Amours à la Finlandaise (2024) de Selma Vilhunen

par Selenie  -  11 Janvier 2024, 08:36  -  #Critiques de films

Nouveau film pour la réalisatrice finlandaise encore méconnue chez nous malgré des films comme "Ponitytöt" (2008), "Nordic Factory" (2014), "Tyttö Nimeltä Varpu" (2016) ou "Hobbyhorse Revolution" (2017). Selma Vilhunen a voulu s'intéresser aux nouvelles moeurs amoureuses : "Je vois de plus en plus de gens autour de moi qui sont des sortes d'anarchistes des relations amoureuses. Cela me rend curieuse. Par ailleurs, je trouve quelque chose de très beau dans la décision de vivre en polyamour. Ce qui m'a attiré vers ce sujet c'est cette idée de travailler sur soi-même pour permettre à une autre personne de s'épanouir. Pouvoir être heureux que quelqu'un aime quelqu'un d'autre. C'est l'image la plus puissante de l'amour à laquelle je puisse penser. Tous ces points se rejoignaient." Pour se documenter la réalisatrice-scénariste avoue s'être beaucoup reposé sur le livre "More than Two : a Pratical Guide to Ethical Polyamory" (2014) de Franklin Veaux et Eve Rickert...

Julia découvre que son mari a une liaison. Au lieu de le quitter ou de se fâcher elle décide de lui proposer une solution, de discuter et finalement d'expérimenter une autre façon d'aimer et de s'aimer : le polyamour. Le couple invente de nouvelles règles pour régir leur vie conjugale, bientôt un champ des possibles amoureux s'ouvre à eux... Julia est incarnée par Alma Pöysti vue récemment dans "Tove" (2023) de Zaida Bergroth et "Les Feuilles Mortes" (2023) de Aki Kaurismaki, tandis que son conjoint est joué par Eero Milonoff vu dans "Border" (2019) de Ali Abbasi, "Jeux de Société" (2022) de Jenni Toivoniemi, et retrouve après "Olli Mäki" (2016) de Juho Kuosmanen sa partenaire Oona Airola vue dans "A Coeurs Perdus" (2022) de Markku Pölönen, "Aurora" (2023) de Miia Tervo et "Girl Picture" (2023) de Alli Haapasalo après lequel elle retrouve son partenaire Pietu Wikström... Selma Vilhunen "voulait écrire sur le sentiment d'amour réel qui cohabite avec la peur de l'abandon", et c'est tout à fait ça mais avec tellement de niveaux de lecture et d'interrogation qui s'accumulent et se bousculent qu'on se demande parfois comment la réalisatrice va s'en sortir. Le polyamour a déjà été abordé au cinéma mais jamais aussi frontalement et le plus souvent sous couvert de comédie pour faire passer la pilule (!). Dans ce film d'ailleurs est-ce sans doute le premier soucis, il n'y a pas d'humour, ni légèreté ou si peu, pourtant la vie c'est aussi ça. Après une jolie scène d'amour la crise de l'adultère vient fracturer le quotidien d'un couple bourgeois, de notables qui ont une place privilégiée au sein de leur communauté. Sur ce point, leur métier est un choix facile voir caricatural mais ce n'est pas non plus un choix anodin, à savoir un pasteur (la Finlande est très protestante) et une femme politique, ce qui pousse la réflexion vers un débat public en parallèle des problématiques intimes. Lorsque le choix du polyamour est confirmé il y adonc forcément des impacts éventuels voir attendus sur leur vie professionnelle.

La réalisatrice-scénariste évite certains écueils ou choix éculés du genre, les protagonistes sont intelligents et lucides, ne tombent jamais dans une hystérie, discutent et débattent même si on sent les émotions sous ébullition et que tous sont à fleur de peau ce qui pousse là encore le spectateur à la réflexion. L'évolution des sentiments (ou pas !), et des situations semblent toujours logiques et cohérentes avec ces personnages qui luttent sans cesse contre leurs propres préjugés et/ou principes. La seule chose qui compte reste l'amour et ses libertés, à quel niveau placer le curseur pour soi et pour celui qu'on aime ?! Le film interroge sur la perception des uns et des autres sur le sentiment amour et tout ce qui en découle sexe, confiance, intimité, promesse ou non, désir... etc... Par contre il y a quelques passages un peu hors sujet, superflus et/ou trop gratuits comme la drogue ou un spectacle phallique ; nullissime par ailleurs, mais ça reste très subjectif comme l'est la question du charisme de l'époux (!), on notera surtout la performance digne et déchirante de Alma Pöysti. Le récit s'avère donc constamment sur le fil ténu et tendu du cliché et du bien-pensant avec la démonstration par l'exemple et l'ouverture d'esprit, les scènes de repas sont des musts dans le genre. Finalement malgré ses raccourcis et l'utopie générale la réalisatrice signe un mélo assez grave jusqu'à ce grand final qui offre aussi un beau message de tolérance et d'optimisme. A conseiller.

 

Note :                 

14/20
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :