Jumbo (2020) de Zoé Wittock

par Selenie  -  9 Juillet 2020, 07:41  -  #Critiques de films

Après plusieurs courts métrages dont le dernier "À Demi-Mot" (2014), le réalisatrice belge Zoé Wittock signe son premier long métrage avec une histoire originale dont elle signe également le scénario. Le film a été présenté aux dernières éditions des Festivals de Sundance et Berlin. La cinéaste a eu l'idée du film en tombant sur un article consacré à Erika Eiffel qui a été championne de tir à l'arc et dormait avec son arc avant d'épouser la Tour Eiffel (oui oui !) en 2007 : "J'ai contacté Erika Eiffel et, en discutant avec elle, j'ai été mise face à mes propres clichés. En fait, elle était l'inverse de ce que je pensais. Je m'attendais à quelqu'un d'extrême, voire d'exalté. Elle était posée, très articulée. Ce sentiment de me retrouver un peu bête face à elle m'a fait comprendre que c'était un personnage plus intéressant que je ne l'avais imaginé. (...) J'ai tout de même noté que la plupart des gens qui sont objectophiles ont été victimes d'un trauma ou présentent une forme d'autisme...."...

Un sujet aussi singulier que la réalisatrice-scénariste a dû se documenter auprès de spécialistes en plus de s'être entretenue avec Erika Eiffel... Jeanne est une jeune femme timide qui travaille comme gardienne de nuit pour un parc d'attraction. Alors que sa vie se résume à son travail et à sa relation fusionnelle avec sa mère elle va développer une relation inhabituelle avec un manège du parc... Jeanne est incarnée par la merveilleuse et talentueuse Noémie Merlant qui a explosée l'année dernière avec les films "Curiosa" (2019) de Lou Jeunet et "Portrait d'une Jeune Fille en Feu" (2019) de Céline Sciamma. La maman est jouée par Emmanuelle Bercot, réalisatrice qui n'a pas réalisée depuis "La Fille de Brest" (2016) pour accentuer sa présence devant la caméra des autres notamment dans les films "Les Filles du Soleil" (2018) de Eva Husson et "L'Heure de la Sortie" (2019) de Sébastien Marnier. A leurs côtés les rôles masculins sont tenus par Bastien Bouillon vu récemment dans "Le Mystère Henri Pick" (2019) de Rémi Besançon et "Seules les Bêtes" (2019) de Dominik Moll, puis par Sam Louwyck vu dans "Lukas" (2018) de Julien Leclercq et "Never Grow Old" (2019) de Ivan Kavanagh... Le film s'ouvre sur une petite scène gratuite dont on pense aussitôt pourquoi ?! Noémie Merlant est jolie, on est loin de s'en plaindre mais cette ouverture reste d'un voyeurisme tout simple. On a bien du mal à savoir dans quoi veut nous emmener la réalisatrice-scénariste car le récit n'aborde pas franchement le problème à l'origine de cette "objectophilie". Ses propres recherches la cinéaste sait que le trouble émotionnel est sûrement dû à un traumatisme passé ou à un autisme mais jamais le film n'aborde ce point. L'énamourée est juste timide et solitaire.

Ensuite une partie "fantasmagorique" nous empêche de croire vraiment à cette idylle : sommes-nous dans le fantastique pur ou est-ce juste un moyen de matérialiser les sensations ressenties par Jeanne/Merlant ?! Mais on comprend bien le message sur la tolérance et le parallèle évident avec les LGBT tant on a droit au panel "difficultés de vivre" avec le rejet des autres, l'incompréhension des proches, le choix d'une sexualité différente... etc... Et pourtant, si au début Jeanne assure qu'il n'y a rien de sexuel (sous-entandant juste les sentiments) peu de temps après il est question d'orgasme. Le point de vue se trouve soudain radicalement modifié, pourquoi pas ?! Malheureusement Zoé Wittock ne sait pas du tout montrer le désir et la sensualité. Il ne suffit pas de dénuder son actrice principale. La relation entre Jeanne et Jumbo est froide et sans créativité. Heureusement, l'émotion jaillit dans les séquences mère-fille, intense et touchante grâce à deux actrices superbes et investies. Zoé Wittock peut remercier ses actrices. Etonnament la seconde partie est bien plus réussie que la première, plus forte émotionnellement et avec une vraie évolution de l'histoire. Au final il s'agit d'une fable insolite, qui interpelleront certains peut-être avec un joli message de tolérance mais ça reste maladroit et Jumbo, personnage central, est justement celui qui est traité le plus maladroitement. Un film peut-être à revoir...

 

Note :                

 

10/20

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