A Good Man (2021) de Marie-Castille Mention-Schaar

par Selenie  -  24 Juin 2022, 15:30  -  #Critiques de films

Après le léger "La Fête des Mères" (2018), la réalisatrice-scénariste Marie-Castille Mention-Schaar revient avec un sujet plus sérieux, ou du moins plus ouvert au débat que jamais voir à la polémique tant il touche à l'intime et à la nature des choses telle qu'elle est depuis des centaines voir des milliers d'années. La cinéaste s'y est d'abord intéressée après avoir vu le documentaire "Coby" (2018) de Christian Sonderegger, qui a été assistant de Marie-Castille Mention-Schaar, et qui a suivi avec ce documentaire son propre frère Jacob née Suzanna. Le film est d'ailleurs dédié à Jacob qui est mort avant la sortie du film. Le sujet ouvre sur de nombreuses autres thématiques complexes, la cinéaste s'est donc énormément documentée en amont. Outre "Coby", elle s'est notamment penchée sur le destin de Thomas Beatie, le plus médiatisé des quelques 2000 hommes trans qui accoucheraient aux Etats-Unis chaque année, puis à pu s'entretenir avec Laurence Hérault, anthropologue à l'Université de Aix-Marseille et auteure de nombreux ouvrages sur la parenté transgenre... Aude et Benjamin s'aiment et vivent ensemble depuis 6 ans et ont désormais le désir d'avoir une enfant. Malheureusement Aude ne peut pas en avoir, alors Benjamin décide de tomber enceint ce qui va entraîner tout un processus difficile et compliqué en tant qu'homme transexuel qui était déjà dans une démarche définitive pour devenir un homme...

Le couple est incarné par Soko vue dans des films comme "Augustine" (2012) de Alice Winocour, "Voir du Pays" (2016) des soeurds Coulin ou "La Danseuse" (2016) de Stephanie Di Giusto, puis dans le rôle de l'homme trans Noémie Merlant qui retrouve la réalisatrice pour la 4ème fois après "Les Héritiers" (2014), "Le Ciel Attendra" (2016) et "La Fête des Mères" (2018), et qui a déjà démontré sa curiosité et son audace dans des rôles à la "sexualité différente" notamment avec "Portrait d'une Jeune Fille en Feu" (2019) de Céline Sciamma, "Jumbo" (2020) de Zoé Wittock et le tout récent et sublime "Les Olympiades" (2021) de Jacques Audiard. Noémie Merlant retrouve après "Les Drapeaux de Papier" (2019) de Nathan Ambrosioni ses partenaires Alysson Paradis et Anne Loiret, cette dernière retrouve également la réalisatrice après "Ma Première Fois" (2012). La réalisatrice et Merlant retrouvent également Geneviève Mnich qui jouait dans "Bowling" (2012) et "Les Héritiers" (2014), puis Vincent Dedienne qui était à l'affiche de "la Fête des Mères"... La cinéaste a constitué un casting très hétéroclytre d'un point de vue de l'orientation sexuelle, dans l'idée peut-être de rester dans une logique de tolérance et de liberté, et pourquoi pas d'espérer une sorte d'émulation de groupe. Ainsi précisons que Soko est pansexuelle et qu'elle a eu un bébé en 2018 avec sa conjointe, Vincent Dedienne est gay, et alors que la cinéaste a choisi une actrice hétéro pour incarner un homme trans, elle a choisi l'acteur Jonas Ben Ahmed connu pour son rôle de Dimitri dans la série TV "Plus Belle la Vie" (2018-...), homme transgenre pour interprété un homme hétéro... A la différence de Jacob/Suzanna qui au final s'est fait opéré et n'a pas porté d'enfant la réalisatrice-scénariste a choisi l'inverse, son personnage principal va jusqu'au bout de son désir d'avoir un enfant et insistant sur le fait que le désir d'avoir un enfant n'est pas un désir de maternité ! Nuance importante puisque Benjamin/Merlant décide de porter son enfant à l'insu de son plein gré, contraint par l'impossibilité de procréer de sa conjointe. La force du scénario est de pas se focaliser sur le processus médicale et technique, ni d'insister sur les tabous ou les questions morales et/ou philosophiques mais plutôt de s'attacher au couple, aux réflexions intra-conjugales, à l'intime conviction et aux sentiments personnels du couple. D'ailleurs l'autre bon point est de ne pas tout focaliser non plus sur Benjamin/Merlant, qui devient par la force des choses père et mère officiel de l'enfant alors que Aude/Soko se prépare à devenir une maman "officieuse", non biologique et se sent finalement peu impliquée vis à vis de Benjamin.

Cette réflexion importe finalement plus que la transexualité et impose une universalité du propos puisque chez les hétéros cette question peut être également posée. Pourtant, si on apprécie le point de vue de la cinéaste, qui évite un voyeurisme malsain ou des clichés faciles il manque un petit quelque chose, car finalement il s'agit d'une énième histoire d'un couple ayant des soucis pour avoir un bébé, la seule singularité de cette histoire étant la transexualité. Un sujet ô combien tabou et complexe et rien que le fait de l'aborder par ce biais se doit de saluer l'audace, la preuve est que malgré une réalisatrice reconnue, un casting très actuel et malin, le public n'a pas suivi avec moins de 12000 entrées France. Si on regarde de plus près la réalisatrice n'évite pas certains écueils, comme l'importance de la nature (magnifique paysage de la côte bretonne) qui est à peine mis en valeur, ou les scènes de discothèques qui sont encore plus superficielles. Des choix qui meublent mais qui montrent aussi trop la difficulté de traîter un tel sujet. Outre le parcours intérieur du couple pour oser aller au bout de leur processus, la cinéaste démontre la difficulté d'assumer sa transition, montre les écarts entre les pays... etc... mais si les points sensibles sont touchés du doigts ils ne sont finalement jamais réellement approfondis, il manque un truc en plus, un peu plus de chair et de passion. Le vrai atout du film reste la performance des deux actrices, Soko est une conjointe particulièrement touchante mais sans doute un peu trop parfaite en épouse idéale, tandis que Noémie Merlant impressionne encore avec une implication assez démente mais qui du même coup n'est pas aidé par un personnage trop mutique et/ou jamais à fleur de peau ce qui est étonnant dans un tel contexte. En conclusion, chapeau madame Mention-Schaar pour le courage d'un tel film, magnifiques actrices en prime mais on sent que le poids de la thématique à tout de même peser et que l'écriture a été compliquée. Un film nécessaire sans doute mais pas toujours convaincant.

 

Note :                

12/20
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