Je ne regrette rien de ma jeunesse (1946) de Akira Kurosawa.
Voilà un film particulièrement méconnu du grand Akira Kurosawa, futur réalisateur de "Les 7 Samouraïs" (1954). Avec ce film le réalisateur démontre une acuité assez inouïe sur l'état du Japon d'après guerre alors même qu'il parfait son style propre qui va se perfectionner encore un peu... Le cinéaste co-écrit le scénario avec Eijiro Hisaita qui retrouvera le cinéaste plus tard avec "L'Idiot" (1951), "Les Salauds dorment en Paix" (1960) et "Entre le Ciel et l'Enfer" (1963). Le film est construit autour de deux faits réels, ceux qu'on appelle l'Incident de Tagikawa (1932-1933) et la vie de Hotsumi Ozaki seul japonais a avoir été exécuté pour trahison en 1944. Le récit se déroule sur une quinzaine d'années donc, entre 1932 et 1947 environ où on suit une jeune femme courtisée par deux hommes, l'un deviendra un serviteur du régime en tant que procureur, l'autre sera un révolutionnaire qui veut éviter la guerre avec le monde.
Pour ce film le cinéaste regroupe un casting parmi ses fidèles, tous les acteurs ayant tourné et tourneront beaucoup pour lui. La plupart étaient déjà présents sur "La Légende du grand Judo" (1943) et "La Nouvelle Légende du grand Judo" (1945) comme Susumu Fujita et Takashi Shimura, ce dernier connu également pour "Godzilla" (1954) de Ishiro Honda. Mais le premier rôle est pour une héroïne, chose rare dans la filmo de Kurosawa, qui est incarnée par Setsuko Hara, surtout une fidèle du réalisateur Yasujiro Ozu et qui ne retrouvera Kurosawa que pour "L'Idiot" (1951). La première partie du film est un peu fouillie, confuse, c'est un prologue qui permet de présenter les protagonistes mais qui a bien du mal à clarifier le contexte politico-social. Il faut attendre la première ellipse de temps pour que le récit se structure et qu'on apprécie vraiment cette histoire d'amour contrariée par les aléas de la vie et de l'Histoire du Japon, intérieure d'abord avant que la Seconde Guerre Mondiale éclate.
La dernière partie est de loin la plus forte émotionnellement et la plus aboutie au niveau de la réalisation, où la tragédie humaine rejoint le souffle des rizières. A noter qu'en 1946 le Japon est encore à sang et que la reconstruction ne fait que commencer d'où un tournage sans moyen. Certains membres de l'équipe sont encore victimes de la faim et ce sont les membres de l'équipe technique qui jouent les figurants notamment lors des manifestations étudiantes. Akira Kurosawa signe ici un film anti-militariste et en même temps un hymne au courage, un film d'ailleurs audacieux si peu de temps après la fin du régime militariste. Tout n'est pas parfait, surtout au début du film, mais ça reste un film dense et profond qui mérite qu'on s'y attarde. A voir et à conseiller.
Note :