Les Colons (2023) de Felipe Galvez Haberle
Premier long métrage du réalisateur-scénariste chilien Felipe Galvez Haberle après quelques courts métrages depuis "Silencio en la Sala" (2009), avec entre temps son travail en tant que monteur. Pour ce western au fin fond de l'Amérique du Sud le cinéaste retrouve après son court métrage "Rapaz" (2018) sa co-scénariste Antonia Girardi. Le cinéaste a eu l'idée en lisant un article sur le massacre des indiens Selk'nam au Chili, une partie de l'histoire du Chili effacé des livres d'histoire : "Je me suis intéressé à ces autres événements du début du XXème siècle, eux aussi ignorés. Que se passe-t-il dans un pays, quand on efface une page entière de son histoire ? Plutôt que cet effacement de la dictature au présent, pourquoi ne pas revenir à un autre effacement, qui a eu lieu cent ans auparavant ? Quelles en sont les conséquences jusqu'à aujourd'hui ?"...
Chili, la Terre de Feu en 1901, Trois cavaliers sont engagés par un riche propriétaire terrien blanc pour déposséder les populations autochtones pour ouvrir autant que possible le route vers l'Atlantique. Le trio improbable, un soldat britannique, un mercenaire américain et un métis chilien vont découvrir le prix du sang et du mensonge dans la construction d'une jeune nation... Le trio de cavalier est composé par Mark Stanley aperçu dans "Mr Turner" (2014) de Mike Leigh ou "Un Traître Idéal" (2016) de Susanna White, Sam Spruell vu entre autre dans "Valerian et la Cité des Mille Planètes" (2017) de Luc Besson, "Outlaw King" (2018) de David Mackenzie ou "Le Monde est à Toi" (2018) de Romain Gavras, puis Alfredo Castro acteur fétiche de Pablo Larrain depuis "Fuga" (2006) et retrouvant donc un autre fidèle Marcelo Alonso après "Tony Manero" (2008), "Post Mortem" (2010), "El Club" (2015) et "Neruda" (2016) tous de Pablo Larrain. Citons ensuite Mariano Llinas vu surtout dans ses propres films comme "Historias Extraordinarias" (2008) et "La Flor" (2016), Benjamin Westfall vu dans "Plus Jamais Seul" (2017) de Alex Anwandter ou "La Toile d'Araignée" (2020) de Andrès Wood, Luis Machin vu dans "Violeta" (2012) de Andrès Wood et "Le Sang du Dragon" (2022) de Jimena Monteoliva, Augustin Rittano apparu dans "Aterrado" (2021) de Demian Rugna, puis Camilo Arancibia remarqué dans "Sayen" (2023) de Alexander Witt... Le film est d'emblée intéressant car il conte une histoire qui change de la sempiternelle dictature Pinochet au Chili, cette fois on est au tout début du 20ème siècle où le pays tente de devenir une nation à part entière via une modernisation à marche forcée. Néanmoins, on remarque que les dates sont approximatives et que le film fait des raccourcis dommageables. Ainsi le film indique que l'histoire se déroule en 1901 (un peu tôt) et qu'ensuite on se trouve sous la présidence de Pedro Montt (1906-1910) ce qui n'est pas raccord avec les massacres historiquement factuels et l'ellipse narrative du film.
Le film débute de façon singulière, un générique court et visuellement fort qui crée une fracture visuelle avec les premières images qui nous plonge avec un hyperrréalisme puissant dans les paysages de la Patagonie du sud Chili. Les paysages nus et sauvages et trois tueurs partent donc en périple meurtrier dont on comprend mal le but réel et précis, qui crée encore un décalage avec une musique abrutissante qui serait sans doute plus adéquate dans un thriller sanglant plutôt que dans ce western qui oscille sans savoir ni pourquoi ni comment entre docu-fiction et métaphysique. Le style n'est pas sans rappeler le très bon "Godland" (2022) de Hlynur Palmason. On constate que le film est scindé en deux parties bien distinctes, la première est la partie western, dans un rythme lancinant et envoûtant qui évite toute torpeur par la beauté sauvage des paysages de la Terre de Feu et les massacres plus ou moins violents, tandis que la seconde partie se passe des années après dans un but un peu flou ; on comprend la finalité (bâtir une nation par le pardon et/ou l'introspection) mais dont le déroulement est un peu vain malgré un dernier plan aussi déchirant que pessimiste. En conclusion un film stylé et assez fascinant sur la forme, mais sur le fond le récit reste trop en surface, ne gratte pas grand chose et paraît même prétentieux et superficiel. Dommage.
Note :