À Temps Plein (2022) de Eric Gravel

par Selenie  -  17 Mars 2022, 11:14  -  #Critiques de films

Après la comédie "Crash Test Aglaé" (2017) le réalisateur-scénariste Eric Gravel revient avec un drame social, un projet qu'il explique : "Ca se met à craquer de partout, un peu comme ce qui arrive à mon personnage. J'avais envie que vivent en parallèle le combat individuel et collectif, que graduellement, on comprenne qu'ils sont liés, racontent la même histoire, que l'un est la conséquence de l'autre. Et je me suis siuvenu des grèves à Paris en 1995, j'avais été impressionné par la façon dont les parisiens et les banlieusards étaient solidaires et faisaient vivre la ville autrement, en marchant, en faisant du stop, en s'entraidant. Je voulais montrer cette ambiance de combat quotidien et surtout cette solidarité." Le film est d'ores et déjà lauréat des prix du Meilleur réalisateur et de la Meilleure actrice de la section Orizzonti de la Mostra de Venise 2021... Julie se démène pour élever seule ses deux enfants. Elle court de sa maison à la campagne à son travail dans un palace parisien. Le temps est compté mais un jour elle obtient enfin un entretien pour un poste qui correspond à ses aspirations. Malheureusement, le Jour J une grève générale éclate qui paralysent les transports et soudain le rêve prend l'eau. Julie va devoir lutter contre les éléments et se lance dans une course effrénée en essayant de ne pas sombrer...

Cette maman dépassée par les événements est incarnée par l'épatante Laure Calamy vue récemment dans "Antoinette dans les Cévennes" (2020) de Caroline Vignal et "Une Femme du Monde" (2021) de Cécile Ducrocq. Autour d'elle citons Anne Suarez vue entre autre dans "Polisse" (2011) de et avec Maïwenn, "Pupille" (2018) de Jeanne Herry et "Rose" (2021) de Aurélie Saada, Geneviève Mnich notamment chez Marie-Castille Mention-Schaar dans "Bowling" (2012), "Les Héritiers" (2014) et "A Good Man" (2020), Cyril Gueï vu dans les deux dyptiques "Joséphine" (2013-2016) respectivement de Agnès Obadia et Marilou Berry, puis "Tamara" (2016-2018) de Alexandre Castagnetti, et enfin Agathe Dronne vue dans "Espèces Menacées" (2017) de Gilles Bourdos, "Villa Caprice" (2020) de Bernard Stora qui retrouve Laure Calamy après le film "Les Cowboys" (2015) de Thomas Bidegain... Le film débute normalement, une maman qui se lève, se prépare, prépare ses enfants, dépose ses enfants chez une nounou de fortune puis se dépêche pour son transport. C'est à cet instant précis que le film s'emballe, au rythme des horaires de transport sur lesquelles on ne peut pas franchement faire confiance malgré les obligations et les nécessités. Julie/Calamy court, court tout le temps, court souvent, court vite même accompagnée par une musique électro entraînante au rythme de ses urgences, au rythme surtout de son coeur qui s'emballe en cette semaine de grâce. Elle court tant qu'on pense à "Cours, Lola, Cours" (1998) de Tom Tykwer. On comprend vite que cette semaine est une semaine spéciale pour Julie, une sorte de dernière chance dans une semaine où elle n'en a pas puisqu'évidemment les incidents s'accumulent, la poisse encrasse un planning déjà chargé. Il y a deux petits bémols pourtant dans ce scénario catastrophe.

Le premier est qu'à force de voir se succéder autant de poisse et en seulement 5-6 jours ça agace un peu, pour le propos et l'enjeu il n'était pas nécessaire d'ajouter ces petits tracas (légère chute d'un enfant, la panne de voiture...), le drame au drame c'est aussi combler les trous d'un scénario qui se suffisait à lui-même avec les transports en commun et les retards, la nounou, les relations au travail aussi. Le film se focalise sur une petite semaine, où la malchance fait plonger une maman vers un burn-out qui serait bien compréhensible mais dans le même temps donne des infos sous-jacents qui interrogent : elle semble bien s'entendre avec son ex mais semble aussi surprise quand elle apprend pourquoi il répond pas, elle semble souvent en retard même sans grève (?!)... Des tous petits détails qui gênent et parasitent un récit qui n'avait nul besoin de ce "surplus" dramatique qui donne une dose d'artifice à une course contre la montre pourtant millimétrée et immersive. Eric Gravel signe une mise en scène intelligente, outre le musique parfaitement ajustée à l'action, on apprécie cette caméra fluide qui se focalise sur Julie, on se retrouve concentrée sur elle de la même façon qu'elle est concentrée sur sa montre, ce qui l'entoure devient flou et montre bien le côté anxiogène de Paris, surtout en semaine de grève. Une grève d'ailleurs de petites gens qui gênent d'autres petites gens (eh oui !). En prime, une actrice principale époustouflante, Laure Calamy est une fois de plus épatante et confirme encore un talent de dingue. Ce film pêche donc par un trop plein d'incidents, on frôle l'embouteillage narratif, mais c'est aussi une démonstration solide et dense, non dénué d'émotion forte. A voir et à conseiller.

 

Note :      

 

15/20
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