Battle of the Sexes (2017) de Jonathan Dayton et Valerie Faris.
Après leur chef d'oeuvre "Little Miss Sunshine" (2006) et le sympathique "Elle s'appelle Ruby" (2012), le duo de réalisateurs Jonathan Dayton et Valerie Faris nous revient avec un film sur le tennis des seventies, étonnamment peu de temps après l'excellent "Borg/McEnroe" (2017) de Janus Metz Pedersen. Cette fois, s'il s'agit bien d'un duel tout aussi mythique du tennis, les cinéastes abordent un duel qui fut moins sportif que politico-social. En effet, le titre du film résume bien la chose, ou comment un champion de tennis retraité machiste et provocateur lance un défi à la numéro une mondiale de son époque... Une époque charnière, car si ce match s'est déroulé en 1973, c'est le destin qui regroupe cette même année plusieurs événements marquants de la libération de la femme aux Etats-Unis comme l'adoption d'une loi interdisant toute discrimination sexuelle dans les programmes scolaires, la ratification d'un amendement garantissant l'égalité des droits entre les sexes, la promulgation d'un Arrêt de la Cour Suprême reconnaissant l'avortement comme un droit constitutionnel... etc... Et le tout en 1973 !
Dans ce contexte, ce match entre Bobby Riggs et Billie Jean King n'est certainement pas qu'une anecdote anodine. Les cinéastes se sont entourés d'une équipe extrêmement talentueuse et pas des moindres. D'abord au casting, avec dans les rôles principaux la jolie Emma Stones en Billie Jean King et Steve Carell en Bobby Rings, ce dernier retrouvant ainsi ses réalisateurs après "Little Miss Sunshine", tandis que les deux acteurs, eux, se retrouvent après avoir été père et fille dans la comédie "Crazy, Stupid, Love" (2011) de John Requa et Glen Ficarra. Autrement on citera les proches, souvent des femmes, dont Elizabeth Shue, Andrea Riseborough (retrouve Emma Stone après "Birdman" en 2015 de Alejandro Gonzales Inarritu) et Sarah Silverman, puis les expérimentés et trop rares Bill Pullman et Alan Cumming. Si le casting est prestigieux, les deux réalisateurs ne sont pas en reste niveau équipe technique, avec, entre autres, la monteuse Pamela Martin oscarisée pour "Fighter" (2011) de David O. Russell, le compositeur Nicholas Britell nommé aux Oscars pour "Moonlight" (2017) de Barry Jenkins, le chef opérateur Linus Sandgren oscarisé pour "La La Land" (2017) de Damien Chazelle et dans lequel jouait déjà Emma Stone et le scénariste Simon Beaufoy oscarisé pour "Slumdog Millionnaire" (2008) de Danny Boyle, ce dernier étant par ailleurs producteur de "Battle of the Sexes" ... Le scénariste a beaucoup discuté avec Billie Jean King pour préparer le film (pas avec Bobby Rings malheureusement mort en 1995). Le film évite superbement tout manichéïsme, notamment en montrant Bobby Rings touchant et avec ses bons côtés. Aujourd'hui ce machiste est montré du doigt mais il ne faut jamais oublier qu'il faut se remettre dans un contexte d'il y a 44 ans... Le film a un premier atout, celui de bien décrire ses personnages, et surtout Bobby Rings. En effet, s'il était certe un machiste éhonté, il était avant tout un provocateur et amuseur public qui avait bien du mal a accepter sa retraite et il savait pertinemment que son scandale créerait un engouement médiatique et donc financier conséquent. Le clown était un flambeur !
Sur le fond le personnage de Bobby Rings est le plus intéressant car finalement le plus complexe, celui de Billie Jean King repose sur une bisexualité convenue (avec une femme qui l'attaquera plus tard en justice pour de basses raisons pécuniaires). Le film démontre également que le combat des femmes pour l'égalité n'est pas vu de la même façon par tous. Si Jack Kramer (Pullman) est un machiste patriarcal de la pire espèce ce n'est pas franchement le cas de Bobby Rings qui ne voit là qu'une façon d'exister. Il n'y a finalement pas de réelle animosité entre les deux sportifs. Outre deux personnages aussi attachants qu'intéressants, on salue le travail de reconstitution, sans esbroufe, en s'attachant pourtant parfois à des détails (les adidas de Billie Jean refabriquées spécialement par la firme aux 3 bandes !), et en appliquant un grain seventies idéal. Sur le fond de l'égalité le film ne change finalement rien aux faits et à l'évolution de la société. Bobby Rings était un showman de 26 ans de plus que son adversaire féminine et il ne demeure pas moins qu'aucune joueuse actuelle n'accepterait un tel défi. Ce match est iconique de par son époque et de par sa symbolique, ni plus ni moins. Il n'en reste pas moins que Jonathan Dayton et Valerie Faris signent un magnifique film hommage, un morceau de biopic émouvant et salutaire, un hymne à l'égalité mais surtout au vivre ensemble et à la liberté. A conseiller et à voir.
Note :