Mort de la cinéaste Agnès Varda
Aujourd'hui est un jour de deuil pour la cinéphilie avec la disparition de la réalisatrice Agnès Varda, seule femme du mouvement Nouvelle Vague, ce vendredi 29 mars 2019 à l'âge de 90 ans.
Née en 1928 en Belgique d'un père grec et d'une mère française, la jeune Arlette Varda fuit la Belgique avec sa famille en 1940 pour s'installer à Sète dans le sud de la France où elle passe l'essentiel de son adolescence. Elle monte à Paris pour étudier la photographie à l'Ecole des Beaux-Arts et de l'Histoire de l'Art du Louvre. Elle y retrouve une femme q'elle a connu à Sète qui s'avère être l'épouse de Jean Vilar qui lui propose un poste de photographe au Théâtre National Populaire. A cette époque elle connait une histoire d'amour avec Antoine Bourseiller, metteur en scène, avec qui elle a une fille la future Rosalie Varda costumière de cinéma.
Elle tourne à Sète avec peu de moyens son premier long métrage avec "La Pointe Courte" (1954) avec Philippe Noiret et dont le montage est assuré par son ami Alain Resnais qui n'a pas encore signé "Nuit et Brouillard" (1956)... Un film important à bien des égards dont la Revue Belge du Cinéma a écrit : "Tout le nouveau cinéma est en germe dans La Pointe Courte (film d'amateur tourné en 35mm, avec des moyens de fortune, hors circuit économique traditionnel)... Chronique néo-réaliste d'un village de pêcheurs et dialogue d'un couple qui fait le point. Toutes ces caractéristiques de la jeune école de cinéma se trouvent réunies dans La Pointe Courte et Alain Resnais, qui en fut le monteur, n'a jamais caché l'influence que ce film a eu sur lui."... De ce fait, si le film "Le Beau Serge" (1957) de Claude Chabrol est souvent cité comme le premier de la Nouvelle Vague, voir le court métrage "Le Coup du Berger" (1956) de Jacques Rivette on peut considérer que le vraie pionnière du mouvement est bel et bien une femme, l'unique femme de la Nouvelle Vague, une certaine Agnès Varda qui marque ainsi son époque dès 1954 !
Elle signe ensuite plusieurs courts métrages et un documentaire "Du Côté de la Côte" (1958) et rencontre Jacques Demy au Festival du Court Métrage de Tours 1958 qui, lui, n'a pas encore signé son premier long "Lola" (1961). Ils se marient en 1962 (ci-dessus)...
Agnès Varda réalise ensuite son second long métrage avec "Cléo de 5 à 7" (1962 - ci-dessous) sur les errances dans Paris d'une chanteuse qui se pensent condamnée. Ce film est joué par un casting Nouvelle Vague avec Jean-Luc Godard lui-même, Anna Karina, Sami Frey, Jean-Claude Brialy et Danièle Delorme... Et dont la musique est signée Michel Legrand qui venait de signer "Lola" de Demy. Avec ce film la réalisatrice connait sa première sélection au Festival de Cannes.
Elle tourne ensuite le court métrage "Salut les Cubains" (1963), avant de signer le long métrage "Le Bonheur" (1965) qui a la particularité de voir jouer la famille de Jean-Claude Drouot mais, surtout, de connaitre une interdiction au moins de 18 ans de par le sujet abordé, à savoir l'adultère sans jugement moral voir même vu comme une alternative au bonheur ! Cette interdiction n'empêchera pas le film d'être primé du Prix Louis Delluc et d'un Ours d'Argent au Festival de Berlin 1965.
Elle doit tourner "Christmas Carol" (1965) avec un tout jeune Gérard Depardieu avec lequel elle tourne 10mn de film. Mais la cinéaste ne reçoit pas l'avance sur recette et le distributeur renonce au projet qui est alors abandonné.
Elle enchaîne avec le film "Les Créatures" (1966 - ci-dessous), un court métrage et un documentaire... Cette alternance des genres sera une marque de fabrique, la cinéaste passant de l'un à l'autre avec une belle régularité même si elle se focalisera sur le documentaire à partir de la fin des années 90.
Au fur et à mesure des films, la cinéaste se distingue pourtant de la Nouvelle Vague, à l'instar de son époux Jacques Demy, mais surtout de Chris Marker ou Alain Resnais, on parlera plutôt d'un cinéma dit "Rive Gauche" qui marque une sociologique et politique.
