Ammonite (2021) de Francis Lee

par Selenie  -  1 Avril 2021, 12:13  -  #Critiques de films

Nouveau et second film de Francis Lee après son premier long "Seule la Terre" (2017), et après avoir été acteur notamment dans "Topsy-Turvy" (1999) de Mike Leigh. Son projet est soutenu par les producteurs de See-Saw Films à qui on doit quelques bijoux de "Le Discours d'un Roi" (2010) de Tom Hooper à "Marie Madeleine" (2018) de Garth Davis en passant par "Shame" (2011) de Steve McQueen et "Macbeth" (2015) de Justin Kurzel. Dans ce nouveau film, Francis Lee qui est réalisateur-scénariste se penche sur trois destins assez incroyables, celui de trois femmes d'exceptions qui ont été et qui sont toujours considérées comme des pionnières en géologie-paléontologie de la première moitié du 19ème siècle. Entre le domaine abordé et le fait que ce soit des femmes à une époque où le patriarcat est toujours la norme ce film est dores et déjà une jolie promesse...

1840, Mary Anning est déjà une paléontologue de grande renommée et vit dans la même ville qu'une autre spécialiste, Elizabeth Philpot avec qui son amitié semble s'être éteinte. Mary reçoit la visite d'un scientifique, M. Murchison qui s'intéresse de près à ses travaux et qui lui demande de prendre en pension sa jeune épouse, Charlotte Murchison. Bien que revêche et peu à même de sociabilité avec cette jeune femme bientôt les deux femmes vont se rapprocher... La première, Mary Anning est incarnée par Kate Winslet, qui retrouvera dans "The French Dispatch" (2021) de Wes Anderson sa partenaire Saoirse Ronan alias Charlotte Murchison vue récemment dans "Les Filles du Docteur March" (2019) de Greta Gerwig, puis Elizabeth Philpot est incarnée par Fiona Shaw vue notamment dans la saga "Harry Potter" (2001-2010) et vue récemment dans "Enola Holmes" (2020) de Harry Bradbeer. Citons Mme Anning jouée par Gemma Jones qui retrouve Kate Winslet 25 ans après "Raison et Sentiments" (1995) de Ang Lee, qui retrouve Fiona Shaw après les "Harry Potter" (2002-2010), puis M. Murchison interprété par James McArdle qui retrouve Saoirse Ronan après "Marie Stuart, Reine d'Ecosse" (2018) de Josie Rourke. Citons encore deux seconds rôles tenus par Claire Rushbrook qui retrouve Fiona Shaw après "Enola Holmes", et Alec Secareanu qui retrouve sa partenaire Gemma Jones et le réalisateur Francis Lee après "Seule la Terre"... le film relate un pan de vie réunissant trois femmes d'exceptions sur l'année 1840 (dixit le réalisateur-scénariste), trois femmes ayant donc réellement existé, qui se sont réellement rencontrées et on est donc en droit de croire à un minimum de respect du récit vis à vis de ces destins hors normes au vu du contexte historico-social de l'époque. Il s'agit de Elizabeth Philpot (Tout savoir ICI), Mary Anning (Tout savoir ICI) et de Charlotte Murchison (Tout savoir ICI). D'emblée il y a un soucis de cohérence au niveau du casting, car si oil n'ets pas question de remettre en doute le talent de ces magnifiques actrices, il n'en est pas de même pour la correspondance logique vis à vis de leur personnage. Si Anning/Winslet (45 pour 41 ans) et Philpot/Shaw (62 pour 60 ans) sont très acceptables il faudra qu'on nous explique le cas Murchison/Ronan (26 pour 52 ans !), cette dernière se retrouve donc deux fois moins âgée et donc la cadette des trois. Comment, pourquoi ?! Serait-ce la gêne qui serait occasionnée d'un rapport lesbien entre femmes d'âge mûr ?! D'ailleurs ce dernier point est encore plus gênant, voir scandaleux car où et pourquoi le réalisateur-scénariste Francis Lee a-t-il pu lire qu'il y a eu des relations lesbiennes entre ces trois femmes ?!

De pures fadaises et inventions, comme pour l'âge de Mme Murchison, et de même pour l'enfant perdu qui serait une cause de la santé fragile de cette dernière alors qu'elle a surtout souffert du paludisme. Enième mensonge. Le soucis premier du film est donc de faire croire à un biopic dont le rapport s'arrête au nom des personnages. Car sinon tout est un tissu de mensonge. Par exemple ces trois femmes étaient déjà très renommées pour leur travaux dès les années 1820, même Mme Murchison, tandis que Mary Anning avait une rente annuelle depuis 1830 qui lui apportait une sécurité financière minimum. Comme trop souvent, le cinéma détourne ou transforme largement des destins pourtant d'ores et déjà assez passionnant pour qu'il n'y ait nul besoin de travestir la réalité. User de noms ayant réellement existé, y ajouter un ingrédient faux mais digne des tabloïds actuels sont des moyens nauséabonds. Il suffisait sinon de créer une fiction, inventer de toute pièce avec des noms imaginés sans lien avec des faits historiques. Ou au pire, se servir de ces destins pour façonner un propos de fond intéressant et pourquoi pas actuel. Ici ce n'est rien de tout ça. De surcroît, le cinéaste est si focaliser sur les relations intimes de ces héroïnes qu'il occulte toute la dimension scientifique et historique que ces femmes ont pourtant porté toute leur vie. On peut aussi être déçu par le personnage de Elizabeth Philpot/Shaw qui est sous-traitée ; trop âgée pour satisfaire monsieur Francis Lee ?! On peut néanmoins saluer les performances des actrices, sublimes d'investissement et de justesse. On apprécie la photographie et la reconstitution des lieux, des costumes et des décors. Malheureusement, si visuellement le film est d'un réalisme touchant, qu'en filigrane le destin de ces femmes mérite bel et bien qu'on s'y attarde, on ne peut que regretter un récit tout simplement faux, juste fantasmé par un homme qui n'a sans doute pas déceler la richesse bien suffisante de l'existence de ces trois femmes. 

 

Note :            

 

09/20
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :