Les Enfants Rouges (2025) de Lotfi Achour
Second long métrage de Lotfi Achour après "Demain dès l'Aube" (2016) - et donc à ne pas confondre avec "Demain dès l'Aube" (2009) de Denis Dercourt - le réalisateur revient avec un sujet épineux puisqu'il s'inspire d'un faits divers tragique qui avait particulièrement chamboulé la société tunisienne en 2015, à savoir le meurtre d'un jeune berger de 16 ans dont le cousin avait été contraint de rapporter la tête à sa famille, qui ensuite l'avait placée dans le congélateur ! Un assassinat qui avait déchaîné les passions dans un pays où les islamistes revenaient en force et qui avait amené les médias dans des extrêmes aussi honteux que nauséabond (je vous laisse imaginer, ou chercher par vous même). Le réalisateur précise : "L'émotion était immense à l'échelle du pays, relayée par les réseaux sociaux et le smédias, chacun suivant avec effroi le déroulement de cette nuit tragique. Immédiatement, cette affaire m'a bouleversé. Ce crime n'était pas un acte terroriste ordinaire. Il visait des civils, ce qui était rare en Tunisie malgré la décennie troublée que nous traversions." Le réalisateur-scénariste retrouve à l'écriture ses scénaristes déjà présent sur le premier film Natacha de Pontcharra et Sylvain Cattenoy, mais aussi cette fois avec sa propre fille Doria Achour qui est avant tout actrice aperçue dans "Les Femmes... ou les Enfants d'abord" (2002) de Manuel Poirier, "L'Ecole pour Tous" (2006) de Eric Rochant, "Papa was not a Rolling Stone" (2014) de Sylvie Ohayon ou évidemment le premier film de son père. Le film a connu un succès international à travers les festivals du monde entier avec à la clef une quinzaine de prix créant ainsi un bouche à oreille très favorable...
/image%2F0935117%2F20250506%2Fob_522f08_540406e393fdbe0befcf7925bf507451.jpg)
Alors qu'ils font paître leur troupeau dans la montagne, deux adolescents sont attaqués, Nizar 16 ans et Achraf 14 ans. Les tueurs tue Nizar, et laisse en vie Achraf afin qu'il rentre et apporte un message à la famille... La majorité du casting est composé de jeunes acteurs débutants dont les rôles principaux avec Ali Helali, Wided Dabedi et Yassine Samouni, mais aussi Eya Bouteraa et Noureddine Hamami. Citons aussi Salha Nasraoui vu dans "Démences" (2006) de Fadhel Jaïbi, "Sharaf" (2021) de Samir Nasr ou "La Source" (2024) de Meryam Joobeur et qui retrouve après "Suçon : Amère Patience" (2014) de Nasreddine Shili sa partenaire Latifa Gafsi vue essentiellement à la télévision outre quelques films dont "La Télé arrive" (2006) de Moncef Dhouib et "Porto Farina" (2019) de Ibrahim Letaïef, puis enfin Rayen Karaoui aperçu dans "De la Guerre" (2019) de Fadhel Jaziri... Le film débute de façon simple, en suivant deux jeunes bergers qui s'en vont faire paître leur petit troupeau de chèvres, le soleil brille, c'est un région sèche sans réelle beauté, on sent la pauvreté jusque dans les animaux rachitiques, mais les jeunes ados semblent assez libres et heureux jusqu'à ce qu'arrive ce qu'on attend tous : le drame sanglant, l'horreur absolu, le crime de barbares islamistes (pléonasme !). Une agression filmé de façon aussi brutale que subtil, dans le sens où la caméra reste en hors champ mais en une fraction de quelques secondes imposent un plan qui dit tout de l'ignominie. Le scénario repose donc non pas sur le crime à proprement parler, mais se focalise sur un jeune ado de 14 ans qui doit subir, digérer, assumer, tout un événement qu'aucun enfant ne devrait voir. Mais malgré tout au départ on s'étonne qu'un jeune aussi jeune soit si impassible et mutique, alors qu'il y a tant d'émotions difficiles à occulter comme l'angoisse, l'effroi, la panique, la démence voir la sidération sans compter le cri, le pleur, les deux à la fois.
/image%2F0935117%2F20250510%2Fob_4db1d3_f836bd63934dff7790b8ce144ddb2002.jpg)
En fait on constate ensuite que le jeune acteur ne sait de toute façon pas pleurer, on préfère ainsi les passages de complicité avec sa cousine, jouée par une jeune Wided Dadebi seule rayon de soleil dans cet enfer. En effet, on perçoit que cette pauvre famille ne peut exister entre les terroristes islamistes d'un côté, et un gouvernement ou une justice inexistante de l'autre, ils sont comme maudits et ne peuvent qu'espérer sauver leurs enfants même si apparemment, la seule qui semble aussi mature que lucide reste la petite cousine qui espère partir étudier, symbole donc d'un espoir pour l'avenir. Mais on remarque que le réalisateur n'as pas tant de chose à dire, il comble un récit avec de très nombreux passages oniriques ou de flash-backs dont l'utilité n'est pas spécialement probante surtout quand ça prend autant de place. Le film est donc très contemplatif, sans faire forcément avancé les choses et on se dit qu'un court métrage aurait été suffisant. Les visions emmènent vers un angle de vue trop mystique, alors qu'il y avait d'autres point de vue plus intéressant comme la place des femmes qui se résument à la petite cousine ou la question géo-politique dont on ne saura rien. On est forcément terrifié, sans voix devant un tel crime, mais on est aussi trop en retrait dans l'émotion tant les membres de la famille sont sans réaction, quasi apathique autant vis à vis du crime que sur les tenants et aboutissants. Les plus séquences restent celle du jeune survivant et témoin avec sa cousine, un peu de finesse dans un monde de brutes jusqu'à cette fin qui envoie un petit message d'optimisme non sans ensuite y voir un certain fatalisme...
Note :