Sunset (2019) de Laszlo Nemes

par Selenie  -  21 Mars 2019, 09:59  -  #Critiques de films

Après le succès de son premier long métrage "Le Fils de Saul" (2015) notamment avec un Grand Prix à Cannes et un Oscar du meilleur film étranger en prime, le réalisateur hongrois Laszlo Nemes revient avec un film dont il a eu pourtant l'idée avant son premier long. Le cinéaste se souvient : "Le projet a pris forme juste avant le financement de mon premier film. Sunset vient d'obscures  interrogations personnelles sur l'Europe centrale, sa littérature, son cinéma, sa peinture et même sa photographie. Je ne suis parti de rien de spécifique, mais plutôt d'impressions. rétrospectivement, je pense que des écrivains comme Kafka et Dostoïevski ont eu un certain impact sur moi. Les personnages de Kafka se trouvent face à un mur qu'ils ne peuvent franchir. C'est fascinant comme Kafka donne le sentiment qu'il est parfaitement naturel qu'il existe des obstacles infranchissables. C'est tout le contraire de ce que représente le nouveau monde américain, à savoir la promesse que tout est faisable. En Europe de l'Est, rien n'est faisable. En tous cas, le récit lui-même est totalement original."... Néanmoins, le film fait référence "La Terre Vaine" (1922) de T.S. Eliot poème majeur sur la destruction de la civilisation... Nemes co-écrit son scénario avec Matthieu Taponier et Clara Royer, respectivement monteur et co-scénariste de "Le Fils de Saul".

Il s'agit de l'histoire de Irisz Leiter, qui revient à Budapest et va chercher des réponses sur son passé et celui de sa famille alors même que l'empire austro-hongrois est à la veille du chaos, nous sommes en 1913... L'héroïne est incarnée par la jolie Juli Jakab qu'on avait aperçu dans "Le Fils de Saul", tout comme ses partenaires Urs Rechn et Sandor Zsoter, ce dernier était également dans "White God" (2014) de Kornel Mundruczo ; il se trouve donc un point commun avec l'actrice Monika Balsai vue dans "La Lune de Jupiter" (2017) de Kornel Mundruczo. Et enfin, on reconnaitra l'acteur Vlad Ivanov vu dans "Toni Erdmann" (2016) de Maren Ade et "Baccalaureat" (2016) de Cristian Mungiu... Première chose, Nemes filme son héroïne comme Saul, en gros plan la suivant à chaque instant poussant l'immersion à son paroxysme. L'arrière-plan est donc souvent flou, secondaire effectivement tant on est figé sur le visage de Irisz Leiter. Par contre, bon point, cette Mlle Leiter offre bien plus de degrés d'émotion que Saul. Pour autant, on salue le travail remarquable sur les décors et les costumes, sans jamais tomber dans le flamboyant le film offre une plongée soignée et réaliste dans le Budapest de pré-14-18. Visuellement le film est magnifique. Malheureusement le scénario est un vrai capharnaüm !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les scénaristes abordent bien des chemins sans jamais aller au bout des choses, forcent les spectateurs à se poser maintes questions sans jamais leur donner de réponses. L'héroïne Irisz Leiter se plonge dans une quête, qui s'avère être plusieurs quêtes mais sans jamais savoir (ni elle ni le spectateur) ce qu'est réellement cette quête. Ainsi le passé mystérieux de sa famille tombe très vite aux oubliettes, ensuite il y a un frère au destin tout aussi nébuleux, et cet homme qui a repris l'affaire familial est-il un homme bon ou mauvais ?! Et on passe également au "jeu pervers" de hauts nobles, ou les luttes intestines entre modistes... Bref ça part dans tous les sens sans qu'il n'y ait jamais de tenants et aboutissants. Pourquoi Irisz Leiter papillonne autant entre les mystères de la ville ?! Pourquoi prend-elle autant de risque pour une affaire qui ne la regarde en rien ?! Pourtant oui on comprend le propos du cinéaste, certe on saisit la métaphore sur la destruction d'une civilisation, donc oui Irisz Leiter n'est qu'une simple messagère, témoin à l'insu de son plein gré de la fin d'un monde... Le film surnage grâce aux acteurs, dont Juli Jakab qui offre un visage d'une intériorité mystérieuse, mais aussi l'esthétique du film sans oublier la mise en scène immersive et inspirée. Mais la moindre des choses était néanmoins d'offrir une ligne directrice fiable, une intrigue plus ou moins solide, un intérêt légitime à une simple histoire, bref on aurait aimé un minimum de cohérence et d'enjeu. Dommage...

 

Note :                   

 

10/20

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