West Side Story (1962) de Robert Wise.
Ce monument du 7ème Art, film aux 10 Oscars est d'abord une adaptation d'un show de Broadway (1957) signé Leonard Bernstein (musique), Arthur Laurents, Stephen Sondheim et Jerome Robbins (danse). Pour cette production c'est Robert Wise qui est choisi pour réaliser cette comédie musicale à une époque où le genre était en déclin à Hollywood. Wise est alors connu pour des films comme "Le Jour où la Terre s'arrêta" (1951) et "Marqués par la Haine" (1956). Le scénario adapté est signé du scénariste Ernest Lehman, auteur entre autres de "Sabrina" (1954) de Billy Wilder, "Le Roi et Moi" (1956) de Walter Lang, "Le Grand Chantage" (1957) de Alexander MacKendrick et "La Mort aux Trousses" (1959) de Alfred Hitchcock. Pour le seconder, le chorégraphe Jerome Robbins signe les séquences dansées du prologue, un prologue mythique de 10mn sans paroles où les personnages ne font que danser. Ce prologue arrive juste après une scène d'ouverture unique à l'époque avec une conception graphique du mythique Saul Bass (déjà à l'oeuvre sur des films comme "L'Homme au Bras d'Or" en 1955 de Otto Preminger et "Sueurs Froides" en 1957 de Alfred Hitchcock) avec, pour la première fois, une vue aérienne de New-York. En moins de 15mn le film entre déjà à la postérité. L'histoire est une transposition de "Roméo et Juliette" (1597) de William Shakespeare, de la lutte entre deux familles de la Renaissance avec un amour déchiré. On se retrouve dans le Upper West Side de Manhattan (quartier aujourd'hui du Lincoln Center) où s'affrontent deux bandes, les Jets issus "blancs" nés en Amérique mais de parents immigrés européens contre les Sharks migrants porto-ricains avec une idylle inter-ethnique comme feu aux poudres...
Au casting une seule véritable star, Natalie Wood vue dans quelques chefs d’œuvres comme "L'Aventure de Mme Muir" (1947) de J.L. Mankiewicz, "La Fureur de Vivre" (1955) de Nicolas Ray, "La Prisonnière du Désert" (1956) de John Ford et "La Fièvre dans le Sang" (1961) de Elia Kazan, ce dernier sorti en salle une semaine avant "West Side..."... Russ Tamblyn est aussi une vedette mais moins connu, déjà vu dans "Sergent la Terreur" (1953) de Richard Brooks, "L'Aventure Fantastique" (1955) de Roy Rowland et plus tard dans "La Maison du Diable" (1962) de Robert Wise. L'amoureux de Maria/Wood est joué par le méconnu Richard Beymer qui avait déjà tourné pour Robert Wise dans "Mon Grand" (1953). Et enfin, deux autres rôles importants sont dévolus à Rita Moreno, second rôle récurrent à Hollywood souvent dans des rôles plus ou moins exotiques comme justement dans "Le Roi et Moi" cité plus haut, ainsi que l'inconnu George Chakiris danseur apparu non crédité en arrière-plan dans "Les Hommes préfèrent les Blondes" (1953) de Howard Hawks et "Brigadoon" (1954) de Vincente Minnelli, qui connait bien "West Side..." pour avoir incarné Riff (Tamblyn dans ce film) sur scène à Londres. S'il s'agit d'une comédie très dansée, très chorégraphiée avec de nombreuses séquences chantées, tous les acteurs principaux sont doublés au chant à l'exception notable de George Chakiris, tandis que la star Natalie Wood ne chante elle-même que la dernière chanson du film. Elle est doublée par Marni Nixon qui est connue aussi pour avoir prêtée sa voix à Deborah Kerr dans "Le Roi et Moi" (1956) et plus tard à Audrey Hepburn dans "My Fair Lady" (1964) de George Cukor... "West Side Story" marque un tournant, jusqu'ici les comédies musicales de l'Âge d 'Or étaient empreint de bonheur et de féerie alors que cette fois le fond de l'histoire et le propos sont beaucoup plus d'actualité et restent tragiques. La musique se fait dans le même temps beaucoup plus sophistiquée, les chorégraphies se modernisent nettement avec des danses moins virevoltantes mais plus calquées sur les faits et gestes des protagonistes (mime des bagarres par exemple).
Alors que New-York la cosmopolite est une capitale du multi-ethnique, les conflits inter-communautaires se multipliaient, la transposition de "Roméo et Juliette" est alors aussi judicieuse qu'audacieuse avec un message fort en conclusion. Les 15 première minutes donnent le ton, le film est tendu et, outre le côté musical, offrent quelques scènes particulièrement dures comme l'agression dans le bar. Les décors de Harlem très "urbains" sont limités par contre, étonnamment, l'ouverture très aérienne n'est pas confirmée ensuite avec des décors peu nombreux qui restent fidèles au style Broadway comme pour symboliser l'envie de Liberté qui reste engoncée dans les limites d'un New-York en proie aux préjugés et aux règles établies par sa communauté. En prime évidemment une musique devenue culte et mondialement reconnue, des danses endiablées et plusieurs chansons devenues des standards. Un grand film musical, succès jamais démenti au fil des ans à voir absolument. Pour l'anecdote, son réalisateur Robert Wise battra à nouveaux des records avec un autre film musical peu de temsp après avec "La Mélodie du Bonheur" (1965)...
Note :