Le Bonheur est dans le Pré (1995) de Etienne Châtliez.
3ème film de Etienne Châtliez après deux films au succès indéniable ayant marqué toute une génération avec "La Vie est un Long Fleuve Tranquille" (1988) et "Tatie Danielle" (1990). Cette fois le réalisateur à la bourgeoisie de province sur fond d'émission TV, puisque dans le film l'émission "Où es-tu ?" est un pastiche de la célèbre émission "Perdu de vue" (1990-1997) de Jacques Pradel. Ou comment un patron d'usine en proie à des soucis financiers profite de sa ressemblance avec un homme disparu depuis des années pour tenter de changer de vie... Le titre lui, est inspiré du poème "Le Bonheur" de Paul Fort.
Châtiliez retrouve pour ce film la scénariste Florence Quentin pour leur 3ème collaboration fructueuse (sans compter leurs retrouvailles récemment pour "L'Oncle Charles" en 2011). Au casting, le rôle principal est dévolu à Michel Serrault (qui remplace au pied levé son ami Jean Carmet décédé trop tôt). Son épouse est jouée par Sabine Azéma, son meilleur ami par Eddy Mitchell (qui retrouve Serrault après "A Mort l'Arbitre" en 1984 et "Ville à Vendre" en 1992 tous deux de Jean-Pierre Mocky), sa future nouvelle femme par Carmen Maura mais on croise aussi pêle-mêle François Morel, Patrick Bouchitey, Daniel Russo, Michel Hazanavicius, Catherine Jacob, François Morel, Isabelle Nanty, Joël Cantona et son frère Eric dans son premier rôle au cinéma. Si on n'était pas dans une comédie satirique on pourrait en faire un petit policier à la Claude Chabrol au vu de la thématique de fond. Mais Châtiliez fait surtout dans le poil à gratter même si il est sans doute un peu plus sage que dans ses deux précédents films. Donc, le film commence alors que Francis Bergeade a des difficultés financières qu'il dissimule à sa femme qu'il n'aime plus. La chance tourne à l'insu de son plein gré quand une émission télé diffuse une photo lui ressemblant comme deux gouttes d'eau à la suite de quoi, tout le monde pense qu'il est effectivement cet époux et père de famille qui a disparu il y a 26 ans... Pris dans l'engrenage médiatique, Francis se laisse prendre au jeu ce qui lui permet surtout d'oublier ses soucis... Le scénario semble tiré par les cheveux mais on y croit sans peine surtout quand la "nouvelle" épouse n'est pas la naïve qu'on pourrait croire.

Les personnages sont particulièrement bien croqués même si pour ce film la caricature est poussée plus loin, pour ne pas dire clichée. Cette sensation est accentuée de par le jeu de certains acteurs, on pense surtout à Sabine Azéma qui en fait des tonnes en bourgeoise hystérique. Il ne faut pas compter rire à gorge déployée, c'est du Chatiliez et donc l'humour repose essentiellement sur une critique grinçante de la société. On aurait aimé un ton un chouïa plus léger, le film se prend un peu trop au sérieux. La majorité des personnages s'avère plutôt antipathique ce qui n'aide pas à nous apprivoiser. Néanmoins, Chatiliez touche juste et grattouille là où ça démange. Il est encore parfaitement ancré dans son époque avec ce film qui reste à ce jour son plus gros succès avec près de 5 millions d'entrées. La suite sera, à juste titre, beaucoup moins flamboyante... Un bon film, savoureux parfois, agaçant par instant, mais plein d'acuité avec ce qu'il faut de méchanceté pour apprécier cet hymne au bonheur, même si cet hymne reste finalement un peu trop discret.
Note :