L'Odyssée (2016) de Jérôme Salle
Un grand titre pour un grand destin, un film ambitieux pour le réalisateur Jérôme Salle qui n'avait jusqu'ici que tâter du thriller plus ou moins réussi de "Anthony Zimmer" (2005) à "Zulu" (2013) en passant par le diptyque "Largo Winch" (2008-2011). Un tel projet est sacrément casse-gueule, audacieux tant le mythe Jacques-Yves Cousteau est tenace. Ce dernier est certes un monument mais pour les générations des plus de 30 ans (et encore), car comme le précise le réalisateur, son envie de faire ce film est venue après avoir compris que les jeunes ne connaissaient pas le capitaine Cousteau, voire n'avaient même pas entendu parler de lui. Après maintes recherches, après s'être très documenté et notamment auprès de la famille Cousteau elle-même, après des difficultés à trouver le budget (30 millions d'Euros) et quelques péripéties niveau casting, Jérôme Salle trouve enfin sa famille Cousteau. Famille car loin d'être un biopic sur Jacques-Yves Cousteau le film est avant tout l'histoire de l'Odyssée de la famille. En effet, si le capitaine Cousteau a réussi et qu'il est entré dans la postérité, il le doit à son épouse et à ses enfants. Jérôme Salle s'est servi comme base du livre "Capitaine de la Calypso" (1990) de Albert Falco.
Le casting est symptomatique d'un détail qui gêne tout le long du film. Trois stars pour les trois rôles principaux, Lambert Wilson en Jacques-Yves Cousteau, Audrey Tautou en Simone Cousteau et Pierre Niney en Philippe Cousteau tandis que l'ainé des fils Jean-Michel est interprété par le méconnu Benjamin Lavernhe, qui doit ce rôle sans doute à son amitié avec Pierre Niney, son partenaire dans la série "Casting(s)" (2013-...). Il est étonnant de voir que sur ces quatre personnages celui qui est interprété par le moins connu est le protagoniste le moins important, le plus sous-employé, l'oublié de l'histoire. Le personnage de Philippe vampirise le récit familial et laisse des miettes à Jean-Michel. Dommage, car il s'agit avant tout d'une aventure humaine familiale et le récit prend une tournure un peu bancale tant Jean-Michel est laissé pour compte. Si le film démarre en 1949 et finit en 1979 (date de la mort de Philippe), la grande partie (80%) du film se focalise du milieu des années 60 au milieu des années 70. Beaucoup d'ellipses, de raccourcis mais finalement complètement intégrés au récit, avec un scénario assez malin qui résume l'ascension et les problèmes d'une telle entreprise. L'histoire se focalise surtout sur les deux relations mari-épouse (Jacques-Yves avec Simone) et père-fils (Jacques-Yves avec Philippe), exit donc Jean-Michel qui passe par là comme par obligation mais qui n'influe en rien à la destinée de la famille. Reste donc la beauté des images aussi, des plans sublimes plutôt bien inspirés même si la nature reste tout de même assez discrète. On aurait aimé que les océans soient clairement un personnage central du film. La musique signée par l'omniprésent Alexandre Desplat ("Zulu" notamment et dernièrement "Une vie entre deux océans") est idéale une fois de plus. Quelques plans numériques furent nécessaires (interdiction de bateau en bois dans l'antarctique, espèces disparues...) mais sans jamais gâcher une scène. Jérôme Salle a réussi son pari, disons-le, plutôt de belle manière. Le film évite l'écueil de déification de Jacques-Yves Cousteau, n'hésitant pas à explorer aussi ses côtés sombres, à contrario d'un Philippe trop parfait et avec la désagréable sensation que Jean-Michel a été sacrifié (historiquement parlant). Un film bancal donc, loin d'être parfait, mais malgré cela le film est beau, prenant, assez descriptif pour comprendre, pas trop démonstratif pour ne pas se perdre, avec des acteurs excellents pour un hommage honnête d'une famille (presque) comme les autres.
Note :