Mafia Inc. (2020) de Daniel Grou
Après un thriller remarqué avec "Les Sept Jours du Talion" (2010), le réalisateur québécois Daniel Grou, aussi connu sous le pseudo Podz, a continué avec une filmo très ancré dans le social, les affaires judiciaires et les faits divers avec les films "10 1/2" (2010), "L'Affaire Dumont" (2012), "Miraculum" (2014) et "King Dave" (2015). Pas surpris donc que le cinéaste se soit intéressé au livre "Mafia Inc. : Grandeur et Misère du Clan Sicilien au Québec" (2012) de André Cédilot et André Noël ; enquête journalistique par deux des plus grands reporters du milieu au Canada et qui donnera une suite à leur enquête avec "Gangsters et Mafiosi : Cente ans de Crime organisé au Québec" (2017). Le livre est basé sur les histoire vraies autour des mafiosis Paolo Violi assassiné en 1978, jusqu'au Parrains Nicolo et Vito Rizzuto condamnés au début des années 2000. Ces affaires ont déjà été évoqué dans le film "Donnie Brasco" (1997) de Mike Newell avec Al pacino et Johnny Depp. Néanmoins le film fait des raccourcis et des ellipses importantes pour condenser le récit. Le scénario est signé par Sylvain Guy à qui on doit les scénarios de films comme "Liste Noire" (1995) de Jean-Marc Vallée, "Monica la Mitraille" (2004) de Pierre Houle, "Léo Huff" (2009) de lui-même...
Monsieur Gamache est le tailleur du Parrain mafieux Frank Paterno, et chacun a vu grandir leurs enfants respectifs. Mais au fil du temps le fils Gamache a été attiré par le pouvoir des Paterno jusqu'à devenir un des leurs et à avoir façonner une ambition grandissante. Après avoir rapporté énormément d'argent sur sombre affaire, le fils Gamache n'a jamais été aussi proche du Parrain mais l'Assemblée des Paterno n'est pas si dupe des ambitions de Gamache fils alors qu'ils sont sur le point de préparer une "retraite légale". Tandis que les trahisons se mettent en place, la Police judiciaire est aux aguets... Le fils Gamache qui va tenter de faire sa place est joué par Marc-André Grondin révélation du film "C.R.A.Z.Y." (2005) de Jean-Marc Vallée et vu depuis dans des films comme "Insoupçonnable" (2010) de Gabriel Le Bomin, "L'Homme qui Rit" (2012) de Jean-Pierre Améris et qui retrouve son réalisateur après "L'Affaire Dumont". Son père est interprété par Gilbert Sicotte vu dans "L'Instinct de Mort" (2008) de Jean-François Richet, "Louis Cyr : l'Homme le plus Fort du Monde" (2013) de Daniel Roby (écrit justement par Sylvain Guy), "La Passion Agustine" (2015) de Léa Pool et qui retrouve Podz après "Miraculum". Le Parrin Paterno est incarné par l'acteur italien Sergio Castellitto vu notamment dans ses propres films comme "Libero Burro" (1999), "À Corps Perdus" (2004) et "Fortunata" (2017). La soeur Gamache et fiancée d'un fils Paterno est jouée par Mylene Mackay vue entre autre dans "Endorphine" (2015) de André Turpin, "Genèse" (2018) de Philippe Lesage ou encore "La Femme de mon Frère" (2019) de Monia Chokri. Le fils Paterno est interprété par Donny Falsetti, son premier rôle important apès plusieurs années d'apparitions et de petits rôles, puis citons le mafieux Zippo joué par l'acteur Tony Nardi vu notamment chez Atom Egoyan dans "Speaking Parts" (1989) et "The Adjuster" (1991)... La dimension documentaire ne fait aucun doute vu l'oeuvre originelle, puisque le film est adapté du livre mais il n'en demeure pas moins que le film reste une fiction tant les raccourcis et les ellipses vis à vis de l'épopée mafieuse réelle créent forcément un gruyère qu'on ne peut qualifier de "Histoire Vraie". Néanmoins le matériau journalistique offre logiquement une base passionnante et très documentée au film de Podz ce qui lui confère une légitimité non négligeable. Une telle présence mafieuse à Montréal serait presque surprenante tant on s'imagine le Québec bien moins parasité par le crime, tandis que dans l'inconscient collectif notre image se résume à des films comme la trilogie du "Parrain" (1972-1991) de F.F. Coppola et "Les Affranchis" (1990) de Martin Scorcese.
Le début du film est un peu confus et notamment parce que la position de Vince Gamache/Grondin semble d'ores et déjà puissante et que le rapport entre lui et le fils Paterno est un peu flou. On comprendre plus tard certaines choses mais sans que ce soient bien probant grâce à des flash-backs parfois trop explicatifs, parfois superflus et surtout ils plombent un peu le rythme ; un récit plus linéaire avec un prologue qui montre l'ascension du fils Gamache aurait été plus judicieux. Mais le film évolue et progresse constamment grâce à un scénario dense et à une intrigue principale bien troussée et un "crime" particulièrement sordide dont la révélation générale va être un déclencheur fatal. Sans esbroufe la tension grimpe subrepticement avec des rebondissements logiques mais toujours amenés de façon efficace, grâce aussi à une mise en scène au service du récit, sans effet de manche. Le groupe mafieux évite les clichés bling bling et place aussi les membres dans une réalité sociale qui évoque forcément Scorcese mais Daniel Grou instaure son propre style avec un belle reconstitution (on est dans les années 90), sans chercher le spectaculaire et en instillant une dimension psychologique non négligeable. Mais on aurait aimé un passage "musclé" plus assumé notamment lors de la fusillade qui reste trop timorée et sans panache ; on est loin de la puissance sous tension dans le genre Michael Mann par exemple comme dans "Heat" (1995) ou "Collateral" (2004). Pour finir, on salue le jeu des acteurs, si la star italienne Sergio Castellitto assure en Parrain il manque sans doute d'un côté plus singulier, on sera plus impressionné par le charisme de Grondin en "affranchi" aux dents longues et acérées jusqu'à ce dénouement final qui ne manque pas de sel. En conclusion un vrai bon film de mafieux, en plus d'être très documenté, la tragédie greco-sicilienne tient ses promesses. Une très bonne surprise.
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