5ème Set (2021) de Quentin Reynaud

par Selenie  -  22 Octobre 2021, 08:00  -  #Critiques de films

Après un premier long métrage avec "Paris-Willouby" (2016) co-réalisé avec Arthur Delaire, le réalisateur-scénariste revient avec une histoire autour du tennis qu'il a en tête depuis son premier film et inspiré un peu par son propre vécu. En effet le cinéaste a été dans sa jeunesse un espoir du tennis (classé 2/6 pour info), et ce sport reste finalement assez peu traité au cinéma même si on peut citer "Jeu, Set et Match" (1951) de Ida Lupino, "Mademoiselle gagne-Tout" (1953) de George Cukor, "La Plus Belle Victoire" (2003) de Richard Loncraine, "Terre Battue" (2014) de Stephane Demoustier, "Battle of the Sexes" (2017) de Jonathan Dayton et Valerie Faris, "Borg/McEnroe" (2017) de Janus Metz Pedersen... Il est amusant de remarquer que son premier film faisait penser à Little Miss Sunshine" du duo Dayton-Faris. Quentin Reynaud réalise et écrit son film en solo pour la première fois...

Thomas est joueur pro mais à 28 ans il veut croire qu'il n'est pas fini même si il n'a jamais brillé depuis son exploit en 2001 où tout le monde pensait qu'il était le nouvau grand espoir du tennis français. Malgré tout, il tente sa chance aux éliminatoires de Roland-Garros où l'attend au 1er tour le meilleur joueur français actuel de seulement 17 ans... Ce joueur vétéran est incarné par Alex Lutz vu dans "Vortex" (2021) de Gaspard Noé au dernier Festival de Cannes et qui retrouve ainsi son réalisateur après "Paris-Willouby", il retrouve aussi après "Knock" (2017) de Lorraine Lévy sa partenaire Ana Girardot qui joue ici son épouse, elle a été vu dernièrement dans les films "Entrangled" (2019) de Milena Lurie et "Des Feux dans la Nuit" (2020) de Dominique Lienhard. La mère du joueur est interprétée par Kristin Scott Thomas vue récemment dans "The Singing Club" (2020) de Peter Cattaneo et "Rebecca" (2020) de Ben Wheatley. Quentin Reynaud s'octroie également un petit rôle comme il l'avait fait dans son premier film. Dans des rôles secondaires, Hervé Pauchon acteur fétiche de Jean-Pierre Mocky de "À Mort l'Arbitre" (1984) à "Les Insomniaques" (2011) en passant entre autre par "Les Saisons du Plaisir" (1988) et "Les Araignées de la Nuit" (2002), puis Fabienne Galula humoriste aperçue notamment dans "Lolo" (2015) de Julie Delpy et "Le Discours" (2020) de Laurent Tirard. Citons enfin quelques guest stars en visite express avec les tennismen Peul-Henri Mathieu et Arnaud Boetsh (voix) et Alex Corretja (archives)...  Précisons que Alex Lutz est un passionné d'équitation et qu'il n'avait jamais joué au tennis ! L'acteur a dû s'astreindre à 4 mois d'entrainement intensif à raison de 4 heures par jour pour pouvoir être crédible un minimum. On salue la performance même si à certains instants ça reste limite à l'image, ce qui a sans doute forcé le réalisateur à filmer les matchs de façon très épileptique, très clippesque, très découpé ce qui n'est pas très agréable du point de vue sportif. Oui, le fond du film est bien plus psychologique que sportif mais quand les matchs prennent près de la moitié de temps de film, dont pas moins de 25mn pour la dernière partie c'est un choix discutable. Le cinéaste justifie notamment de construire son scénario autour des matchs éliminatoires (trois avant le 1er tour) pour accentuer la dramaturgie : "En général, ces tours sont des épreuves regardées par les vrais amateurs, car ils donnent lieu à des échanges pugnaces, durs la plupart du temps et passionnants, parce qu'ils sont disputés par des joueurs qui ont besoin financièrement de les gagner. Sur les courts, il y a souvent des larmes, de la douleur et parfois même, du sang. Un premier tour de qualif rapporte grosso modo 7000 euros, le premier match de la compétition proprement dite environ 45000 euros. Pour pouvoir le disputer, on vient du monde entier. Gagner ces matchs c'est l'assurance de passer une année à peu près tranquille. Les perdre, c'est l'inverse : la certitude de continuer à galérer."

Sur ce point le réalisateur-scénariste arrive parfaitement à nous plonger dans les doutes de Thomas/Lutz, mais aussi de son épouse Eve/Girardot, lui doute de lui (ou pas !) autant de son corps que de son moral, mais elle doute aussi de lui mais aussi pour des raisons financières et matérielles qu'on ne peut que comprendre. On a mal pour lui, on souffre même lorsqu'il est question de souffrance physique, on est ému quand sa mère se sent responsable, on espère lorsqu'il joue même si le suspense reste fantoche en attendant évidemment la confrontation ultime entre deux générations. Le dernier match offre toute la tension, toutes les tensions possibles, toutes les émotions jusqu'à cette frustration finale où le cinéaste fait un choix discutable puisque l'issue paraît alors évidente. Pourquoi ne pas l'assumer ?! On salue néanmoins ces 25 mn qui n'ont pas dû être aisé à tourner (si découpée, entre coups à refaire, réactions en accord au jeu etc...). Précisons aussi que le film a bien été tourné dans l'enceinte de Roland-Garros, chose assez inédite pour le souligner. Il faut saluer la performance de Alex Lutz, autant sportive qu'émotionnelle, car outre le côté sportif, c'est d'abord les failles psychologiques qu'il a su retranscrire à merveille, notamment dans des échanges parfois dur et intime avec son épouse (Girardot parfaite de sobriété et de dignité), plus émouvant et subtil avec sa mère (Scott Thomas à la fois forte et fragile). Quentin Reynaud maîtrise son sujet assurément, et signe un très beau film sur l'abnégation avec un bel hommage au tennis. Un très bon moment.

 

Note :            

 

14/20
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