L'Homme des Hautes Plaines (1973) de Clint Eastwood

par Selenie  -  6 Septembre 2022, 08:36  -  #Critiques de films

Après sa première réalisation avec "Un Frisson dans la Nuit" (1971) qui avait été bien reçu l'acteur-réalisateur Clint Eastwood s'est tout de même vu reproché par ses co-producteurs (Eastwood étant lui-même producteur via sa société Malpaso) qu'il n'était pas assez présent à l'écran. C'est ainsi qu'il décide de revenir au genre qui l'a fait connaître, le western, où il serait omniprésent sur la plupart des scènes. Il choisit un projet de Universal, un court script (de seulement 9 pages dit-on !) de Ernest Tidyman connu pour avoir écrit "Les Nuits Rouges de Harlem" (1971) de Gordon Parks et surtout "French Connection" (1971) de William Friedkin pour lequel il vient de recevoir l'Oscar du meilleur scénario adapté. Mais Eastwood veut ajouter des éléments inspirés de l'affaire Kitty Genovese (Tout savoir ICI !) ; une affaire qui inspira également le film français "38 Témoins" (2012) de Lucas Belvaux. Ainsi le scénario est remanié en collaboration avec Dean Riesner, ayant débuté jeune acteur dans "Le Pèlerin" (1923) de et avec Charles Chaplin devenu scénariste et notamment de "L'Inspecteur Harry" (1971) de Don Siegel sur lequel il a connu Eastwood. Le film a un budget de 5,5 millions de dollars, et si le succès du film reste modeste à sa sortie il amasse tout de même près de 17 millions de dollars au box-office... Un étranger arrive dans une petite ville du sud-ouest américain. Il est alors malmené par trois hommes mais l'étranger les abat aussitôt impressionnant les habitants. Ces derniers en profitent pour lui proposer de les aider car trois pistoleros sont sortis de prison et ils ont toujours promis de revenir se venger. Refusant d'abord, l'étranger accepte après que les habitants lui octroient tout ce qu'il désire. Bientôt l'étranger devient l'homme tout-puissant de la ville éveillant des regrets et des animosités parmi les habitants mais bientôt les trois pistoleros arrivent...   jgfx

Logiquement l'Etranger est incarné par Clint Eastwood lui-même, dans un rôle qui rappelle évidemment l'Homme sans nom qui l'a rendu populaire avec la trilogie du Dollars (1964-1966) de Sergio Leone. Il est entouré d'un casting composé de gueules bien connues du cinéma américain, de seconds couteaux dont on reconnaît les trognes sans pouvoir y mettre un nom. Des acteurs qui our la plupart retrouvent et/ou retrouveront Eastwood à plusieurs reprises. Commençons par deux acteurs dont c'est le seul film avec l'acteur-réalisateur, deux vétérans avec Bette Mitchell vue de "Les Anges aux Figures Sales" (1938) de Howard Hawks à "Soleil Vert" (1973) de Richard Fleischer retrouvant après "Cinquième Colonne" (1942) de Alfred Hitchcock son partenaire Billy Curtis, un des nains les plus connus de l'Âge d'Or de Hollywood vu entre autre dans "Le Magicien d'Oz" (1939) de Victor Fleming, "Les Feux de la Rampe" (1952) de et avec Charles Chaplin, "L'Homme qui Rétrécit" (1957) de Jack Arnold ou "Hello Dolly !" (1969) de et avec Gene Kelly. L'acteur Stefan Gierasch ne tournera que cet unique film également avec Eastwood, mais on peut citer sinon "L'Arnaqueur" (1961) de Robert Rossen et "Carrie au Bal du Diable" (1976) de Brian De Palma. Tous les acteurs suivants sont des fidèles de Eastwood avec en premier lieu Geoffrey Lewis qui tournera avec Eastwood à 7 reprises de "Le Canardeur" (1974) de Michael Cimino à  "Minuit dans le Jardin du Bien et du Mal" (1997) et retrouvera ainsi plusieurs de ses partenaires, William O'Donnell et John Quade qui seront dans les films "Josey Wales" (1976), "Doux, Dur et Dingue" (1978) de James Fargo et "Ca va Cogner" (1980) de Buddy Van Horn, ce dernier cascadeur durant près d'un demi-siècle et notamment auprès de Eastwood incarne ici la victime lynchée et va passer derrière la caméra pour son ami Clint avec également "L'Inspecteur Harry est la Dernière Cible" (1988) et "Pink Cadillac" (1989) dans lequel jouera aussi l'acteur Paul Brinegar vu auparavant dans "La Femme aux Chimères" (1950) de Michael Curtiz et "La Peur au Ventre" (1955) de Stuart Heisler et surtout Geoffrey Lewis qui sera encore dans "Bronco Billy" (1980) retrouvant donc Dan Vadis entre "Doux, Dur et Dingue" et "Ca va Cogner" alors qu'il avait déjà croiser Eastwood dans "L'Epreuve de Force" (1977). Citons John Mitchum acolyte de Eastwood sur plusieurs film de la franchise "Dirty Harry" (1971-1976), qui n'est autre que le petit frère d'un certain Robert Michum avec qui il joua dans "El Dorado" (1966) de Howard Hawks retrouvant ainsi Robert Donner spécialiste des rôles de pistoleros depuis "Rio Bravo" (1959) de Howard Hawks et "L'Homme qui tua Liberty Valance" (1962) de John Ford, et retrouve après "Ligne Rouge 7000" (1966) de Hawks l'actrice Mariana Hill vue ensuite dans "Le Parrain 2" (1974) de F.F. Coppola, et retrouve après "Point Limite Zero" (1971) de Richard C. Sarafian son partenaire Anthony James vu aussi dans "Dans la Chaleur de la Nuit" (1967) de Norman Jewison et "Impitoyable" (1992) de et avec Clint Eastwood. Citons encore Mitchell Ryan qui est à l'affiche avec Eastwood cette même année dans "Magnum Force" (1973) de Ted Post et vu ensuite par exemple dans "La Bataille de Midway" (1976) de John Guillermin, "L'Arme Fatale" (1987) de Richard Donner ou "Menteur, Menteur" (1997) de Tom Shadyac, Jack King qui retrouve Eastwood après "Pendez-les Haut et Court" (1968) de Ted Post et "Un Frisson dans la Nuit" (1971), Verna Bloom vue dans "L'Homme sans Frontière" (1971) de et avec Peter Fonda, qui retrouvera aussi Eastwood dans "Honkytonk Man" (1981) et vue plus tard chez Scorcese avec "After Hours" (1985) et "La Dernière Tentation du Christ" (1988). Puis enfin citons Richard Bull qui retrouvera Eastwood juste après pour "Breezy" (1973) et qui retrouve après "L'Homme de la Loi" (1971) de Michael Winner son partenaire John Hillerman remarqué dans "La Dernière Séance" (1971) et "La Barbe à Papa" (1973) tous deux de Peter Bogdanovich mais qui sera surtout connu et populaire grâce à son personnage de Higgins dans la série TV "Magnum" (1980-1988)... 

