Guerre et Paix (1956) de King Vidor.

par Selenie  -  22 Janvier 2018, 10:34  -  #Critiques de films

Méga production des studios Paramount en collaboration avec le nabab Dino de Laurentiis pour une co-production italo-américaine qui explique la forte présence italienne au générique. Ce film reste également dans les mémoires pour son budget pharaonique. Il s'agit donc de la seconde adaptation du roman éponyme mythique (1865-1869) de Léon Tolstoï après une première version russe en 1915 de Yakov Protazanov et Vladimir Gardin et avant la version épique soviétique (1965-1967) de Sergueï Bondartchouk... La direction est offerte au réalisateur King Vidor, solide cinéaste en fin de carrière qui tourne ce film entre "L'Homme qui n'a pas d'étoile" (1955) et "Salomon et la Reine de Saba" (1958).

Au casting le trio de stars est tenu par le couple à la ville Mel Ferrer et Audrey Hepburn, fraîchement mariés. Cette dernière n'est seulement qu'à son second long métrage après son succès oscarisé avec "Vacances Romaines" (1953) de William Wyller. Ils tiennent le haut de l'affiche avec Henry Fonda qui retrouve Mel Ferrer après "Dieu est Mort" (1947) de John Ford et avant "Le Jour le plus Long" (1962). Les autres stars sont la suédoise Anita Ekberg qui n'est pas encore "La Dolce Vita" (1960) de Federico Fellini, et surtout l'italien Vittorio Gassman tandis qu'on notera un excellent Napoléon incarné par Herbert Lom. Niveau technique on peut noter la partition du grand compositeur Nino Rota et le travail méticuleux du célèbre directeur photo Jack Cardiff. Résumer l'histoire de ce pavé de la littérature serait fastidieux, dans les grandes lignes on suit une famille noble et leur entourage plus ou moins proche dans le Moscou des années 1804-1812 alors que Napoléon est le roi de l'Europe. On peut dire que le film est découpé en plusieurs parties correspondantes à des faits historiques marquants dans les guerres napoléoniennes quand, évidemment, la Russie est de la coalition. Trois grands événements donnent le ton, Austerlitz (1805), le traité de Tilsitt (1807) et enfin la campagne de Russie (1812). Le casting est plutôt réussi à l'image de Audrey Hepburn qui corresond idéalement à la description de Natasha par Tolstoï, par contre le choix de Henry Fonda est une vraie erreur puisqu'il a alors le double de l'âge de son personnage (pour l'anecdote, Audrey Hepburn voulait Gregory Peck, juste un peu plus jeune que Fonda)... Le film se place dans la lignée des grandes fresques historico-romanesque comme "Autant en emporte le vent" (1939) de Victor Fleming ou "Le Docteur Jivago" (1965) de David Lean. Le tournage est grandiose, gros budget, stars de prestige, 11 studios nécessaires, une durée de 03h14, costumes et décors sublimes, 8000 chevaux... etc...

Les amateurs du genre seront comblés même si on reste dans une qualité un peu en deçà des grands titres comme ceux sus-cités. Par exemple il est dommage d'avoir des plans trop estivaux pour la bataille d'Austerlitz qui s'est déroulée en décembre, ou de remarquer que les personnages chevauchent des montures mécaniques plutôt que de vrais chevaux (bien la peine d'en avoir 8000 à disposition !). Par contre, le film reprend bien certains sujets du roman qui donnent de la profondeur aux propos. Le film montre l'état d'esprit de l'aristocratie russe à cette époque et surtout, le film conteste fortement le génie de Napoléon en apportant des doutes sur sa science militaire. Même si ça reste très hollywoodien, le film reste sur un point de vue russe qui demeure de toute façon intéressante. Le romanesque reste savoureux, Audrey Hepburn pétillante, duels et tractations stratégiques en prime mais là où on reste ébloui et impressionné, c'est la reconstitution de la "Bérézina". Le retour de la Grande Armée en pleine hiver est aussi sublime et réaliste que terrifiante et effroyable. C'est bel et bien la partie la plus forte, émotionnellement et historiquement. A contrario, sur les parties plus "familiales" et "romantiques" on peut regretter un manque d'émotion palpable. Dans son genre ça reste donc un beau et bon film mais ne peut lutter contre les chefs d'oeuvres du même genre.

 

Note :            

16/20

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