The Witch (2016) de Robert Eggers
Après quelques courts métrages voici le premier long en tant que réalisateur pour le chef costumier Robert Eggers qui a notamment travaillé sur "Le Chemin sans retour" (2010) de Jesse Holland et Andy Mitton. Pour son premier film Eggers se lance dans un film d'horreur audacieux et original qui a fait son petit buzz au Festival de Sundance et qui a déjà obtenu le Prix du Jury au festival de Gérardmer. Produit notamment par les producteurs de "Les amants du Texas" (2013) de David Lowery ou "Beginners" (2010) de Mike Mills "Frances Ha" (2012) de Noah Braumbach le réalisateur Robert Eggers endosse là un film qui a de quoi séduire en signant un film de sorcière hyper réaliste. L'histoire est basée sur l'histoire vraie de la première chasse aux sorcières de l'Amérique soit 62 ans avant les célèbres sorcières de Salem (1692), qui se déroula, elle, dans la Nouvelle-Angleterre en 1630. Dès le prologue on nous plonge dans le monde très puritain des premiers colons (le Mayflower débarque en 1620), avec une famille bannie du village et qui doit partir vivre en autarcie à l'orée d'un bois. Cette famille très pieuse va tomber peu à peu dans la folie, est-ce à cause d'une véritable sorcière des bois ou est-ce à cause d'un puritanisme aïgu ?!...
Ici pratiquemment aucun effets spéciaux ni abus de fantastique pur mais un récit très réaliste, quasi docu-fiction où le quotidien des colons est aussi important que l'intrigue, car la foi omniprésente régie tout et on la suit aveuglément. Un soin particulier est apporté aux costumes, vraiment sublimes. Les décors sont parfaits avec une ferme reconstruite avec fidélité, avec un travail sur la lumière naturelle et à la bougie tout aussi impeccables. En prime une forêt ensorcelante idéale pour réveiller les forces occultes. La musique discrète mais bien présente impose une ambiance pesante alliée à un rythme à la fois lancinant et inquiétant. L'atmopshère est un des points forts, qui permet une certaine lenteur pendant laquelle pourtant il se passe toujours quelque chose ; les détails (jeu des acteurs, évolution psychologique) sont essentiels. Premier point fort donc la perfection des costumes/décors mis en valeur par une photographie juste sublime en adéquation avec cette sensation hors du temps, l'autre point fort reste les performances des acteurs. Tourné comme un huis clos (la ferme, famille en autarcie) la famille vit sur elle-même par la force des choses, les parents et quatre enfants, deux petits, un cadet et la soeur ainée. Les parents sont interprétés par des acteurs expérimentés, des gueules qu'on a déjà vues mais dont on ne se souvient jamais du nom. Il s'agit de Ralph Ineson et Kate Dickie (deux britanniques vus dans la série "Games of Thrones") qui offrent deux performances extraodinaires. Mais on retient surtout le jeu magnétique de la jeune Anya Taylor Joy (qui a été approchée pour le rôle de Magik dans le projet "New Mutants" spin-off des "X-Men") qui assure son avenir avec ce rôle impressionnant de justesse et d'investissement. On frôle le chef d'oeuvre avec ce film d'horreur qui évite l'écueil du film d'horreur habituel de la simple enchatment-envoûtement. Ce qui change tout c'est que le récit repose avant tout sur le puritanisme fanatique qui amène irrémédiablement à la peur de tout qui ronge les âmes et les esprits. On reste juste un peu perplexe sur cette toute fin qui, soudain, modifie le point de vue du genre. Entre "English Revolution" (2013) de Ben Wheatley ("Touristes" , "Kill List") et "Black Death" (2011) de Christopher Smith. Robert Eggers signe un film majeur du genre, intelligent efficace et qui allie fond et forme d'une indéniable symbiose. Vivement son prochain film.
Note :