Notre-Dame Brûle (2022) de Jean-Jacques Annaud
Une fois n'est pas coutume, le cinéma français particulièrement réactif après un événement frappant les mémoires, l'Incendie de Notre-Dame (Tout savoir ICI !). Si le cinéma américain a toujours su réagir aux drames assez rapidement, en France cela a toujours été plus problématique, voir tabou. Cette fois dès 2019 un certain Jérôme Seydoux, patron de Pathé, a proposé à Jean-jacques Annaud, réalisateur de quelques monuments du cinéma comme "La Guerre du Feu" (1981), "L'Ours" (1988) ou "L'Amant" (1992), de faire un film à partir d'archives pour une immersion totale et à grand spectacle sur l'incendie de Notre-Dame. Le réalisateur explique : "Mon premier réflexe est de craindre qu'il n'existe pas suffisamment d'images variées pour construire un film de 90 minutes, mais j'écoute. Je repars avec une pochette de documentation, des articles en français et en anglais. Avant d'aller me coucher, j'y jette un oeil. Je dévore le tout jusqu'au milieu de la nuit. Il était tard ou trop tôt pour appeler, mais ma décision était prise. Ce que j'y ai découvert était inimaginable. Une fascinante cascade de contretemps, d'obstacles, de dysfonctionnements. Du pur invraisemblable mais vrai. Avec par-dessus le marché tous les composants d'un scénario de fiction : dans le rôle-titre, une star internationale, Notre-Dame de Paris. Son adversaire : un démon redoutable et charismatique, le feu. Entre les deux, des jeunes gens humbles prêts à donner leur vie pour sauver des pierres." Le cinéaste s'est énormément documenté afin de dérouler un récit chronologiquement le plus précis possible, regroupant témoignages des pompiers notamment, appel à contributions pour recueillir des vidéos amateurs, sans compter la présence d'un adjudant pompiers comme consultant technique sur le tournage. Et enfin, doté d'un budget de 25 millions d'euros (très raisonnable comparé à ses plus gros films) 20% du budget est consacré aux décors et à la reconstitution pure de Notre-Dame. Jean-Jacques Annaud se lance donc un défi de taille avec ce projet alors qu'il n'avait plus tourné pour le cinéma depuis "Le Dernier Loup" (2015). Il co-signe le scénario avec une pointure, Thomas Bidegain, co-scénariste de plusieurs films de Jacques Audiard et réalisateur du film "Les Cowboys" (2015)...
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15 avril 2019, un incendie se déclare sur la toiture de la cathédrale de Notre-Dame de Paris. Très vite le feu devient incontrôlable et devient une tragédie suivie de tous, les pompiers mettent tout en oeuvre pour tenter de sauver l'une des fleurons de notre Histoire tandis que le sinistre devient un des événements les plus médiatisés de son époque... La plupart du casting incarne donc des pompiers de Paris, avec à leur tête le général Gallet interprété par Jean-Paul Bordes vu récemment dans "Illusions Perdues" (2021) de Xavier Giannoli et "Les Promesses" (2022) de Thomas Kruithof, puis le général Gontier interprété par Samuel Labarthe, connu pour prêter sa voix à quelques stars hollywoodiennes comme George Clooney ou Liam Neeson, et vu entre autre dans "Deux Jours à Tuer" (2008) de Jean Becker ou "La Conquête" (2011) de Xavier Durringer. Citons ensuite Mikaël Chirinian vu notamment dans "R.I.F." (2011) de Franck Mancuso et "Voyez comme on Danse" (2018) de et avec Michel Blanc, Jérémie Laheurte vu dans "La Vie d'Adèle" (2013) de Abdellatif Kechiche et "Tu Mérites un Amour" (2019) de et avec Hafsia Herzi et qui retrouve après "Private War" (2018) de Matthew Heineman son partenaire Antonythasan Jesuthasan qui retrouve de son côté son scénariste du film qui l'a révélé "Dheepan" (2015) de Jacques Audiard, Dimitri Storoge vu dans "Les Lyonnais" (2011) de Olivier Marchal et "L'Odeur de la Mandarine" (2015) de Gilles Legrand, Chloé Jouannet (fille de Alexandra Lamy) vue dans "Avis de Mistral" (2014) de Rose Bosch ou "Le Gendre de ma Vie" (2018) de François Desagnat, Pierre Lottin connu surtout pour la saga "Les Tuche" (2011-2021) de Olivier Baroux mais vu aussi dans "Qu'un Sang Impur..." (2020) de Abdel Raouf Dafri ou "Playlist" (2021) de Nine Antico, Elodie Navarre devenue très rare avec un seul film sur ces 5 dernières années "Les Femmes du Square" (2021) de Julien Rambaldi, Pascal Rénéric aperçu dernièrement dans "Alice et le Maire" (2019) de Nicolas Pariser et "La Vraie Famille" (2022) de Fabien Gorgeart, puis Bernard Gabay surtout réputé dans le doublage prêtant sa voix à de nombreuses stars internationales comme Viggo Mortensen, Ralph Fiennes, Andy Garcia ou encore Antonio Banderas... Evidemment, comme l'a précisé Jean-Jacques Annaud, la grande star du film reste et demeure la cathédrale Notre-Dame de Paris. Et si le réalisateur a pu tourné quelques plans dans la cathédrale elle-même il a fallu faire illusion en tournant aussi et surtout dans les cathédrales de Sens, Amiens et Bourges, ainsi que quelques scènes à la basilique Saint-Denis, mais surtout il a fallu reconstituer l'intérieur de Notre-Dame à l'identique en studios ! Précisons que la grande partie des séquences d'incendie ont été tourné "à l'ancienne" en limitant au maximum les images de synthèse, ainsi les effets spéciaux représentent environ un quart du film soit 400 sur les 1500-1600 plans ce qui n'est pas excessifs compte tenu du projet. Dès les premières minutes, on se dit deux choses, d'abord que le réalisateur semble avoir choisi un style très docu-fiction surtout doc, très scolaire, très didactique, qui penche très clairement pour un hommage grandiloquent, ensuite on se dit que le casting débute mal tant les premiers protagonistes sont terriblement mauvais, ce qui appuie la sensation de documentaire, une plongée qui se veut donc très documentaire, très réaliste mais sans magie. Ces choix semblent donc volontaires. Néanmoins, ces mêmes choix ne vont pas être assumer à fond, plusieurs autres idées vont interférer et vont rendre le film bancal, ni vraiment docu ni vraiment fiction. Le film est annoncé comme étant 100% véridique, façon "incroyable mais vrai". Soyons terre à terre, on peut s'interroger sur un point essentiel et épineux : comment expliquer que les pompiers arrivent aussi tard sur les lieux ?! Les premiers pompiers n'arrivent pas avant 30mn après les premiers avertissements avec une caserne à moins de 900m, la première action d'une lance incendie ne débute pas avant 1h15 !
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C'est aussi lors de cette première heure qu'on comprend que Jean-Jacques Annaud va saupoudrer son film de séquences plus ou moins pompeuses, plus ou moins inventives, plus ou moins symboliques, mais certainement pas ni réalistes ni vraisemblables. Pêle-mêle un fillette nommée Chloé qui va prier en allumant une bougie avec un retour en fin de film qu'on voit venir à des kilomètres, un général qui rappelle le code d'honneur à la radio de façon solennel alors qu'il ne sait encore rien, nous faire croire aussi qu'un gradé aussi important prend des risques actifs, un jeune pompier qui prend le temps de se trouver un chewing-gum (où quand comment ?!), un pompier en pleine mission suicide qui prend le temps d'une pause mélomane... etc... Dans le même temps le réalisateur abuse des symboles qu'il appuie en gros plan pour être sûr qu'on ne les râte pas, parfois plus ou moins logiques et attendus comme une croix ou la belle larme de la vierge Marie, souvent inutiles et grossiers comme les poings rageurs ou le regard plus ou moins expressif de quelques pompiers. Annaud abuse aussi de passages très "politiques" qui sont comme des cheveux sur la soupe, hors contexte ou surtout complètement superflus et gratuits comme la maire de Paris qui serait une des premières témoins, ou pire avec ce texto de Trump (?!). Plus subjectif, on sourit ironiquement quand un prêtre remercie dieu d'avoir sauver les oeuvres inestimables (ah ce n'est pas les pompiers ?!) oubliant donc qu'il n'a pas sauvé Notre-Dame ?! Le film surnage difficilement, grâce surtout et avant tout à la reconstitution de l'incendie lui-même, grâce à l'immersion dans le feu, constatant les ravages jusqu'à la fonte des métaux et leurs conséquences, cette plongée dans les méandres d'un charpente surnommée "la forêt", sans compter effectivement les parasites politiques qu'il faut tromper grâce à un "PC miroir" afin de continuer à travailler sereinement. Malheureusement, outre cette partie centrale du feu et des coulisses même de Notre-Dame, tout le reste est quasiment râté, rien ne va. Pas réaliste sur plusieurs réactions, trop solennel alors qu'on se doute qu'ils sont dans l'action pas dans l'éloquence, trop pompeux car trop écrit donc peu vraisemblable, sans compter des acteurs pour la plupart très mauvais et donc si peu crédibles. A force d'être obnubilé par sa mission "hommage", Jean-Jacques Annaud en a oublié l'essentiel, faire vivre son histoire corps et âmes mais comble de son échec, il n'y a justement aucune âme, aucun sens de la magie, aucune émotion autre que celle que Notre-Dame brûle, littéralement, une émotion qu'on a donc déjà vécu sans Annaud et que n'importe quel autre documentaire pourrait retranscrire. Le réalisateur n'a pas su transcender son sujet, au contraire, il s'est engoncé dans un truc certe ludique peut-être mais sans consistance, sans émotion. Jean-Jacques Annaud s'est pris les pieds dans le tapis, pour ce qui est sans doute son film le moins abouti. Notre Dame méritait mieux... Dommage, très dommage...
Note :