Décès de Abbas Kiarostami

par Selenie  -  5 Juillet 2016, 14:46  -  #Décès de star - Bio

Ce début d'été est une hécatombe semblable à 2015... Après Anton Yelchin, Nicole Courcel, Bud Spencer et Michael Cimino nous apprenons le décès du réalisateur iranien Abbas Kiarostami ce 04 juillet 2016 à l'âge de 76 ans.

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Né en 1940 à Téhéran, il s'intéresse très tôt au cinéma et aux arts en général. Il gagne un concours de peinture lorsqu'il a 18 ans et entre en faculté des Beaux-Arts à Téhéran. Il finance ses études en étant agent de la circulation.

 

Il devient illustrateur concepteur de publicité à partir de 1962. Il commence à illustrer des livres pour enfants et réalise des génériques pour films à la fin des années 60.

 

C'est à cette époque que la Nouvelle Vague Iranienne commence avec des réalisateurs comme Dariush Mehrjui et Nasser Taghvai. En 1969, Kiarostami crée avec Ebrahim Forouzesh une section réalisation à l'Institut pour le Développement Intellectuel des Enfants et des Jeunes Adultes (le Kanun) qui était à l'origine dédiée aux livres pour enfants et qui servait surtout au pouvoir de détourner les jeunes des activités politiques en leur proposant de s'initier aux arts créatifs. Mais au fil du temps le Kanun va devenir le principal lieu de développement du cinéma.

 

Abbas Kiarostami tourne son premier film "La Pain et la Rue" (1970 - ci-dessous), un court métrage de 10mn néo-réaliste sur un un écolier malheureux et un chien agressif. Ce premier film sera suivi de "La Récréation" (1972). 

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Il tourne ensuite deux moyens métrages, "Expérience" (1973) et surtout "Le Passager" (1974) avec lequel il commence à se faire remarquer avec cette histoire d'un garçon de 10 ans qui fait tout ce qui est possible pour aller voir un match de foot. Le film est basé sur le fragile équilibre entre le bien et le mal et contribue à asseoir le style de Kiarostami, entre réalisme poétique et docu-allégorique en lieu et place des messages trop politiques et/ou philosophiques.

 

Il tourne toujours des courts métrages jusqu'à "Le Costume de mariage" (1976), un moyen métrage, avant de tourner enfin son premier long métrage de cinéma avec "Le Rapport" (1977) dans lequel un précepteur est accusé de corruption et qui doit gérer la tentative de suicide de son épouse.

 

La vie de Abbas Kiarostami et de l'Iran changent et il est bouleversé par la Révolution iranienne de 1979. Tandis que la plupart de ses amis cinéastes quittent le pays, Kiarostami décide de rester en Iran car il pense que sa nationalité et le fait de rester en son pays confortent son savoir-faire, il déclare alors : "Si vous prenez un arbre qui est enraciné dans la terre et si vous le replantez en un autre endroit, l'arbre ne produira plus de fruits, et s'il le fait, le fruit ne sera pas aussi bon que s'il était dans son endroit originel. C'est une règle de la nature. Je pense que si j'avais fui mon pays, je ressemblerais à cet arbre."

 

L'Etat iranien veut un cinéma unique et réglementé, un cinéma iranien à un seul genre, débarassé de toute "vulgarité" et de tout lien avec l'Occident. 

 

Il semble que l'institut ait joui d'une certaine autonomie notamment sous la direction de Kiarostami qui, après quelques courts et moyens métrages, revient au format long avec "Les Premiers" (1984).

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Mais il faut attendre le film "Où est la maison de mon ami ?" (1987 - ci-dessus) pour voir enfin le cinéma de Kiarostami dépasser les frontières notamment en étant présenté au Festival des Trois Continents à Nantes. Le film raconte comment deux écoliers tentent de retrouver un camarade qui doit fournir un devoir impérativement pour le lendemain.

 

Après cette première reconnaissance, le réalisateur (scénariste et monteur de la plupart de ses films) tourne de moins en moins de courts métrages et se focalise de plus ne plus sur les longs métrages. Il réalise "Close-Up" (1990) sur l'histoire vraie d'un homme qui se faisait passer pour le réalisateur Mohsen Makhmalbaf.

