Phantom Thread (2018) de Paul Thomas Anderson
Un film marquant bien avant sa sortie, ce grand retour de l'excellent réalisateur Paul Thomas Anderson se manifeste également par l'annonce funeste et triste (pour tous cinéphiles en tous cas !) de la retraite de son acteur Daniel day Lewis !... Ce film signe donc le dernier rôle d'un des plus grands (le plus grand ?!) acteurs du Septième Art. Le cinéaste retrouve son acteur après leur chef d'oeuvre "There Will Be Blood" (2007) pour une plongée dans le monde de la mode des années 50 avec l'amour comme paramètre irrémédiable et tragique. Si Daniel Day Lewis est un génie, son réalisateur a lui aussi démontré l'étendu de son talent et a prouvé qu'il était un des meilleurs réalisateurs en activité de "Boogie Nights" (1997) à "Inherent Vice" (2014) en passant par "Magnolia" (1999) et "The Master" (2012)...
Outre Day Lewis, les rôles principaux sont dévolues à Lesley Manville (bras droit du couturier) et à Vicky Krieps actrice luxembourgeoise méconnue (plus pour longtemps !) mais déjà aperçue dans des films aussi différents que "Anonymous" (2011) de Roland Emmerich, "Möbius" (2013) de Eric Rochant et "Colonia" (2015) de Florian Gallenberger. L'idée du film est venue au cinéaste après que le musicien Johnny Greenwood (leader du groupe Radiohead, ayant travaillé sur les 3 derniers films du cinéaste) l'ait traité de "Beau Brummell" se moquant de son accoutrement... Paul Thomas Anderson s'est alors intéressé à ce dandy, de fil en aiguille il a imaginé son histoire jusqu'à réalisé, écrire et assuré le poste de directeur photo. Paul Thomas Anderson et Daniel Day Lewis se sont énormément documenté sur la mode et la haute couture. Day Lewis, comme à son habitude s'est complètement investi et immergé dans son rôle. Si le personnage de Reynolds Woodcock est inspiré de Cristobal Balenciaga (pour son travail sur la dentelle et l'innovation de ses coupes) l'acteur a aussi beaucoup étudié Dior, Charles James et Alexander McQueen (pour ceux à qui ça parle !). Il aussi étudié auprès du département costumes du New-York City Ballet.
L'acteur a été visiblement impressionnant, capable de créer des robes dont une qu'il a créé spécialement pour son épouse Rebecca Miller. Pour l'anecdote, ce dernier rôle est aussi la possibilité d'entendre Day Lewis utiliser son accent britannique naturel, une première depuis "Stars and Bars" (1988) de Pat O'Connor. Le titre fait référence à l'époque de l'ère victorienne où les conditions de travail des couturières à Londres étaient exécrables, mais il fait aussi référence aux forces occultes. Ce qui frappe toujours avec Paul Thomas Anderson c'est cette faculté à allier le fond à la forme, où comment la magnificence de l'écrin n'a d'égal que la profondeur du propos. De cela le cinéaste se rapproche d'un Stanley Kubrick... On peut tiquer un peu sur une première partie un peu longue et une phase de séduction un peu trop facile. Mais le film prend ensuite toute son ampleur. On aime les décors d'un baroque "moderne", l'élégance des costumes (évidemment), et le romantisme bien présent mais sans tomber pour autant dans la mièvrerie. Et enfin on adore Daniel Day Lewis, une fois de plus monstrueux de génie et d'abnégation. Sa jeune partenaire n'est pas en reste, digne et fière elle est belle et bien présente face à son pygmalion transi prisonnier des convenances mais surtout d'une maniaquerie de vieux célibataires associés à l'amour sans concession à son art. C'est sans compter avec sa nouvelle muse, aussi transie que vénéneuse, une mante qu'on ne voit pas venir pour une histoire d'amour unique et troublante. Un grand film lancinant digne d'un thriller psychologique
Note :