Second film en tant que réalisateur, mais son premier western personnel Clint Eastwood en profite pour se laisser influencer par deux réalisateurs qui ont marqué ses débuts, Sergio Leone évidemment, puis Don Siegel, au point qu'on trouve en clin d'oeil leurs deux noms sur des pierres tombales dans le cimetières de la ville ce qui fera dire à Eastwood : "J'ai enterré mes réalisateurs.", mais surtout l'acteur-réalisateur emprunte le style à ses deux mentors pour signer son film. Outre l'homme sans nom qui devient ici l'Etranger, Eastwood mixe à merveille le style spaghetti de Leone au style plus direct et plus classique de Siegel. Il reprend la thématique de la vengeance sans la dimension vénale du dollar, et appuie sur le côté crépusculaire jusqu'à y instiller une dose de fantastique dont on reparlera plus bas. La vengeance sera au coeur de son prochain western "Josey Wales" (1976), le côté crépusculaire avec un Etranger en ange exterminateur préfigure "Pale Rider" (1985), tandis que "Impitoyable" (1992) réunira tous ses paramètres pour devenir la quintessence du cinéma de Eastwood. L'Etranger ne vient pour rien et s'impose aussi facilement d'abord et avant tout parce qu'il sait que les habitants sont autant de lâches que de poltrons. La vengeance est avant tout une humiliation constante et systématique en attendant les trois tueurs qui reviennent aussi par vengeance ; on pense alors évidemment à la logique du film "Le Train Sifflera Trois Fois" (1952) de Fred Zinneman, mais Eastwood en profite aussi pour détourner "Rio Bravo" (1959), anti-thèse du précédent, en étant un Etranger justicier façon ange exterminateur plutôt qu'homme de loi. La façon dont cet Etranger impose sa propre loi est jubilatoire tant les habitants sont des pleutres tandis qu'on ne cesse de se demander qui est vraiment cet inconnu. La ressemblance physique entre la victime lynchée (Buddy Van Horn) et l'Etranger (Eastwood) étant sans aucun doute voulue. Mais on est aussi un peu agacé par quelques incohérences comme trois prisonniers libérés avec des armes sans munitions mais qui peuvent pourtant tirer, ou un homme fouetté à mort sans que ses amis ne réagissent... Mais le film est doté d'une atmosphère presque post-apocalyptique qui est assez singulier pour nous accrocher, la sauvagerie qui s'en dégage fascine à la fois qu'il terrifie. L'atout malin du film réside dans sa fin (ou pas !) à condition de voir le film en V.O. ! En effet, en V.F. l'Etranger annonce son identité alors que dans la V.O. un certain mystère demeure. Eastwood signe son premier western, il est encore sous influence (Leone et Siegel) mais sera ensuite imposer son propre style, ses propres thématiques. Un film prenant, prometteur, original qui lui donne une place à part dans la filmo de l'acteur-réalisateur.

 

Avis de Llowenn ICI

 

Note :      

 

17/20
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