La Chute de la Maison Usher (1928) de Jean Epstein

par Selenie  -  7 Juillet 2020, 08:18  -  #Critiques de films

Film Muet, film rare qui a eu la chance d'avoir été restauré par deux fois, en 1997 et en 2013, à chaque fois avec la participation de la Cinémathèque Française. Pour les curieux voir le film ICI ! Bien que la nouvelle éponyme de Edgar Allan Poe soit une oeuvre renommée elle a connu peu d'adaptation au cinéma. Notons tout de même les versions (1960) de Roger Corman et (1982) de Jess Franco. Pourtant, Trop souvent ce film est considéré comme une adaptation de la nouvelle éponyme (1839) de Edgar Allan Poe, mais en vérité ce film est l'adaptation à la fois de la nouvelle "La Chute de la Maison Usher" et d'une autre nouvelle, "Le Portrait Oval" (1842) du même auteur. Précisons juste que les traductions en français de ces nouvelles de Poe furent effectuées par Charles Baudelaire. Le scénario est signé d'un auteur encore inconnu, Luis Bunuel qui est alors assistant de Jean Epstein. Bunuel qui réalisera son premier film avec  "Un Chien Andalou" (1929) et qui deviendra un cinéaste majeur du Septième Art avec entre autres chefs d'oeuvres les films "Los Olvidados" (1950) et "Belle de Jour" (1967). Le film reste le film de Jean Epstein qui a déjà signé plusieurs films dont "Pasteur" (1922), "L'Auberge Rouge" (1923) ou encore "Le Double Amour" (1925)...

Un homme arrive chez son ami, Lord Roderick Usher qui vit dans un manoir isolé au milieu des étangs de son domaine. Il s'aperçoit que Lord Usher est obnubilé par sa peinture, où plutôt par le fait de peindre le portrait de son épouse toujours et encore. Mais dans cette atmosphère mystérieuse, il apparaît que au fur et à mesure que son tableau prend vie son épouse au contraire semble s'éteindre. Quand finalement l'épouse succombe, Lord Usher refuse le deuil et semble convaincu que sa femme n'est pas vraiment morte... Lord Roderick Usher est incarné par Jean Debucourt, grand acteur de théâtre et grande voix qui l'aidera à passer sans encombre du Muet au Parlant, notamment popularisée en étant la voix de Dieu dans la saga qui débuta avec "Le Petit Monde de Don Camillo" (1951) de Julien Duvivier où il conversait avec un certain Fernandel, son épouse est interprétée par Marguerité Gance, épouse du grand cinéaste Abel Gance pour qui elle tourna notamment dans "Napoléon" (1927). L'ami visiteur et narrateur est joué par Charles Lamy qui débuta avec les films "L'Illustre Mâchefer" (1913) et "Les Somnambules" (1913) tous deux de Louis Feuillade. Et enfin le docteur qui est joué par Fournez-Goffard qu'on peut voir dans "Le Juif Errant" (1926) de Luitz-Morat et "La Passion de Jeanne d'Arc" (1928) de Carl Theodor Dreyer... Après les premiers instants, la fin du voyage pour le narrateur/visiteur, le récit continue dans un quasi huis clos où seuls quatre protagonistes évoluent. La plupart du temps on reste dans le manoir d'un gothique à la fois grandiloquent et parcimonieux, tandis que l'extérieur permet au cinéaste d'envelopper le manoir d'un écrin envoûtant où les éléments semblent les témoins malgré eux de la tragédie qui se dessine.

On remarque alors une différence visuelle, d'un noir et blanc pour les intérieurs, et d'un bleu vaporeux pour les extérieurs ce qui accentue la sensation que le manoir est d'ores et déjà endeuillé. il se passe toujours quelque chose à l'écran, et si madame Usher est mourrante toute les émotions passent surtout par le regard à la fois dément et passionné de Lord Usher. Un regard perçant assez inouï de l'acteur Jean Debucourt, d'un magnétisme hypnotique parfaitement capté par Jean Epstein. Le montage permet de mettre du rythme tout en matérialisant le fantastique par des surimpressions (dont un tableau "vivant" et une procession funèbre qui ne manque pas d'onirisme) et on peut constater que les travellings de Epstein sont si bien intégrés qu'on y prête à peine attention. Les encarts des dialogues sont placés avec parcimonie, et reflètent avant tout et essentiellement les refléxions de l'ami invité. Mais par contre, la durée de 1h05 estun peu court, en celà de rôle de l'épouse est peu étoffée et on n'a pas le loisir de voir l'évolution du tableau. Outre les deux nouvelles de Allan Edgar Poe, le mixte de ces deux oeuvres sur une même histoire renvoie forcément à un autre chef d d'oeuvre, littéraire puis cinématographique, "Le Portrait de Dorian Gray" (1890) de Oscar Wilde dont la meilleure adaptation ciné reste celle de 1945 de Albert Lewin. Jean Epstein signe un film tragique, envoûtant et poétique. En tous cas un film à voir et à conseiller.

 

Note :                 

   

17/20

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