarios sont le biopic sur le peintre Van Gogh "At Eternity's Gate" (2018 - ci-dessous avec le réalisateur et l'acteur principal) de Julian Schnabel avec Willem Dafoe, puis écrit coup sur coup pour la famille Garrel père et fils avec "L'Homme Fidèle" (2018) de Louis Garrel et son ultime film "Le Sel des Larmes" (2020) de Philippe Garrel.

Jean-Claude Carrière crée avec Carole Bouquet, Gérard Depardieu et Sophie Rigon le festival "Un réalisateur dans la Ville" à Nîmes. Il entre à la Fondation de la Société des Amis de Victor Hugo en 2000, puis à l'Académie Alphonse Allais en 2016.

Le scénariste est honoré en 2014 (ci-dessous) d'un Oscar d'Honneur aux côtés de Hayao Miyazaki et de Maureen O'Hara.

 

L'artiste a épousé trois fois, avec la peintre Augusta Bouy avec qui il a eu une fille (Iris). Après un divorce il a épousé une amie du manadier Jean Lafont dont il est devenu veuf puis a épousé en 3ème noce Nahal Tajahod, femme de lettre spécialisée de l'Iran et de la Chine avec qui il a eu une seconde fille (Kiara) née en 2003.

 

Jean-Claude Carrière aura été un auteur prolifique et salué unanimement, avec une filmographie riche et foisonnante dont plusieurs chefs d'oeuvres dont il a assurément été l'un des maîtres d'oeuvre.

 

Jean-Claude Carrière meurt dans son sommeil paisiblement (selon sa famille) ce lundi 08 février 2021 à l'âge de 89 ans.

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