Le Voleur et l'Enfant (1997) de Pavel Tchoukhrai
Après plusieurs films depuis "Les Gens dans l'Océan" (1980) Pavel Tchoukraï connait une reconnaissance internationale avec ce quatrième long métrage multi-primé notamment au Festival de Venise et une nomination à l'Oscar du meilleur film étranger. Précisons que le cinéaste est le fils de Grigori Tchoukhraï un des réalisateurs russes majeurs des années 60-70. Pavel Tchoukhrai est le réalisateur-scénariste de son film qui figure désormais dans la plupart des listes sur les plus grands films russes...
Au début des années 50 en Russie, Katia élève seule son jeune fils Sania. Elle fait la connaissance de Tolian un officier de l'armée qui la séduit. Ils décident de vivre ensemble. Mais Tolian est en fait un escroc et Katia se retrouve prise au dépourvu tandis que Sania, après avoir ressenti de la jalousie envers Tolian, commence à s'attacher à ce nouveau père... Le film est porté par le trio familial, la maman est jouée par la belle Ekaterina Rednikova qui n'est encore pas très connue et qu'on verra dans "Babalayka" (2000) de Ali Özgentürk et "Home" (2011) de Oleg Pogodin, l'enfant est interprété par trois jeunes acteurs différents mais le plus présent à l'écran est le jeune Mischa Philipchuck (6-7 ans) qui jouera dans "Sympathy Seeker" (1997) d'un certain Vladimir Machkov qu'il retrouve ainsi après le film puisqu'il incarne cet officier imposteur. L'acteur fera une carrière internationale discrète mais solide de "Dancing at the Blue Iguana" (2001) de Michael Radford à "The Duelist" (2016) de Alexy Mizgirev en passant par "The Quickie" (2001) de Sergueï Bodrov, "Un Nouveau Russe" (2002) de Pavel Lounguine et "Mission Impossible : Protocole Fantôme" (2011) de Brad Bird... La relation entre un enfant et un adulte pas franchement honnête est un thème récurrent, on peut citer entre autre les magnifiques "The Kid" (1921) de Charles Chaplin, "La Barbe à Papa" (1973) de Peter Bogdanovitch ou encore "Un Monde Parfait" (1993) de Clint Eastwood. Mais cette fois le duo du titre omet un personnage qui est pourtant bien présent, la mère. Et même si le fil conducteur reste la relation enfant-voleur et l'évolution de l'enfant qui en découle la mère offre un autre regard sur le récit.
Mais il ne faut pas oublier le contexte géo-politico-social de la Russie au début des années 50 ; le pays est en reconstruction après plus de 20 millions de morts et la destruction quasi totale de son industrie sur l'ouest jusqu'à retrouver sa production d'avant-guerre dès 1952, l'URSS est une puissance de premier ordre depuis son essai nucléaire en 1949, et le culte de la personnalité de Staline est à son apogée. Tolian en impose en tenue d'officier et séduit sans mal Katia, maman esseulée et fusionnelle avec son fils Sania. Ce dernier n'aime pas cet homme qui lui vole sa maman, s'impose et lui prend sa place dans le lit mais, petit à petit, Sania accepte cet homme comme un homme qui peut l'aider à grandir. Tolian y voit bientôt surtout une aide non négligeable pour accomplir ses méfaits, parfait pour Sania qui y voit un gage de confiance. En parallèle, plus ils se rapprochent et plus Katia s'aperçoit que Tolian a une influence néfaste sur Sania et que le risque est grand s'ils se font prendre, et ce malgré l'amour sincère qu'elle lui porte. Est-ce que Tolian est lui vraiment amoureux ?! Est-il vraiment attaché un temps soit peu à l'enfant ?! Les trois protagonistes sont merveilleusement incarnés avec subtilité, et surtout avec une ambiguité judicieuse pour Tolian/Mashkov. Trois personnages parfaitement croqués, aux personnalités intéressantes dans cette immersion réaliste au sein de l'URSS profonde des années 50. En conlusion Pavel Tchoukraï signe un drame particulièrement touchant, qui évite tout patho et tout mélo pour rester focaliser sur l'essentiel. Un très beau moment cinéma à conseiller.
Note :