Grand Froid (2017) de Gérard Pautonnier
Premier long métrage du réalisateur-scénariste Gérard Pautonnier, qui après avoir travaillé dans la publicité et la télévision a tourné quelques courts métrages dont "L'Etourdissement" (2015) où deux collègues de travail doivent annoncer le décès accidentel d'un leur collègue à son épouse. Court adapté d'un roman éponyme (2004) de Joël Egloff qu'il a rencontré pour l'occasion. Une rencontre riche puisque son nouveau film est une nouvelle adaptation d'un roman de l'écrivain, "Edmond Ganglion et Fils" (1999), dont il co-écrit le scénario avec le cinéaste. Matériau connu donc pour le réalisateur et soutien du romancier, avec en prime une thématique en lien direct avec "L'Etourdissement"... D'ailleurs le cinéaste a fait appel pour son casting aux mêmes acteurs que dans son court-métrage, on retrouve donc Feodor Atkine, Marie Berto, Philippe Duquesne (ex-Les Deschiens) et Arthur Dupont. Ce dernier retrouvant l'acteur Jean-Pierre Bacri après lui avoir donné la réplique dans "Au bout du Conte" (2013) de Agnès Jaoui, Bcri qui retrouve également Sam Karmann pour la 8ème fois ! En prime, la présence patriarcale de l'excellent Olivier Gourmet fidèle des frères Dardennes (8 films sur 9 ensemble !).
On suit donc une maison de pompes funèbres en pleine crise économique, à tel point que le patron imagine des stratagèmes insensés voir ridicules pour tenter de sortir la tête de l'eau, jusqu'à ce qu'arrive un nouveau "client"... Humour et funéraille finalement, on y réfléchissant rien de plus naturel ! On pense ainsi aux comédies "Joyeuses Funérailles" (2007) de Fank Oz, "Bouquet Final" (2008) de Michel Delgado et "Adieu Berthe, ou l'enterrement de mémé" (2012) de Bruno Podalydès dont l'humour serait le plus proche. Dans le genre nous serions entre les styles des frères Coen ("Fargo" en 1996) et Aki Kaurismaki ("Le Havre" en 2011)... Une modification vis à vis du livre à noter, le fait de transformer le bar traditionnel en face des pompes funèbres en un resto chinois tenu par un barman "tradi", le réalisatreur justifie ce changement : "J'aimais bien ce mélange des genres, comme si les bibelots asiatiques, très kitchs et colorés, répondaient aux objets mortuaires de la boutique de pompes funèbres."... Et effectivement le décalage est parfait, créant ainsi une rue presque hors temps, où la normalité ne peut exister ici. Car rappelons-le tout de même, les pompes funèbres ne peuvent connaitre la crise, sauf dans ce village !
L'autres très bonne idée réside dans la bande son, le compositeur Christophe Julien a mélangé les univers avec notamment du blues et des chants amérindiens, ce qui exprime et explore différents instants plus ou moins spirituels de l'histoire. L'humour est léger, les gags arrivent comme par accident et reflètent des situations certes saugrenues mais pas spécialement surréalistes. Le fait que 90% des dialogues sont dit par les 3 personnages principaux ajoutent à ce décalage omniprésent, les autres étant le plus souvent expressifs que par les traits de leur visage et/ou de leur expression. Le format assez court (1h30) est idéal, un bon et joli moment avec un humour noir jamais méchant, avec un cynisme très humain et humaniste pourrait-on dire. Une comédie légère sur ce qu'il y a de plus sérieux, et oui, mieux vaut en rire.
Note :