Baccalauréat (2016) de Cristian Mungiu
Quatrième long métrage après "Occident" (2001), "4 mois, 3 semaines, 2 jours" (2007 - Palme d'Or), "Au-delà des collines" (2012 - prix du Meilleur scénario et actrice) pour le réalisateur Cristian Mungiu. Seulement 4 (sans compter les œuvres collectives ("Lost and Found" en 2005 et "Contes de l'âge d'or" en 2009-2010) pour s'imposer comme le chef de file du cinéma roumain. Et quelle belle année encore pour ce cinéma encore trop méconnu, après l'excellent "Illégitime" (2016) de Adrian Sitaru voici donc "Baccalauréat" dans lequel on retrouve d'ailleurs l'acteur Adrian Titieni déjà père de famille du film de Sitaru. Cette fois il est le père médecin de Eliza (Maria Dragus, révélation déjà aperçue entre autres dans le chef d'œuvre "Le Ruban Blanc" (2009) de Michael Haneke.
Le lien entre "Illégitime" et "Baccalauréat" est évident. Si dans la forme on passe du huis clos familial au parcours du combattant, dans le second le fond est très similaire à savoir : comment vivre dans un pays gangrené par la corruption, la peur, les convenances plus ou moins partisanes. Cristian Mungiu est fidèle à son style très naturaliste, très réaliste, un style dont on comprend qu'il a séduit des producteurs comme les frères Dardennes. Si on s'attend à ce que ce soit Eliza le personnage principal c'est en fait le père, Romeo, qui porte le film et qui est le personnage central pour bien mettre en avant la difficulté de garder sa dignité et ses principes dans un système inégalitaire et vicié. L'histoire porte le propos sur le fil ténu de ce qui est corruption de ce qui est rendre service, sur une question de solidarité ou d'individualisme. Des questionnements nécessaires et existentiels, que certains qualifieraient d'évidents mais qui sont ici traités avec objectivité et neutralité, on n'y décèle aucun manichéisme. Après la période douloureuse de Ceausescu, un père qui a cru un temps à une Roumanie qui se réveille fait tout pour que sa fille soit bachelière et puisse quitter ainsi son pays pour un avenir meilleur. Tout n'est pas si simple...
Caméra à l'épaule le réalisateur suit Romeo, homme de principes et honnête qui va doucement glisser sur ce qu'il abhorre pour "sauver" sa fille d'un destin promis à la tristesse roumaine. Intelligent et lucide, le cinéaste continue ainsi son travail d'introspection sur l'état de son pays en travaillant notamment des dialogues à demi-mots, des relations qu'on ne sent jamais franches avec toujours des suspicions. À un moment on a peur que des sous-intrigues (maitresse, mère malade...) parasitent un peu le sujet mais au final le scénario reste solide et cohérent. En effet, il s'agit aussi de montrer un homme comme les autres, qui a ses responsabilités et ses choix hasardeux, l'histoire d'un homme qui veut que sa fille ait plus de choix pour un avenir plus serein. Cristian Mungiu signe encore une fois un film magnifique même s'il manque un soupçon d'émotion et/ou de chaleur en plus. Rappelons que le réalisateur a obtenu le Prix de la mise en scène pour ce film au dernier festival de Cannes 2016, une belle confirmation après ses précédents prix à Cannes.
Note :