Le dogme 95

par selenie  -  21 Juillet 2009, 04:04  -  #Le cinéma par thèmes

Je m'interroge sur le Dogme 95, était-ce un dogme vraiment important et a-t-il vraiment fait bougé le monde cinéma ?! Car au vu du peu de films sortis sous ce label et surtout le peu de présence du duo fondateur Lars Von Trier et Thomas Vinterberg dans la viabilité de leur projet on peut se demander des questions.

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Le Dogme 95 est un concept mis en place par le duo de réalisateurs danois pour réagir contre les superproductions américaines, l'explosion des effets spéciaux qui formatent les films de telles façons qu'elles en deviennent interchangeables. Le Dogme 95 veut donc créer un cinéma qui revienne à sa forme originelle avec un traitement plus direct, plus réaliste comme pris sur le vif.

Le Dogme 95 a été rédigé à Copenhague par les réalisateurs Lars Von Trier et Thomas Vinterberg le 13 mars 1995 et il sera officialisé le 20 mars 1995 à l'Odéon à Paris pendant les festivités du Centenaire du cinéma. Pour mieux comprendre l'enjeu voici le texte initial et fondateur du mouvement :

"Voeu de chasteté
Je jure de me soumettrre aux règles qui suivent telles qu'édictées et approuvées par Dogme 95

1-Le tournage doit être fait sur place. Les accessoires et décors ne doivent pas être amenés (si on a besoin d'un accessoire particulier pour l'histoire, choisir un endroit où cet accessoire est présent).
2-Le son ne doit jamais être réalisé à part des images, et inversement (aucune musique ne doit être utilisée à moins qu'elle ne soit jouée pendant que la scèneest filmée).
3-La caméra doit être portée à la main. Tout mouvement, ou non-mouvement possible avec la main est autorisé. (Le film ne doit pas se dérouler là où la caméra se trouve ; le tournage doit se faire là où le film se déroule).
4-Le film doit être en couleurs. Un éclairage spécial n'est acceptable. (S'il n'y a pas assez de lumière, la scène doit être coupée, ou une simple lampe attachée à la caméra).
5-Tout traitement optique ou filtre est interdit.
6-Le film ne doit pas contenir d'action de façon superficielle. (Les meurtres, les armes, etc... ne doivent pas apparaitre).
7-Les détournements temporels et géographisont interdits. (c'est-à-dire que le film se déroule ici et maintenant).
8-Les films de genre ne sont pas acceptables.
9-Le format du film doit être le format académique 35mm.
10-Le réalisateur ne doit pas être crédité.

De plus je jure en tant que réalisateur de m'abstenir de tout goût personnel. Je ne suis plus un artiste. Je jeure de m'abstenir de créer une "oeuvre", car je vois l'instant comme plus important que la totalité. Mon but suprême est faire sortir la vérité de mes personnages et de mes scènes. Je jure de faire cela par tous les moyens disponibles et au prix de mon bon goût et de toute considération esthétique.

Et ainsi je fais mon Voeu de Chasteté

Copenhague, Lundi 13 mars 1995

Au nom du Dogme 95

Lars Von Trier, Thomas Vinterberg"

Il faut noter qu'aucun des films dit, du Dogme 95, ne seront pas en mesure d'appliquer toutes ces mesures même si les cinéastes feront leur maximum pour suivre le Voeu de Chasteté. On peut aisément comprendre la difficulté de suivre des règles qui épurent totalement l'oeuvre, un anti-conformisme qui en freine plus d'un ; la grosse majorité des films labellisés Dogme 95 auront des difficultés énormes pour être distribués dans des conditions normales.

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Dogme 95 date de 1995 mais il faut attendre 1998 pour que les deux instigateurs exposent au monde leur première oeuvre dogmatique. "Festen" (photo ci-dessus) de Thomas Vinterberg décrit une fête de famille particulièrement corrosive, il obtient un joli succès et surtout le Prix du Jury au Festival de Cannes. "Les idiots" (photo ci-dessous) de Lars Von Trier racontent l'histoire d'un groupe qui veulent vivre à 100km/heure et pour en profiter rien ne vaut l'exploration de l'idiotie à tous les niveaux ; jolis succès également.

http://www.envrak.fr/documents/articles/204/lesidiots.jpg

Ces deux succès dogmatique ouvrent la porte pour d'autres cinéastes désireux de réaliser un film en marge du système habituel.  Le style élitiste choisit ne facilite pas la distribution et la promotion et rare sont les films du Dogme95 qui sortiront leur épingle du jeu. Les premiers films qui suivent "Festen" et "Les Idiots" seront aussi les seuls à avoir une certaine reconnaissance. "Mifune" de Soren Kragh-Jacobsen, "Lovers" du français Jean-Marc Barr, "Italian for Beginners" de Lone Scherfig sont les titres qui reviennent donc le plus souvent. Il existerait environ 50 films qui sont labellisés Dogme 95 (certificat labellisé du film de Lars Von Trier ci-dessous) mais très peu ont rencontré le public dans de bonnes conditions.

http://pov.imv.au.dk/Issue_10/section_2/Image145.jpg

Le problème du Dogme 95 n'est-il pas que les deux créateurs Lars Von Trier et Thomas Vinterberg  ont lâché leur projet ?! Après leur premier film dogmatique qu'ont-ils fait pour la survie d'un style qui pourtant a plu ?! D'ailleurs le 20 mars 2005, 10 ans jour pour jour les deux cinéastes annoncent qu'ils se déchargent de toutes responsabilités vis à vis du Dogme 95 !

On peut se poser plusieurs questions... Pourquoi lancer un tel projet si ce n'est pas pour le concrétiser sur la durée ?! Car n'oublions pas que l'annonce est faite en 2005 mais que ça fait des années qu'ils ont oubliés le Dogme 95 et qu'ils ne l'entretiennent pas. Un tel cahier des charges était-il trop difficile à mettre en oeuvre  ?! En fin de compte était-ce complètement utopique ?!

D'ailleurs il est amusant de voir que Thomas Vinterberg oublie rapidement le pourquoi du Dogme 95 lorsqu'il réalise "It's all about love" (2003) avec Joaquin Phoenix et Claire Danes, un film plus hollywoodien (et médiocre) que dogmatique. Lars Von Trier oublie aussi le Dogme 95 mais on peut lui laisser le bénéfice d'être plus original et d'être resté fidèle à son style unique avec lequel il nous a offert des chefs d'oeuvre comme "Breaking The waves" (1996)... Après 1998 il nous en offre un autre avec "Dogville" (2003)... Dernièrement "Antichrist" avec Willem Dafoe et Charlotte Gainsbourg a fait son effet... Mais plus de trace du Voeu de Chasteté... Quelques années après on en peut s'empêcher de se dire que c'était beaucoup de bruit pour rien même si on salue l'initiative le résultat n'est pas très probant au final.


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