L'Outsider (2016) de Christophe Barratier
Film qui crée son petit buzz à ce jour car encore brûlant d'actualité puisque ce film est fortement inspiré de l'affaire Jérôme Kerviel, et même tiré de sa vie et surtout adapté de son autobiographie "L'Engrenage : mémoires d'un trader" (2010). Rappelons que Kerviel est le trader qui a fait perdre près de 5 milliards à la Société Générale avant que cette dernière n'attaque leur trader après l'avoir laissé agir tant qu'il rapportait ses sous... Bref Kerviel en dindon de la farce... C'est là le premier hic, faire un film d'après le livre de Kerviel impose d'emblée un parti pris douteux et facile. En effet, notre empathie (aidée par un sentiment anti-bancaire ou anti-système capitaliste) est gagnée plus ou moins d'avance mais on oublie quand même que Kerviel reste responsable de ses actes et que jamais dans le film Kerviel n'assume un peu de ses fautes. Toute sa défense est basée sur "ils savaient", mais il agit délibérémment en outrepassant ses droits. Barratier l'avoue par ailleurs, il a signé un film à décharge pour Kerviel et force encore plus notre empathie. D'ailleurs des scènes comme l'idylle ou le lien avec son père en rajoute une dose sur ce domaine (même un cadre bancaire salaud de capitaliste vit ce genre de drame familial !).
Trop manichéen sans aucun doute vis à vis de la responsabilité personnelle de Kerviel et de son lien avec la hiérarchie mais la démonstration du cheminement du trader est assez palpitante pour s'affranchir de ce bémol. "L'Outsider" est "Le Loup de Wall Street" du pauvre (dans le bon sens du terme !), autant dans les moyens du film lui-même que dans la démesure de ce microcosme financier. Wall Street n'est certe pas Paris. Christophe Barratier réussit un film dont le côté thriller est particulièrement appuyé et fascine autant qu'il rebute. A l'esbrouffe et au bling bling hollywoodien le réalisateur choisit le pur thriller psychlogique qui doit beaucoup par ailleurs à son casting. Barratier d'abord, surprend en changeant littéralement de registre après "Les Choristes" (2004), "Faubourg 36" (2008) et "La Nouvelle Guerre des Boutons" (2011) et ça lui va bien ! Mais surtout le personnage de Kerviel est incarné par un Arthur Dupont investi et habité, sa carrière va décoller, c'est une évidence. A ses côtés on retrouve l'excellent François Xavier-Demaison lui-même ex-trader en 1998-2001 avant de quitter Wall Street après le 11 septembre. On reconnait également la jolie Sabrina Ouazani dans un énième rôle de jeune femme forte. Barratier use d'une mise en scène intelligente qui se focalise beaucoup sur le visage de Kerviel/Dupont qui se décompose au fur et à mesure que le piège se referme. Moins flamboyant que Scorcese mais dans le fond tout aussi pertinent, Barratier signe un film solide et très intéressant auquel il manque surtout un peu de mesure dans cette diatribe à sens unique. Beau bonus avec des acteurs talentueux magnifiquement gérés.
Note :