Decision to Leave (2022) de Park Chan-Wook

Il aura fallu attendre six ans après "Mademoiselle" (2016) pour voir le retour de l'un des 2-3 plus grands réalisateurs coréens. L'idée de ce projet est venue après une conversation avec Chung Seo-Kyun, scénariste, puis l'histoire a fini par se reposer sur deux paramètres, la chanson "Brouillard" que le réalisateur aime beaucoup, chantée par Jung Hoon-Hee il a ensuite aimée la version du groupe Song Chang-Sik, les deux ayant leur place dans l'histoire, puis également le héros Martin Beck, héros calme et consciencieux de la série TV suédoise "Beck" (1965-1975) dont le réalisateur est fan. De plus, le titre renvoie à la difficulté de se séparer, comme l'explique le cinéaste lui-même : "C'est un titre qui laisse pressentir que le personnage principal souhaite désespérément partir et l'affirme avec conviction mais qu'on plus profond de lui-même, il a le sentiment de ne pas pouvoir rompre car il ne veut pas se séparer." En note d'intention le cinéaste précise également : "Decision to Leave est un film pour adultes. Au lieu de raconter une histoire de deuil en la considérant comme un événement tragique, j'ai cherché à l'évoquer avec subtilité, élégance et humour, d'une manière qui touchera les adultes." Park Chan-Wook co-signe logiquement le scénario avec Chung Seo-Kyung qu'il connaît bien puisqu'elle a déjà collaboré sur les films "Lady Vengeance" (2005), "Je suis un Cyborg" (2006), "Thist, Ceci est mon Sang" (2009) et "Mademoiselle" (2016). Le film a entre été bien reçu au dernier Festival de Cannes où il a obtenu le Prix de la Mise en scène 2022...

Hae-Joon, détective chevronné enquête sur la mort mystérieuse d'un homme survenue au sommet d'une montagne. Très vite, les soupçons se portent sur Sore, épouse du défunt, mais Hae-Joon est également séduit par la jeune femme. Déstabilisé il va tout faire pour ne pas être aveuglé sur son enquête... Production sud-coréenne, Park Chan-Wook a pourtant dans son casting une actrice chinoise qu'il a choisi après l'avoir vu dans le sublime et sensuelle "Lust caution" (2007) de Ang Lee, il s'agit de Tang Wei vue depuis notamment dans "The Golden Era" (2014) de Ann Hui, "Hacker" (2015) de Michael Mann ou "Office" (2016) de Johnnie To. L'enquêteur est incarné par Park Hae-Il vu récemment dans "The King's Letter" (2019) de Jo Cheol-Hyeon, mais aussi et surtout dans "Memories of Murder" (2003) et "The Host" (2006) tous deux de Bong Joon-Ho puis "End of Animal" (2011) de Jo Sung-Hee, trois films après lesquels il retrouve son partenaire Yoo Seung-Mok vu dernièrement dans "Le Gangster, le Flic et l'Assassin" (2019) de Lee Won-Tae. Dans les autres rôles principaux citons Ko Kyeong-Pyo vu entre autre dans "Man on High Heels" (2014) de Jang Jin et "Seven Years of Night" (2018) de Choo Chang-Min, puis Lee Jeong-Hyeon surtout connue comme chanteuse de K-Pop et vue dans le film "Bullies" (2081) de Soo Sung-Lee. Pour terminer citons les acteurs Park Yong-Woo, Jung Yi-Seo et "Jeong Ha-Dam surtout connus au Pays du Matin Calme pour des séries TV diverses... Outre sa scénariste, Park Chan-Wook retrouve plusieurs collaborateurs fidèles comme la Chef Décoratrice Ryu Seong-Hie, le compositeur Cho Young-Wuk qui était déjà sur le chef d'oeuvre "Old Boy" (2003), ainsi que sur "Je suis un Cyborg" (2006), "Thirst" (2009) et "Mademoiselle" (2016). Tandis que par contre, le cinéaste a cette fois-ci fait appel pour la prmeière fois au Directeur Photo Kin Ji-Yong remarqué pour son travail chez le réalisateur Kim Jee-Wong notamment sur les films "A Bittersweet Life" (2006), "Le Dernier Rempart" (2013) et "The Age of Shadows" (2018)... L'histoire prend son temps pour se mettre en place, doucement, subrepticement, puis le tension se met en place, tout aussi lancinante, puis les rebondissements et les révélations qui s'accumulent de plus en plus tout ça grâce à un scénario une fois de plus implacable, dense et complexe mais sans jamais perdre le fil pour le spectateur. On reconnaît dans ce récit alambiqué mais linéaire le style très coréen des thrillers machiavéliques, et le penchant pour les amours non moins compliquées du réalisateur de "Old Boy" (2003) et "Mademoiselle" (2016).

Par contre, le réalisateur surprend cette fois avec une économie de scènes plus ou moins chocs, avec l'absence de nudité et l'absence d'un violence trop graphique ce qui a d'ailleurs été soulevé plus souvent lors de sa présentation au dernier festival de Cannes 2022. Effectivement, Park Chan-Wook assume et avoue avoir voulu traiter ce thriller de façon différente puis précise qu'il s'agit d'un film "qui a pour but d'amener le public à s'intéresser et à être séduit de lui-même. Il n'y a donc pas beaucoup de violence, de nudité ou de relations sexuelles. Toutefois, j'ai essayer de faire ressentir la complexité émotionnelle que n'importe quel être humain connaît à l'âge adulte." Si la chair est triste dans ce film le cinéaste compense avec une réflexion en filigrane du rapport au sexe dans un couple, et surtout cela n'empêche pas le réalisateur d'instiller des passages d'une sensualité non feinte et subtile. L'intrigue sur le fond fini un peu par nous perdre vers la fin, notamment sur les tenants et aboutissants, sur le pourquoi du comment des actions de cette épouse mante religieuse. Mais Park Chan-Wook nous tient en haleine de bout en bout grâce à une réalisation toujours aussi stimulante et créative jouant avec le temps et le montage de façon judicieuse. En prime des acteurs parfaits dont un couple principal au diapason dont le désir frustré crée des étincelles. En conclusion, Park Chan-Wook signe une fois encore un thriller psychologique malin et prenant, parfois un peu déstabilisant (pas dans le bon sens) notamment en ce qui concerne le mobile de cette femme fatale, mais on est séduit malgré nous par cet excellent film. A voit et à conseiller.

Note :