Agnès Varda effectue un long séjour à Los Angeles à partir de 1967 où Jacques Demy est parti pour tourner son film "Model Shop". Elle tourne sur place plusieurs documentaires dont "Black Panthers" (1968) et un long métrage "hippie" avec "Lions Love" (1969 - ci-dessous) dont le tournage la marquera avec l'assassinat de Robert Kennedy et l'agression de Andy Warhol dont elle est devenue une amie. Elle y rencontre aussi Jim Morrison leader du groupe "The Doors".
De retour en France elle va connaître d'abord le drame, puisqu'elle sera l'une des rares à avoir vu Jim Morrison mort dans sa baignoire. Elle va ensuite devenir une militante féministe de premier ordre, notamment en étant une des salopes qui signe le Manifeste des 343. Elle persiste et signe le mini documentaire "Réponses de Femmes" (1975) sur la question "Qu'est-ce qu'une femme ?" et dont un scandale naîtra pour une scène une femme enceinte et nue danse et rit...
Elle réalise ensuite le long métrage "L'Une chante pas l'Autre pas" (1977 ci-dessous) sur l'amitié entre deux femmes de 1962 à 1977 et qui permet à la cinéaste de dessiner une chronique féministe.
Elle repart à Los Angeles entre 1979 et 1981 où elle tourne le documentaire "Mur Murs" (1981) qui a été très remarqué sur les peintures murales, suivi du long métrage "Documenteur" (1981).
Elle revient en France, et après quelques courts métrages elle signe le film "Sans Toit Ni Loi" (1985) sur les dernières semaines de vie d'une SDF avec Sandrine Bonnaire. Le film s'avère être le plus gros succès public de la cinéaste avec en prime un Lion d'Or à la Mostra de Venise et un César pour Sandrine Bonnaire.
Ensuite, Agnès Varda signe coup sur coup deux films avec Jane Birkin, le premier est un OFNi (Objet Filmé Non Identifié !) "Jane B. par Agnès Varda" (1987) où elle explore les états d'âmes de Jane Birkin dans un melting-pot d'entretiens et de sketchs, cette dernière incarnant Calamity Jane ou même Jeanne d'Arc ! Puis suit l'histoire d'amour entre une femme de 40 ans et un ado de 14 ans joué par Mathieu Demy dans "Kung-Fu Master" (1988) un film qui reprend par bien des aspects les caractéristiques du jeu vidéo éponyme.
Agnès Varda perd ensuite son mari Jacques Demy qui meurt en 1990. Elle lui rend alors hommage dans trois oeuvres successives. Un long métrage de fiction avec "Jacquot de Nantes" (1991) qui retrace l'enfance de Jacques Demy, puis deux documentaires avec "Les Demoiselles ont eu 25 ans" (1993) et "L'Univers de Jacques Demy" (1995).
Elle tourne ensuite son dernier long métrage de fiction "Les Cents et Une Nuits de Simon Cinéma" (1995) un film hommage au cinéma plein de fantaisie avec clins d'oeil multiples. Malheureusement ce film est un échec.
Ensuite, outre quelques courts métrages, Agnès Varda se focalise sur le documentaire. On citera les plus fameux comme "Les Glaneurs et la Glaneuse" (2000), "Les Plages d'Agnès" (2008) qui obtient le César du meilleur documentaire et "Visages, Villages" (2017 - ci-dessous) co-signé avec l'artiste JR et qui est classé parmi le Top 10 des meilleurs films de l'année par le Time Magazine.
La cinéaste co-signera un ultime documentaire sur elle-même avec "Varda par Agnès" (2019) présenter au festival de Berlin en février dernier.
Comme par prémonition Agnès Varda reçoit de nombreux prix et hommages dans les dernières années dont le prix Henri Langlois pour l'ensemble de sa carrière en 2009, un Léopard d'Honneur au 67ème Festival de Locarno en 2014, la Palme d'Honneur au Festival de Cannes 2015 ainsi qu'un Oscar d'Honneur en 2017 remit par Angelina Jolie avec qui elle fera même un pas de danse.
Agnès Varda a eu un fils avec Jacques Demy, le futur comédien Mathieu Demy, demi-frère donc de Rosalie Varda qui sera d'ailleurs adopté par Jacques Demy.
Agnès Varda a été, est et restera une figure majeure du 7ème Art de par ses engagements mais aussi et surtout par l'originalité de ses projets, l'audace dont elle a fait preuve autant dans le fond que dans la forme de ses films.
Agnès Varda est morte à son domicile ce jour funeste du vendredi 29 mars 2019 à l'âge de 90 ans des suites d'un cancer.