La Belle Saison (2015) de Catherine Corsini
Après plusieurs comédies la réalisatrice s'est, depuis quelques années, mis au drame dont son meilleur film "Partir" (2009). Elle y revient avec une histoire d'amour entre deux femmes à l'époque où émerge le féminisme militant du début des années 70. Au départ il s'agissait simplement d'une histoire d'amour entre deux femmes, la situer à cette époque fut décision prise par Catherine Corsini après réflexion, pour rendre hommage aux femmes courageuses de l'époque. Mais aussi pour instaurer un contexte plus fort pour la dramaturgie et, on s'en doute, pour se démarquer du dernier film lesbien en France, "La vie d'Adèle" (2013) de Abdellatif Kechiche, encore dans toutes les mémoires... D'abord le film surprend assez vite puisque la lesbienne qui entraine l'autre en premier n'est pas celle qu'on pourrait croire, et prouve par là même que le face à face du rural contre l'urbain n'est pas si simple. Le couple est interprété par Izia Higelin (césarisée Meilleure espoir pour son premier film "Mauvaise Fille" en 2012 de Patrick Mille et fille de...), et Cécile de France bien connue pour (déjà) un rôle de lesbienne dans la trilogie "L'Auberge Espagnole" (2002), "Les Poupées Russes" (2005) et "Casse-Tête Chinois" (2013) de Cédric Klapish...
Deux belles femmes qui apportent, mine de rien, une réelle audace en montrant des corps de femmes "normaux" mais toujours sensuels. Pour en revenir à la comparaison inévitable avec le film de Kechiche, Catherine Corsini filme ses amoureuses avec empathie tout en plaçant l'amour charnel en phase avec la nature, comme un parallèle à la liberté qu'elles recherchent. On est loin du simple voyeurisme, de la démonstration et de l'extravagance de "la vie d'Adèle". La bestialité de Kechiche laisse place ici à une sensualité plus réelle et plus attachante. Si l'époque nous plonge dans l'époque de 343 salopes , la réalisatrice ne se focalise pas sur le féminisme lui-même et interroge aussi sur des sujets adjacents comme la féminité, le sexe, la soumission, l'égalité au travail... Des sujets qui sont toujours d'actualité par ailleurs. Ici pas de méchants, tous sont des gens bons qui vivent et travaillent dans un monde qui se confronte à une révolution en marche que la plupart ne voient pas venir. On salue donc l'absence de manichéïsme total, il aurait été si facile de taper sur les hommes. Mais non, les hommes sont bons, travailleurs et eux-aussi se doivent d'observer d'abord (pour les uns), d'accepter et de comprendre (pour les autres). Le savant dosage de tous ces paramètres font que le film est intelligemment écrit de bout en bout avec des personnages forts qui pourraient être caricaturaux aujourd'hui mais qui sont indéniablement bien dessinés si on pense à l'année 1971. Les performances des acteurs et des actrices en particulier sont éblouissantes. Malgré tout on pense surtout à Noémie Lvovsky dans le rôle ingrat de la mère. Elle est une femme qui subit et a peur du changement, elle offre une scène incroyable de haine qui installe d'un seul coup tout le malaise d'une époque où tout n'était pas une simple parenthèse enchantée. Quelques petites incohérences (comment peut-on écrire à une adresse qu'on ne connait pas par exemple) mais ça reste un joli et bon film à voir et à conseiller.
Note :