Les Fleurs de Shanghaï (1998) de Hou Hsiao-Hsien
Hou Hsiao-Hsien est déjà un réalisateur chinois de première importance après des films comme "Poussières dans le Vent" (1986), "La Fille du Nil" (1987) ou "Le Maître de Marionnettes" (1993) mais c'est avec ce projet qu'il va s'imposer réellement à l'international. Il adapte le roman "The Sing-Song Girls of Shanghaï" (1892) de Han Bangging qui relate le destin des quatre prostituées, les "filles de fleurs" de quatre maisons closes de luxe situées à Shanghaï, centre actif connu du "jeu, opium et prostitution" la ville est alors considérée comme le "plus grand bordel du monde". Le scénario est signé de Chu Tien-Wen, fidèle collaborateur du réalisateur depuis "Les Garçons de Fengkuei" (1983) et après lequel il écrira pas moins de 13 des 19 longs métrages de Hou Hsiao-Hsien jusqu'à "The Assassin" (2015)... 1884, Wang est un haut fonctionnaire aux Affaires Etrangères qui se partage entre deux courtisanes, Rubis et Jasmin. Dès qu'il a du temps il se rend à la maison close où entre opium et mah-jong les courtisanes tentent de s'imposer auprès de leur pygmalion...
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Le haut fonctionnaire Wang est interprété par Tony Leung Chiu-Wai, vu récemment dans "Shang-Chi et la Légende des Dix Anneaux" (2021) de Destin Daniel Cretton, star depuis les succès "Une Balle dans la Tête" (1990) et "À Toute Epreuve" (1992) tous deux de John Woo et au statut confirmé avec les films "Chungking Express" (1994) et "Les Cendres du Temps" (1994) tous deux de Wong Kar-Wai. Un autre homme est joué par Jack Kao qui joue dans la plupart des films du réalisateur entre "La Fille du Nil" et "Millenium Mambo" (2001). Les courtisanes sont incarnées par Michelle Reis révélée dans "Les Anges Déchus" (1995) de Wong Kar-Wai, Michiko Hada remarquée dans "Setochi Munraito Serenade" (1997) de Masahiro Shinoda et "Salaryman Kintaro" (1999) de Takashi Miike, Rebecca Pan vue dans "Nos Années Sauvages" (1990) et "In the Mood for Love" (2000) tous deux de Wong Kar-Wai, deux films dans lequel joue son partenaire Tony Leung Chiu-Wai, puis Vicky Wei qui retrouve Hou Hsiao-Hsien et entre autre Jack Kao après "Good Mn, Good Women" (1995) et "Goodbye South, Godbye" (1996) dans lequel jouait également Annie Yi, et enfin citons Carina Lau, qui n'est autre que la conjointe de Tony Leung Chiu-Wai depuis 1989 avec lequel elle a notamment joué dans "Nos Années Sauvages" et "Les Cendres du Temps", tandis qu'on a pu la voir récemment dans la franchise "Detective Dee" (2010-2018) de Tsui Hark... Les maisons closes, un vaste sujet à explorer tant les pays et les époques enrichissent les histoires, on peut ainsi penser à des films comme "La Rue de la Honte" (1956) de Kenji Mizoguchi, "La Petite" (1978) de Louis Malle, "Sauna on Moon" (2011) de Zou Peng, et surtout "L'Apollonide - Souvenirs de la Maison Close" (2011) de Bertrand Bonello. D'emblée le réalisateur nous plonge dans un huis clos de luxe, calme et volupté aux cinq sens symbolisé en quelque sorte par les cinq "fleurs de Shanghaï" dénommée Jade, Jasmin, Rubis, Perle et Émeraude.
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Huis clos logique tant la maison close est ici très éloigné d'un simple "bordel", la clientèle est aisée voir plus, les "fleurs" sont des prostituées élégantes et raffinées à l'image des décors et des services haut de gamme servis par la maîtresse des lieux. Les jeux de séductions, les jalousies, les rituels ne sont pourtant pas sans faire penser au chef d'oeuvre "Épouses et Concubines" (1991) de Zhang Yimou. Entre autre on se retrouve une nouvelle fois dans une sorte de compétition où chacune tente de se faire une place de choix : multiplier les clients afin de trouver un futur époux ou protecteur ou vaut-il mieux tenter de racheter sa liberté pour choisir un client exclusif ? Mais en face il y a aussi les clients, dont la question se pose autrement : faut-il mieux aimer ou être aimer ? Papillonner ou chercher la perle rare ? Mais si le récit s'articule autour des jeux de la séduction, des convenances et des intrigues plus ou moins amoureuses il manque un paramètre de taille : la chair ! En effet, la suggestion, les non-dits ont leur limite mais il est difficile de croire à une maison close quand il n'y a pas une once de désir physique qui transparaît, pas une seule image ou plan un tantinet érotique. Ca manque cruellement, visuellement comme émotionnellement ça maque de passion. Le réalisateur soigne l'esthétisme de son oeuvre, des plans-séquences fluides qui traversent les 3-4 décors du film, une lumière tamisée qui habille d'un écrin voluptueux les lieux, des costumes somptueux, une atmosphère propice aux fantasmes et aux secrets le tout sublimement mis en photographie par Mark Lee Ping Bin, directeur photo qui sera au sommet de son art avec "À la Verticale de l'Été" (2000) de Tran Anh-Hung et surtout "In the Mood for Love" (2000) de Wong Kar-Wai. Le réalisateur chinois signe une oeuvre pictural de grande grande beauté, formellement impressionnant, un tableau vivant mais il est dommage que l'écrin prenne le pas sur l'émulation sentimentale, ou du moins sur le pouvoir des corps et des émotions.
Note :