Red Rocket (2022) de Sean S. Baker
5ème long métrage pour Sean Baker depuis "Prince of Broadway" (2008), mais le cinéaste avait prévu un tout autre projet à l'origine. D'abord lancé sur une romance compliquée qui se déroulerait à Vancouver le cinéaste a changé son fusil d'épaule après une année 2020 aussi compliquée qu'inédite au niveau mondial. Sean Baker explique : "En février, je suis retourné à Los Angeles pour deux semaines, afind efaire du rangement chez moi. Et le coronavirus a frappé. Les frontières se sont fermées, et je me suis retrouvé coincé chez moi. On est resté assis pendant un mois avant de réaliser qu'il valait mieux aller de l'avant et passer à un autre projet." La donné n'était plus la même, le cinéaste a réuni une équipe réduite d'une dizaine de personne pour un tournage singulier. Pour ce projet Sean Baker a co-écrit le scénario avec Chris Bergoch avec qui il a écrit ses autres films "Starlet" (2012), "Tangerine" (2015) et "The Florida Project" (2017)...
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Après des années passées à Los Angeles Mikey Saber revient dans sa ville natale du Texas où il revient vivre malgré elles chez son ex-femme et sa belle-mère. Mais son passé d'ex-porno star ne facilité pas son retour. Sans argent, sans emploi il recourt à quelques combines jusqu'à sa rencontre avec une jeune femme qui lui entrouvre un nouvel espoir en l'avenir... L'ex-porno star est incarné par Simon Rex, méconnu chez nous mais artiste muti-facettes (acteur, animateur TV, rappeur...) qui a justement débuté dans le X dans les années 90, et sinon surtout aperçu au cinéma dans la franchise des "Scary Movie" (2000-2013). Il est entouré d'acteurs encore moins connus dont Suzanne Flon aperçu dans le moyen métrage "Secret Escort" (2019) de Bob Bragg, Bree Elrod aperçue dans "Shutter Island" (2010) de Martin Scorcese et un rôle principal dans le film d'horreur "Dark Feed" (2013) des frères Rasmussen, Ethan Darbone ou Shih-Ching Tsou qui a cumulé plusieurs postes devant et derrière la caméra sur les précédents films de Sean Baker... On est d'emblée pris par surprise avec des premières secondes où la musique n'est pas franchement adéquate, voir même hors sujet. Ensuite on constate surtout que le réalisateur joue la carte "cinéma indépendant" à fond, un style naturaliste sur fond de décors hideux mais caractéristiques d'une région sinistrée socialement. Le message est clair, offrir une comédie sociale à la fois drôle en surface mais plus caustique sur le fond. Mais très vite le film tourne un peu en rond et surtout plus l'histoire évolue et plus on trouve cet "anti-héros" antipathique, et c'est peu de le dire. Ce "Mikey Saber", ex-porno star a tout du loser magnifique au premier abord, le cinéaste avoue avoir écrit un personnage typique d'une certaine Amérique, escroc et optimiste invétéré mais looser perpétuel. : "Il y a beaucoup de l'Amérique là-dedans. C'est incontestablement un trait américain : quelqu'un qui aspire au succès sans se soucier des dommages collatéraux. On retrouve aussi ça dans There Will Be Blood et Le Loup de Wall Street, ces types impitoyables qui exploitent les autres pour se hisser au sommer. Ici, j'ai recours à la comédie pour en quelque sorte adoucir Mikey, pour montrer qu'il pourrait être séduisant. Mais je ne l'anoblis pas."... Sean Baker se tire une balle dans le pied avec une telle déclaration. D'abord les personnages principaux des chefs d'oeuvres qu'il cite sont sans doute sans doute impitoyables mais ils sont surtout ambitieux à en devenir millionnaire pas looser du X, et pas assez indigne pour retourner la queue entre les jambes "à la maison". Et surtout, sous couvert de pseudo-comédie, en quoi ce Mikey Saber est adouci ?!
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Il reste un vieux beau égoïste sans la moindre once de fierté prêt à jouer le proxénète pédophile pour sauver sa misérable existence. Il est surtout un personnage abject et pathétique. Certe le réalisateur-scénariste voulait justement dénoncer ce genre de personnage dit "proxénète de plateau", mais il fait tout pour en faire une sorte de looser flamboyant, ou du moins qu'on est un minimum d'empathie pour ce salopard. Ce qui aurait pu fonctionner si seulement son film était réellement une comédie, satirique, à humour noir ou absurde mais Sean Baker choisit une sorte de chronique douce amère jamais drôle, qui se prend trop au sérieux derrière un propos qui ne l'est pas moins et un sérieux jusque dans la mise en scène auteuriste. La complaisance est à tous les étages (chômage, drogue, prostitution...) mais ça effleure les sujets sans jamais vraiment les traités. Jusque sur le tournage, sur lequel le réalisateur explique : "Pendant tout le tournage, on a littéralement joué au chat et à la souris avec les vigiles de la raffinerie. On les voyait descendre la route, et on cachait aussitôt nos caméras. Ca a été une sorte de super guérilla, comme si on était des criminels fuyant la police, puis reprenant place après leur départ." ?! Pardon ?! Rien dans le film ne critique la raffinerie ou son système, pourquoi serait-il gêné par les vigiles d'une raffinerie qui se trouve à des kilomètres ?! Pourquoi ce tournage serait-il problématique ?! Sean Baker semble surtout dans une masturbation intellectuelle et prétentieuse. Et pourtant, ce film a des qualités indéniables. La mise en scène reste cohérente avec son idée et son récit, et surtout la direction d'acteur est très réussie avec des personnages bien croqués même si aucun ne touchent vraiment, et surtout, les actrices sortent du lot et volent la vedette à Simon Rex, dont une révélation avec la jeune Suzanna Son. Quelques passages ne manquent de charmes ou d'acuité mais entre le trop sérieux et une personnage principal aussi égocentrique que dangereux on a bien du mal à savoir où veut réellement nous emmener Sean Baker. Dommage... Grande déception...
Note :