Jean de Florette (1986) de Claude Berri
Il faut d'abord rappeler que l'oeuvre originelle de Marcel Pagnol est un film, "Manon des Sources" (1952) dans lequel le rôle titre était incarné par son épouse Jacqueline Pagnol. Mais peu satisfait du résultat Pagnol écrira plus tard le roman "L'Eau des Collines" (1962) en deux tomes "Jean de Florette" et "Manon des Sources"... Le réalisateur-scénariste Claude Berri souhaite porter à l'écran le roman depuis les années 70 mais il faudra des années de persuasion pour que l'ayant droit Jacqueline Pagnol accepte de vendre les droits d'adaptation. Dès 1984 le cinéaste co-écrit le scénario avec Gérard Brach fidèle de Roman Polanski et Jean-Jacques Annaud connu pour sa faculté à s'attaquer aux adaptations difficiles en y ajoutant noirceur et cynisme... Les deux hommes écrivent le scénario en suivant la logique du roman, soit en deux parties distinctes, "Jean de Florette" où ce dernier vient s'installer avec sa famille dans un petit village pour prendre possession d'un héritage, un terrain convoité secrètement par la famille Soubeyran, puis "Manon des Sources" qui se déroule des années plus tard et qui voit revenir la fille de Jean de Florette qui va réveiller des secrets...
Si l'histoire se déroule dans un petit village de Provence elle se focalise très essentiellement sur un petit groupe de personnages, les familles Soubeyran et Cadoret. Les Soubeyran sont Le Papet joué par Yves Montand et Ugolin joué par Daniel Auteuil qui n'avait encore jamais été en tête d'affiche sur un projet aussi ambitieux. Les Cadoret sont incarné par Gérard Depardieu et son épouse à la ville Elizabeth Depardieu (1970-2006 mais séparé depuis 1992), puis leur fille Manon est joué par Ernestine Mazurowna. Claude Berri retrouve Depardieu après "Je vous Aime" (1980) et Montand après "Compartiments Tueurs" (1965) de Costa Gravas dans lequel le cinéaste n'était qu'un figurant. Les deux acteurs eux se retrouvent après "Le Choix des Armes" (1981) de Alain Corneau. Auteuil jouera par la suite plusieurs fois pour Claude Berri dont "Lucie Aubrac" (1997) et plusieurs fois avec Depardieu jusqu'à "Amoureux de ma Femme" (2018)... Les deux opus sont tournés durant 8 mois en 1985 dans les paysages et décors magnifiques des villages Cuges-les-Pins dans les Bouches-du-Rhône, Mirabeau dans le Lubéron, à Chapelle Saint-Joseph de Vauguines dans le Vaucluse et Sommières dans le Gard. Outre la nature magnifique du sud Claude Berri soigne particulièrement la reconstitution d'époque, des costumes mais aussi et surtout les petits détails du quotidien des paysans au travail où jusqu'au café du village. Le drame est ancré dans la réalité d'un monde où le rêve s'accroche avant tout à la terre, où il n'est pas bon de s'occuper des autres même si les commérages vont bon train.
Ainsi le Papet et son Ugolin sont prêt à tout pour que le bosse Cadoret quitte les lieux, lui qui n'est pas d'ici et qui est de la ville et , surtout, qui empêche Ugolin de réaliser son rêve de cultiver des oeillets qui le rendra riche lui et son Papet - pour l'anecdote, la culture des oeillets a été imaginé par Pagnol après qu'il ait réemployé en 1942 le personnel des studios pour ses cultures d'oeillets afin de leur éviter le Service du Travail Obligatoire en Allemagne - La qualité d'écriture concernant les personnages sont le vrai point fort du film. Si le Papet est l'incarnation la plus vile du paysan avare de fortune et de réputation, on s'attache à Ugolin certe tout aussi ambitieux mais empreint d'une humanité qui le rend en proie au doute. Jean de Florette est lui si optimiste malgré la malchance qu'il est un vrai rayon de soleil même si ses certitudes et son orgueil en font aussi un homme parfois agaçant. Les performances d'acteurs sont impressionnantes, notamment et surtout Ugolin alias Daniel Auteuil qui n'aura pas volé son César du Meilleur Acteur. Le film est un succès critique et public mérité, un grand film populaire dans le sens noble du terme dont la suite "Manon des Sources" sortira en salles seulement quelques semaines après. A voir, à revoir et à conseiller.
Note :