Les Soeurs de Gion (1936) de Kenji Mizoguchi
Kenji Mizoguchi, l'un des plus grands réalisateurs japonais, cinéaste à la centaine de film considère celui-ci comme son premier véritable long métrage (pourtant tourne depuis 1923 jusqu'en 1956). Le succès populaire qui suivit ajoute à la postérité de l'oeuvre... Ce film fait partie du genre "Gendai geki", soit des films qui mettent en scène des histoires d'amour impossibles entre prostituées et protecteurs. Précisons d'abord eux choses. 1 - Mizoguchi sera le réalisateur féministe du Japon, le fait que sa soeur ait été vendue comme geisha par son père ne doit pas y être étranger. 2 - les geishas ne sont pas des prostituées, elles étaient avant tout des compagnes de prestiges et symboles d'une bienséance toute japonaise. Les faveurs sexuelles étant exclusivement (et pas obligatoire !) réservées à leur seul protecteur...


Gion n'est pas un choix au hasard, il s'agit du quartier historique le plus ancien des Geishas dans la ville tout aussi symbolique de Kyoto. On y suit donc deux soeurs, l'une expérimentée, l'autre plus jeune, cette dernière va vouloir se venger des hommes d'une façon qui la placerait comme pionnière du féminisme. Entre liberté de choix et volonté d'indépendance Mizoguchi signe une histoire comme précurseur du féminisme, une modernité surprenante en ce milieu des années 30 (les militaires prennent le pouvoir en 32, conquête de la Mandhourie, Japon qui se retire du SDN en 33, invasion de la Chine en 37, bref retour à un empire conservateur). Mais ce féminisme avant l'heure est atténué par l'aigreur de la plus jeune, qui mène une sorte de vendetta des moeurs qui la mènera à sa perte. Le monde est encorecelui des hommes qu'elle le veuille ou non. La dernière scène est, à ce point, d'un pessimisme terrible. Si le réalisateur use du naturalisme un remake aujourd'hui en ferait sûrement un thriller sensuel. Notons que ce film, écrit avec son fidèle scénariste Yoshikata Yoda, est le prolongement de "L'Elegie d'Osaka" ; prolongement et non suite, mais il s'agit d'un dyptique officielle sur le thème de la prostitution. Un grand film, sombre et réaliste auquel, pourtant, il manque une dimension plus précise de la condition des geishas (aucune scène sur leur quotidien traditionnel ou leurs obligations). Néanmoins il s'agit d'un film important qui se doit d'être vu et conseillé.
Note :