Du muet au parlant...
Après le succès et l'audace du film "The artist" (2011) de Michel Hazanavicius (critique ici) il semble que ce soit le bon moment pour effectuer un retour en arrière...
Depuis 1895 et ce, jusqu'à la fin de années 20 le cinéma est muet mais bien avant "Le chanteur de Jazz" en 1927 les avancées technologiques amorcent ce qui va devenir la plus grande révolution du cinéma... Et encore aujourd'hui en déplaise aux fans aveugles de la 3D et autres...
Les années 20 voit se développer un outil de plus en plus populaire, la radio... Cette dernière offre des voix qui s'invitent jusque dans les maisons... Le cinéma de pionnier se voit devancé...
Il faut savoir que les majors ne sont pas sur un même pied d'égalité dans les années 10-20. Paramount et MGM sont de très loin les studios les plus puissants et influents, que ce soient d'un point de vue financier, du catalogue ou bien des stars en contrat.
Au début donc, pour se différencier des mastodontes Paramount et MGM seuls Warner et Fox s'interessent aux nouvelles technologies sur le sonore comme on disait alors.
C'est Warner qui ouvre les hostilités dès 1924 en mettant au point avec Western Electric and BellTelephone un système capable de synchroniser le son d'un phonographe avec un projecteur de film ; ce procédé est appelé Vitaphone.
Dès 1926 Warner sort "Don Juan" de Alan Crosland avec John Barrymore... Ce film est le premier film entièrement sonore de l'Histoire... Mais à l'époque les salles ne sont pas équipées pour cette nouvelle technologie, les profits sont donc quasi nuls et Warner se retrouve très endetté.
L'autre studio en pointe est la Fox qui développe lui un système qui permet d'imprimer le son directement sur pellicule évitant les difficultés de la synchronisation ; ce système est nommé Movietone. La Fox destine d'abord ce système aux actualités. Le 20 mai 1927 les opérateurs de la Fox enregistrent le départ de Charles Lindberg vers Paris. Ce film sera diffusé le soir même devant 6000 personnes médusées. Ce succès donne la possibilité à Fox d'envoyer des opérateurs dans le monde entier.
Malgré ses avancées les autres studios comme Paramount et MGM ne réagissent pas. Il faudra attendre la production Warner "Le chanteur de Jazz" ; le pari fou de Warner sera récompensé avec un triomphe et tous comprennent que l'inévitable révolution aura bien lieu... Warner délaisse son système Vitaphone pour le Movietone.
"Le chanteur de jazz" (1927) de Alan Crosland est le premier long métrage sonore ET parlant... Mais il existait des courts en Vitaphone déjà parlant et sonore.
"Attendez ! Attendez ! Vous n'avez encore rien entendu !" sont les premiers mots de Al Jolson, ainsi interpellés les spectateurs sont subjugués... Le septième art est en plein virage dans son Histoire.
Le parlant change complètement la donne dans les studios et permet une nouvelle vague d'acteurs et de techniciens vers Hollywood.
Les majors sont obligés de modifier leurs studios notamment pour stocker les nouveaux matériels encombrants. Les salles de cinéma sont contraints de mettre aux nouvelles normes leurs équipements ; en conséquence de nombreux indépendants ne peuvent suivre financièrement et ferment. L'avènement du parlant renforcent le pouvoir des grands studios puisqu'ils sont les seuls à pouvoir investir autant.
La MGM est le premier à réagirr aussitôt allant jusqu'à ajouter du son aux films muets déjà sortis ! (Ce qui peut rappeler la 3D aujourd'hui) et dès 1932 effectue les doublage de films.
Les studios font appel à des metteur en scènes issus du théâtre comme George Cukor et Rouben Mamoulian... Ils recrutent des auteurs et/ou des journalistes pour travailler les scénarios et dialogues comme Scott Fitzgerald et Ben Hecht...
Au contraire certains artistes réputés quittent brusquement ou petit à petit le cinéma comme (pour les plus connus) Louise Brooks (3ème photo ci-dessus), Douglas Fairbanks,Mary Pickford (en couple avec Fairbanks), D.W. Griffith (à doite ci-dessus), Fred Niblo, Harold Lloyd (2ème photo), Victor Sjostrom... etc...
Une petite pensée de rappel par Mary Pickford elle-même : "Ajouter du son au cinéma serait comme mettre du rouge à lèvres à la Vénus de Milo."
Même la supprématie des genres se retrouve chamboulée... Au temps du muet les Drame romantique, film à grand spectacle et le burlesque sont les genres par excellence. Avec le parlant les comédie musicale, films de gangster et le strewball comedy (Franck Capra en est le meilleur ambassadeur) sont les nouveaux genres de prédilection.
![Charles Chaplin](https://images.allocine.fr/r_760_x/medias/nmedia/18/65/11/23/18844940.jpg)
Au final seul Charles Chaplin continue à tourner des films muets mais après "Le dictateur" (1940) lui aussi fera comme tout le monde ; mais il est à noter que c'est son personnage de Charlot basé sur des gags visuels et d'un jeu poétique qui pouvait encore se basé sur du muet tel le clown qu'il était.
Petite parenthèse avec deux petites coïncidence...
Le premier est le krach boursier de 1929, l'avènement du parlant et ses profits ont sans nul doute contribué à la résistance du monde du cinéma à la crise financière mondiale.
Le second est la création de la cérémonie des Oscars qui voit sa première édition arrivée en 1929... Etant donné que les Oscars ont été initié dès 1927 par Louis Mayer (entre autres) patron de MGM on peut penser qu'ils ne s'attendait pas à un tel changement...