The Irishman (2019) de Martin Scorcese
Le grand retour des légendes du film mafieux... Ce projet est porté avant tout par un méga coup de pub qui voit les retrouvailles du réalisateur avec quelques uns de ses acteurs fétiches après près d'un quart de siècle ! Cela fait quelques années que les protagonistes et amis de longues dates voulaient se retrouver pour un grand film du genre qui leur a tout apporté. Finalement le choix s'est porté sur le livre "I Heard You Paint Houses : Frank "The Irishman" Sheeran and the Inside Story of the Mafia, the Teamsters, and the Final Ride by Jimmy Hoffa" (2004) de Charles Brandt qui retrace la vie de Frank Sheeran (Tout savoir ICI !), de l'époque où il était routier à sa mort en maison de retraite en passant par son ascension au sein de la mafia, son influence avec les syndicats routiers et surtout son lien avec certains meurtres dont celui de Jimmy Hoffa. Le scénario est signé du réputé Steven Zaillian auquel on doit "La Liste de Schindler" (1993) de Steven Spielberg, "Gangs of New-York" (2002) de Scorcese et "American Gangster" (2007) de Ridley Scott.
Après "Silence" (2016), Martin Scorcese revient donc au film de gangster et retrouve pour l'occasion celui qui a été son acteur fétiche de "Mean Street" (1973) à "Casino" (1995), Robert de Niro jouant pour lui une 9ème fois. Les deux compères retrouvent également Joey Pesci après "Raging Bull" (1980), "Les Affranchis" (1990) et "Casino", revenant uniquement par amitié après avoir quitté les plateaux après "Love Ranch" (2010) de Taylor Hackford. Dans un second rôle il y a aussi Harvey Keitel qui joue donc là dans son 6ème film avec Scorcese et son 8ème avec De Niro depuis "Mean Street". Mais surtout un autre monstre sacré rejoint la team Scorcese, Al Pacino qui se retrouve sur la même affiche de Robert de Niro une 4ème fois après "Le Parrain 2" (1974) de Francis Ford Coppola, "Heat" (1995) de Michael Mann et "La Loi et l'Ordre" (2008) de Jon Avnet. A leurs côtés plusieurs gueules connues et déjà vues dans le genre dont plusieurs vus dans la série TV "Boardwalk Empire" (2010-2014) dans laquel est apparu Scorcese, citons pêle-mêle Stephen Graham, J.C. MacKenzie, Bobby Cannavale, Jesse Plemons... Puis l'actrice Anna Paquin qui se retrouve dans un même film avec Harvey Keitel après le chef d'oeuvre qui l'a révélé "La Leçon de Piano" (1993) de Jane Campion... Ce film peut-être considéré comme le film somme ou le film testamentaire de Scorcese, une fresque de 03h30 toute de même ("Casino" est à peine 3h) sur un homme qui a traversé une demi-siècle d'histoire américaine rencontrant et croisant des hommes de l'ombre ayant eu à faire de prêt ou de loin aux grands évènements de l'assassinat de JFK à celui de Hoffa en passant par la crise de Cuba et le syndicalisme mafieux. Néanmoins, Scorcese semble avoir choisit de se focaliser un tantinet sur le lien avec Hoffa, ce qui renvoie forcément au film référence sur le sujet, "Hoffa" (1992) de et avec Danny De Vito le personnage étant incarné par Jack Nicholson. Le récit s'étale des années 50 au début des années 2000, tout en gardant les mêmes acteurs ! Ainsi, le cinéaste a eu recours au rajeunissement numérique (ses stars ayant entre 76 et 80 ans !). Malheureusement le vrai soucis du film réside justement sur ce point. En effet, difficile de voir une réelle évolution d'âge chez les personnages, ne serait-ce que sur 20 ou 30 ans.
Le soucis est encore plus flagrant en ce qui concerne De Niro où même losqu'il doit être dans la force de l'âge il apparaît comme un vieillard ; le scène où il passe à tabac un épicier est presque affligeante. Le rajeunissement lui donne également un regard parfois bleu acier qui ne paraît pas naturel. Ce rajeunissement numérique est un réel problème, car si il est merveilleusement utilisé dans le "Benjamin Button" (2007) de David Fincher il est le plus souvent râté ou gênant comme dans le récent "Gemini Man" (2019) de Ang Lee. Mais heureusement Scorcese reste un merveilleux conteur, et il nous plonge naturellement dans le milieu, les milieux aux liens poreux et aux ententes plus ou moisn tacites. On se croit un instant dans la veine de "Les Affranchis" ou "Casino" mais cette fois Scorcese y retire le panache et la démesure et nous montre que le temps passe et que la vieillesse est un naufrage également pour les caïds. Une des dernières scènes est en cela particulièrement marquante, où des policiers insistent pour que Frank Sheeran parle enfin alors que tous les autres protagonistes sont déjà morts. Le scénario est dense et foisonnant pour une fresque passionnante sur un homme de l'ombre qui aura tout traverser pour finalement finir seul au monde. Si ça reste une Histoire Vraie, il ne faut pas oublier que Frank Sheeran demeure un homme de secrets, un homme qui est sans doute parti avec la plupart d'entre eux. Précisons de plus que sa version de l'assassinat de Jimmy Hoffa est à prendre avec des pincettes. Néanmoins, Scorcese signe une fois de plus un grand film, prenant et merveilleusement incarné qui ne pêche que par un rajeunissement numérique loin d'être probant. Les contextes géo-politiques en filigrane ajoute à la complexité ambiante. On est pas au niveau de "Casino" mais ce film permet à Scorcese d'offrir un renouveau teinté de nostalgie, et permet à ses amis de sortir la tête de l'eau, notamment le duo De Niro-Pacino n'a pas joué dans un aussi bon film (outre le tout récent Tarantino pour Pacino) depuis très très longtemps...
Note :
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