Money (2017) de Gela Babluani
Remarqué avec son film "13 Tzameti" (2006) (dont il a fait un auto-remake plus hollywoodien avec "13" en 2013), le réalisateur géorgien Gela Babluani revient en France (il vit en France depuis 1996 tout de même) pour un thriller noir après avoir co-réalisé avec son père Temur Babluani le film "L'Héritage" (2006). La première chose qui frappe c'est que pour ce film il ne semble pas avoir eu le soutien financier nécessaire et ce, malgré un casting plutôt riche. En effet, la pauvreté des décors (même le "château" du ministre est bien triste) et les rares lieux sentent bon le tournage à minima.
Le casting, lui, est plutôt sympa avec dans les rôles principaux un trio plutôt hétéroclyte avec George Babluani (frère du réalisateur), Vincent Rottiers (omniprésent, et déjà en salle dans "Espèces Menacées") et l'inconnue Charlotte Van Bervesselès. A leurs côtés, outre les stars Benoit Magimel et Anouk Grinberg (pas vue depuis la comédie "Sea no Sex and Sun" en 2012 de Christophe Turpin), il y a une faune appréciable de "gueules" du cinéma français avec Louis-Do De Lencquesaing (dont la fille Alice joue également dans "Espèces Menacées"), Olivier Rabourdin, Jean-Michel Correia et Feodor Atkine. Si le manque de moyen est flagrant ça n'est pas obligatoirement un mal. On se retrouve immergé dans un univers crasseux, fataliste et d'un réalisme social qui donne un style âpre et sans concession voire clinique et viscéral. Ou comment trois loosers braquent un homme riche sans savoir qui il est et donc sans connaitre à l'avance à qui est le pognon. En une seule nuit les destins des protagonistes vont littéralement prendre un tournant qu'aucun n'avait envisagé. Entre hommes de pouvoirs, caïds, parrains, sbires et loosers, l'intrigue va les réunir de près ou de loin dans une descente aux enfers. Malheureusement le manque de moyens, si il n'est pas un véritable soucis de fond, se ressent malgré tout et on y pense pendant la séance ce qui n'est pas agréable. Le cinéaste doit pouvoir faire oublier ce manque de moyens. Ensuite les personnages restent très caricaturaux, le trio cliché (une femme, un grande gueule et fonceur, l'autre plus calme), le politicien qui aime rappeler qui il est, le tueur à gage classe et de sang froid, le sbire costaud et tatoué, la maman aimante mais désemparée... etc... Qui sont heureusement contre-balancés.
D'abord par des acteurs excellents et investis, à l'exception peut-être de la jeune Charlotte Van Bervesselès trop scolaire, manquant de naturel - et pour l'anecdote un Vincent Rottiers qui a semble-t-il trop pris son rôle à cœur avec une garde à vue pendant le tournage pour tapages nocturnes et dégradations ! Puis surtout par un scénario qui offre des rebondissements efficaces dont quelques uns qui restent de vrais choix inattendus. Dans une mise en scène toujours en mouvement mais pas clippesque (non sur-découpé ni tremblotant), Gela Babluani signe un polar sombre où honneur et amitié font face au fric et au pouvoir, dans un film qui gagne aussi à ne pas faire dans la morale facile même si "L'Argent ne fait pas le bonheur"... Un polar un peu trop froid (dans tous les sens du terme, autant dans le fond que dans la forme) mais qui colle également assez bien à cette histoire glauque et pessimiste à souhait. Loin d'être parfait ça reste un film d'une noirceur qui ne peut pas laisser indifférent.
Note :