Cold War (2018) de Pawel Pawlikowski.
Cinquième long métrage du réalisateur polonais Pawel Pawlikowski après "Transit Palace" (2000), "My Summer of Love" (2005), "La Femme du V ème" (2011) et surtout son chef d'oeuvre "Ida" (2014), Oscar du meilleur Film Etranger. Depuis de nombreuses années le cinéaste désirait raconter l'histoire de ses parents (morts en 1989, leurs prénoms ont été donnés aux protagonistes principaux du film qui leur est également dédié) comme il l'explique : "Mes parents étaient des personnes très fortes et merveilleuses, mais en couple, c'était une catastrophe absolue... A mon âge, j'ai vécu et expérimenté pas mal de choses, mais l'histoire de mes parents dépasse de loin tout ce que j'ai pu observer. Ils sont incontestablement les personnages dramatiques les plus intéressants que j'aie jamais rencontrés."... Si ce film est fortement inspiré par ses parents, il demeure une fiction. Ce film est une co-production mais reste essentiellement polonais. Pour incarner Zula (diminutif de Zuzanna) et Wiktor, le réalisateur a fait appel à Tomasz Kot, acteur reconnu en son pays mais qui n'a pas encore traversé les frontières, et surtout Joanna Kulig vue dans "Elles" (2012) de Malgorzata Szumowska, puis dans "Ida" et "Les Innocentes" (2016) de Anne Fontaine. Joanna Kulig retrouve ainsi sa partenaire de ces deux derniers films, sa compatriote Agata Kulesza. En prime on reconnaîtra notre frenchy Jeanne Balibar...
On suit donc la relation de Zula et Wiktor de 1949 à 1964. Elle est chanteuse, lui musicien et leur histoire va évoluer vis à vis et malgré le Rideau de Fer, symbole de la Guerre Froide... D'abord on reconnait le format carré et le sublime Noir et Blanc que Pawlowski avait déjà utilisé dans "Ida", un Noir et Blanc que le cinéaste justifie : "Je ne voulais pas le répéter. Mais quand j'ai regardé les options de couleurs, par élimination, j'ai compris que je ne pourrais pas tourner en couleur, parce que je n'avais aucune idée de ce que serait la teinte exacte. La Pologne n'était pas saturée de couleurs comme l'Amérique des années 50. La couleur de la Pologne était indescriptible, une sorte de gris/marron/vert. Et ce n'était pas une question de cinématographie, mais de la vie elle-même."... Dans un sens Pawlikowski est logique, "Ida" avait une histoire contemporaine à "Cold War", une histoire intime rattrapée par l'Histoire de façon plus ou moins insidieuse. Cette fois c'est un amour passionnel impossible où Zula et Wiktor ne font que se courir après, s'éloigner et se revoir jusqu'à ce qu'ils comprennent que le temps n'arrangera rien.
On peut trouver que le cinéaste est sans doute un peu timoré dans le sens où les horreurs du régime communiste sont occultées ou, plus exactement, le cinéaste a préféré montrer la menace et la souffrance de façon sous-jacente. Mais le vrai et unique bémol du film réside dans la passion amoureuse. En effet, si la sensualité de Joanna Kulig est palpable, l'émotion entre les deux amants reste beaucoup trop timide, réfreinée, on ne sent pas suffisamment cet amour à mort qui dure même éloigné par la distance et/ou le temps. Dommage car avec la mélancolie ambiante et la tragédie omniprésente dans ce magnifique écrin, il ne manquait pas grand chose pour atteindre la splendeur de "Ida". Le plus intéressant, outre le contexte géo-politique, reste le rapport au sein du couple entre une femme forte qui annonce la future éclosion du féminisme face à un homme érudit et viril qui semble pourtant s'effacer quand il s'exile... En tous cas un drame intime esthétiquement superbe avec un fond d'une réelle richesse. A voir.
Note :