Le Dernier Duel (2021) de Ridley Scott

Vingt-sixième film du réalisateur, Ridley Scott offre une nouvelle fois une fresque costumée après "Gladiator", "Kingdom of Heaven" ou encore "Robin des bois", cette fois le réalisaeur s'inspire du roman historique d'Eric Jager sorti en 2004 pour signer son nouveau long métrage de 152 minutes. Fresque basée sur des faits réels et sur la raison d'un des derniers duels accepté dans le royaume de France, celui-ci à alors lieu en 1386 entre Jean de Carrouges et Jacques le Gris. 

Au cœur de la guerre de 100 ans (1337-1453) deux compagnons d'armes voient leur vie prendre des chemins différents. Entre jalousie et ambition, le point d'orgue de leur face à face aura lieu à la suite de l'accusation de viol de la femme de Jean de Carrouges contre Jacques Le Gris. Une confrontation qui se terminera par une joute à mort devant le roi de France, Charles VI. 

Il a été fait le choix d'un découpage du film en trois volets pour montrer les différentes visions de l'histoire. Angle intéressant pour suivre les représentations des trois personnages principaux mais l'on peut être déçu de ne pas suivre plus longtemps et de façon plus poussé la vision de Lady Marguerite qui offre un chemin plus "tragédie grecque", un peu comme une Antigone médiévale qui va poursuivre son chemin malgré une possible issue qui ne lui sera pas favorable. Seule, face à ses accusateurs, on entre dans les détails d'une intimité du lit et des pratiques conjugales à brut pour juger et corrompre les dires de l'accusé, la scène du tribunal est superbe et porte en quelques minutes tout le combat de Lady Marguerite. Cependant, la force d'un personnage féminin se perd face aux autres figures féminines avec des interactions, et particulièrement avec  sa belle-mère, soient trop faciles soient pas assez exploités.

Il manque ce souffle et ce courage dans un monde médiéval d'homme ou le viol est répandu, il est finalement encore trop peu exploité à l'écran par rapport au thème de ce dernier duel ; il est annoncé seulement par des petits passages de dialogue (les hommes à la guerre, la mère de Jean qui se confie), les deux scènes de viol "consentie" ou non selon la vision Le Gris/Marguerite sont trop nuancées pour réellement donner de la puissance et des arguments au choix de Marguerite et l'on retombe finalement non pas sur sa décision mais sur la défense d'un honneur, celui de Jean de Carrouge puisque sa propriété a été bafouée, sa femme a été salie par Jacques le Gris. Alors soit on y voit une écriture superbe puisque le personnage féminin ne peut se hisser au delà de son mari tel que cela aurait pu être à l'époque médiévale, soit l'on regrette ces femmes de l'ombre qui se font entendre comme les historiens savent que ce fut le cas. Je suis dans le deuxième cas.  

Superbe peinture du Moyen-âge, décors (fidélité des détails absolument superbe), costumes, mœurs et vie quotidienne sont dépeints de façon admirable dans cette fresque. Les scènes de combat avant le duel sont présente pour planter le paysage d'un pays en guerre jusqu'à la scène de joute finale qui est d'une beauté brutale. La réalisation nous entraine dans une atmosphère intimiste et non surfaite des richesse d'un serf royal en donnant un regard sur cette société patriarcale et la place que pouvait y occuper les femmes. La lumière joue sur les contrastes, chandelles dans l'intimité et jour sur le non consentement qui doit être dénoncé en pleine lumière. Noir des habits d'une femme qui attends le dénouement de sa vie, face aux armures étincelantes qui se confrontent. Tout est fait pour nous plonger dans les méandres de cette affaire. 

Les acteurs portent leur personnage de façon grandiose et endossent les différents visages de leur personnage donnant ainsi à la réalisation en triptyque matière pour jouer sur des nuances. Jean/ Matt Damon est ainsi bon mari ayant une femme dévoué et aimante ou alors jaloux et orgueilleux avec une femme auquel il n'a que peu de considération si ce n'est la dot et le possible héritier qu'elle doit lui donner. Jacques/Adam Driver est ambitieux et séducteur, amoureux épris de la femme d'un autre qui l'aime en retour ou bien jaloux de ne pas avoir tout ce qu'il désire et détourne sa vérité pour tout obtenir. Enfin, Marguerite/Jodie Comer, est-elle la femme d'un des deux hommes, des deux, ou une autre qu'aucun ne connaît ? Seul bémol à ces interprétations, Ben Affleck en Pierre II d'Alençon est assez fade dans son interprétation ne se donnant pas à la même hauteur, son interprétation n'évolue pas vraiment entre les moments d'orgie à sa cour et sa place dans la défense de son ami. 

Un magnifique film à voir qui laisse à réfléchir sur la vision d'une réalité à une autre époque. Le souffle final de Marguerite donne le ton sur le reste de sa vie, teinté de l'ombre du passé. 

Avis de Selenie ICI !

Note :