Illusions Perdues (2021) de Xavier Giannoli

par Selenie  -  21 Octobre 2021, 16:54  -  #Critiques de films

Aussi étonnant que cela puisse paraître ils'agit de la première adaptation de ce roman de Honoré de Balzac contrairement à d'autres de ses romans dont le tout récent "Eugénie Grandet" (2021) de Marc Dugain. Donc ce nouveau projet est l'adaptation du roman "Illusions Perdues" (1837-1843), roman-clé de La Comédie Humaine. Néanmoins, le livre est scindé en trois parties et le réalisateur-scénariste a décidé de surtout se focaliser sur la seconde, donc exit Les Deux Poètes et Les Souffrances de l'Inventeur et en avant pour Un Grand Homme de Province à Paris. Précisons que cette oeuvre fut inspiré à Balzac d'après son expérience en imprimerie. Xavier Giannoli réalise donc son 8ème film et retrouve son co-scénariste Jacques Fieschi avec qui il a déjà collaboré sur ses films "Une Aventure" (2005) et "L'Apparition" (2018). Le scénariste est notamment connu pour avoir signé tous les films réalisés par Nicole Garcia depuis "Un Week-End sur Deux" (1990) au tout récent "Amants" (2020). Les deux auteurs n'ont pas voulu être trop engoncés dans la pure adaptation fidèle, par exemple le personnage de Daniel d'Arthez est occulté (mais associé à d'autres pour créer un nouveau personnage) : "Dans le roman, Rubempré est un moment tiraillé entre Lousteau et d'Arthez, entre le vice et la vertu, mais je trouvais cette distribution dramatique trop facile dans un film, trop didactique. Et puis filmer la simple vertu m'ennuyait..."... Lucien est un jeune poète qui espère percer et se faire connaître en montant à Paris. Il quitte donc l'imprimerie familiale et part à Paris aider par sa protectrice, une aristocrate plus âgée que lui. Il va réussir à se faire embaucher comme journaliste, et va vite apprendre la loi du profit et les faux-semblants où tout s'achète et tout se vend...

Le personnage principal, Lucien de Rubempré est incarné par Benjamin Voisin, jeune premier en pleine ascension depuis deux ans avec entre autres les récents "Eté 85" (2020) de François Ozon et "Le Bal des Folles" (2021) de et avec Mélanie Laurent. Sa protectrice est jouée par Cécile de France qui retrouve Giannoli après "Quand j'étais Chanteur" (2006) et "Superstar" (2012), après ce premier les deux retrouvent aussi Gérard Depardieu qui avait retrouvé le réalisateur également sur "A l'Origine" (2009), parmi les autres fidèles au cinéaste citons Louis-Do de Lencquesaing qui était dans "Les Corps Impatients" (2003) et "Superstar", puis André Marcon qui jouait dans "Marguerite" (2015) et qui retrouve Benjamin Voisin après "Le Bal des Folles" ainsi que son ami de Lencquesaing après le film de ce dernier "Au Galop" (2012). Parmi les proches de Rubempré il y a Vincent Lacoste qui retrouve Depardieu après "Astérix et Obélix : au Service de sa Majesté" (2012) de Laurent Tirard et "Saint-Amour" (2016) du duo Kervern-Delépine, puis un certain Xavier Dolan petit génie québecois pas vu depuis son film "Matthias et Maxime" (2019), Salomé Dewaels aperçue dans "Les Premiers, les Derniers" (2016) de Bouli Lanners et "Filles de Joie" (2020) de Frédéric Fonteyne et Anne Paulicevich. Citons encore Jeanne Balibar vue dernièrement dans "Merveilles à Montfermeil" (2019) d'elle-même et "Les Misérables" (2019) de Ladj Ly, puis enfin le regretté Jean-François Stévenin dans un de ses films posthumes en attendant encore "Tendre et Saignant" (2021) de Christopher Thompson, "Adieu Paris" (2021) de Edouard Baer et "Selon la Police" (2021) de Frédéric Videau... Rêve, apprentissage et ascension, puis déclin et déchéance d'un ambitieux vertueux ui va se brûler les ailes face aux vices des convenances et du profit, voilà le résumé express d'un canevas qui fonctionne toujours tant ce genre de destin est riche d'enseignement et d'une densité émotionnelle toujours enrichissante. On suit donc Lucien Chardon qui se veut Lucien de Rubempré pour devenir un poète connu et reconnu et qui va se jouer les opportunistes pour réussir... ou pas !

La première scène qui marque reste l'arrivée du provincial à Paris dans une reconstitution de la capitale absolument sublime, minutieuse et en pleine ébullition jusque dans les arrières-plans et, précisons-le, en utilisant au maximum les décors réels. L'immersion est aussi passionnante que foisonnante, et pour une fois un accepte sans mal une voix Off littéraire qui "habille" les images de façon ludique. Outre le personnage principal, revenons au personnage de Raoul Nathan/Dolan, créé spécialement pour le film mais qui est un mixte de deux personnages du roman, Daniel d'Arthez écrivain qui se consacre à son art, et Melchior de Canalis, poète mondain. Le réalisateur-scénariste a parfaitement réussi sur ce point, le personnage ne devient ainsi pas un être trop vertueux, trop parfait, et se permet talent et mondanité ce qui n'est pas toujours évident, avec en prime un Xavier Dolan parfait et idéal dans ce rôle dont l'ironie sous-jacente transparaît de façon judicieuse dans la voix Off. Le reste du casting n'est pas en reste, tous impeccables, du cynisme éhonté de Lousteau/Lacoste à la douce sensualité de Coralie/Dewaels en passant par la supériorité toute aristocratique de la Marquise/Balibar ou l'éditeur toute an bonhommie artisanale de Dauriat/Depardieu, le casting est d'une rare perfection, les performances à l'image de leur personnage, tout y est, on y est. Le scénario prend certe des libertés avec le roman mais il est pourtant fidèle dans l'esprit et les sens et montre de belle manière le parcours de Rubempré, un personnage qui se voit héros de son destin et promis à la réussite mais qui va vite déchanté. Pour une fois le personnage principal n'est pas forcément vertueux, ni plus intelligent ou plus malin, même son talent poétique n'est pas forcément évident, son ascension est ainsi d'abord due à quelques rencontres chanceuses mais qu'il faut aussi savoir faire fructifier. Il s'agit d'un film historique beau et prenant, qui nous invite dans le Paris des dernières années monarchiques tout en esquissant l'émergence d'une société nouvelle et moderne qui mettra pourtant plus de temps à se "réveiller" que les personnages le pensent. Xavier Giannoli signe sans doute son meilleur film.

 

Note :            

 

16/20
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