Cornélius, le Meunier Hurlant (2018) de Yann Le Quellec.
Voilà un premier long métrage audacieux, un OFNI (Objet Filmé Non Identifié) qui sera pour les uns savoureux et pour les autres trop confidentiel. Il s'agit du premier long donc de Yann Le Quellec, inconnu pour le public mais il est auteur de BD, créateur de Cinémage (pour le financement du cinéma) et de la société de production White Light. Il s'est lancé récemment dans la réalisation en se faisant remarquer pour deux courts métrages "Je sens le beat qui monte en moi" (2012) et "Le Quepa sur la Vilni" (2014) avec lesquels il a été multiprimé. Un premier pas vers ce long métrage inédit et original qu'il adapte lui-même d'après le roman "Le Meunier Hurlant" (1981) du finlandais Arto Paasilinna. Pour le rôle principal, le réalisateur-scénariste a cherché longtemps son interprète idéal jusqu'à ce que deux amis lui parlent de Bonaventure Gacon, une vedette du monde du cirque et qui a été convaincu après que le cinéaste ait vu son spectacle "Par le Boudu". Pour l'anecdote, le comédien a été aperçu au cinéma une fois, c'était dans "Astérix et Obélix contre César" (1999) de Claude Zidi. A ses côtés, la belle qui est incarnée par la jolie Anaïs Demoustier, le maire du village joué par le grolandais Gustave Kervern, le médecin est interprété par Denis Lavant...
Et en prime, la chanson du film qui est interprétée par un certain Iggy Pop ! Comme l'explique le cinéaste : "la voix d'Iggy, avec tout ce qu'elle contient d'animalité (c'est l'Iguane tout de même) et sa façon si singulière de s'approprier le français créent une sorte de babil qui correspondait à une couleur, à un imaginaire que je recherchais pour le film."... On suit donc un homme à l'apparence un peu rustre, qui arrive dans un village reculé où il va devenir le meunier. Les villageois vont pourtant commencer à le haïr quand Cornélius se met à hurler tel un loup à chaque nuit... Le cinéaste mêle les genres et les références tout en créant son propre univers. Tourné dans les magnifiques paysages du Larzac, de l'Alpes d'Huez ainsi que dans la forteresse de Salses, il n'en demeure pas moins qu'on est dans un village et une époque indéfinis où les créatures dites Wildermen viennent de traditions d'Europe de l'est et où quelques paramètres sortent tout droit du western. Mais il y a aussi une pincée de musical et une dose de cirque. Notons également que le décorateur s'est inspiré de croquis de Leonard De Vinci pour construire le moulin du Bout du Monde.
On est clairement dans une fable, un conte champêtre et loufoque où les images d’Épinal se frottent aux références diverses créant un univers atypique où le héros est un hurleur inconnu qui se met à dos un village qui n'en dort plus à l'exception notable de la fille du maire, spécialiste horticole en titre du village. Si on est sous le charme la plupart du temps, avec un univers franchement original et burlesque, on est tout aussi désarçonné par ce patchwork surprenant. Bonaventure Gacon n'est pas toujours bon notamment, si l'artiste en mouvement reste un meunier unique, les scènes plus intimes démontrent ses limites. On mettra surtout un gros bémol à la séquence à l'asile psychiatrique où on est partagé entre l'affliction et le délire simple, que voulait en faire réellement Yann Le Quellec ?! Sinon, on mettra également un bémol sur le jeu trop théâtral de l'ensemble, trop de dialogues qui sentent la simple récitation. Ces derniers points créent une barrière qui nous empêche de complètement plonger dans cet univers "bande dessinée filmée" qui ne manque pourtant pas d'atout. Une expérience enrichissante, une gourmandise à la recette sans doute maladroite mais qui vaut le détour. A conseiller.
Note :