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Il réalise les films "Et la vie continue" (1992 - ci-dessus) et "Au travers des Oliviers" (1994 - ci-dessous) qui constituent avec "Où est la maison de mon ami ?" une trilogie thématique connue sous le nom de "Trilogie de Koker" (et ce bien que le réalisateur ne considère pas ses films comme une trilogie) du nom du village où se déroulent les histoires. Des films où Kiarostami décrit les us et coutumes des villageois toujours empreints de poésie de de réalisme avec toujours une empathie envers les personnages. Cette trilogie permet au réalisateur de se faire un peu plus connaitre sur la scène internationale notamment en France. "Et la vie continue" est le dernier film que Kiarostami tourne au sein du Kanun, tandis que "Au travers des Oliviers" marque la collaboration de Kiarostami avec le producteur français Martin Karmitz et son ouverture au cinéma international.

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Kiarostami signe également des scénarios sans diriger pour les films "La Clé" (1987) de son ami Ebrahim Forouzesh, "Le Voyage" (1994) de Alireza Raisian et surtout "Le Ballon Blanc" (1995) de Jafar Panahi qui fût son assistant.

 

Le cinéma de Kiarostami est pourtant réprouvé par l'Etat Islamique d'Iran qui juge ses films "insuffisamment islamiques" et "trop formatés au goût de l'Occident" mais la censure reste limitée par la renommée grandissante du réalisateur.

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L'exemple le plus frappant est justement sur le film qui placera justement Abbas Kiarostami au sommet des grands réalisateurs de son époque. "Le Goût de la Cerise" (1997 - ci-dessus) est dans un premier temps censuré en Iran mais le film est autorisé au dernier moment (la veille de la remise du palmarès !) a participer au Festival de Cannes... Tout en forçant Kiarostami à échanger un morceau de musique de Louis Armstrong pour de la musique traditionnelle... Et pourtant Abbas Kiarostami reçoit la Palme d'Or 1997 pour son film ! (ex-eaquo avec "L'Anguille" de Shohei Imamura)... Outre ce succès, précisons que le réalisateur, qui ne croit pas à la "Trilogie de Koker" imposé par certains, place plutôt "Le Goût de la Cerise" comme étant le 3ème film d'une trilogie formée avec "Et la vie continue" (1992) et "Au travers des Oliviers" (1994) à cause du thème commun autour du caractère précieux de la vie et du face à face entre la vie et la mort.

 

Il signe ensuite "Le Vent nous emportera" (1999 - ci-dessous) qui remporte le Lion d'Argent du Grand Prix du Jury à la Mostra de Venise. Un film sur l'opposition des idées rurales et urbaines et qui a la particularité d'avoir une douzaine de personnages invisibles à l'écran et qui marquent leur présence seulement par leurs voix.

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Au Festival du film de San Francisco en 2000, Abbas Kiarostami reçoit le Prix Akira Kurosawa pour l'ensemble de sa carrière mais l'offre à la surprise générale à l'acteur Behrouz Vossoughi pour sa contribution au cinéma iranien.

 

En 2001, il tourne le documentaire "ABC Africa" sur la tragédie des orphelins ougandais à la demande du Fonds International de développement agricole des Nations Unies. Il signe encore quelques scénarios pour des confrères avec "La Station désertée" (2002) de Alireza Raisian et "Sang et Or" (2003) de Jafar Panahi.

 

Il tourne "Ten" (2001) où on suit une femme qui conduit plusieurs jours dans les rues de Téhéran et qui converse avec différents passagers... Qui inspirera d'ailleurs plus tard le film "Taxi Téhéran" (2015) de son ex-assistant Jafar Panahi.

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Il tourne ensuite un film expérimental, "Five" (2003) sorte de documentaire sans scénario ni thématique où les images sont l'essentiel. Il tourne ensuite "Tickets" (2005 - ci-dessus) en collabroration avec les réalisateurs Ermanno Olmi et Ken Loach sur les liens entre les personnes dans un train qui traverse l'Italie.

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Après avoir réalisé un des segments de "Chacun son cinéma" (comme Loach et Cimino), tourné pour les 60 ans du Festival de Cannes, il réalise la co-production franco-italo-belge "Copie Conforme" (2010 - ci-dessus et ci-dessous) avec William Shimell et surout la sublime Juliette Binoche. Le film est un chef d'oeuvre de subtilité, autant dans le jeu que dans le scénario qui joue sur l'ambiguité des personnages : en Toscane, la relation entre une antiquaire française et un critique d'art britannique sont à la fois un homme et une femme qui se rencontrent sur fond d'amour de l'art, un couple en vacances ou une femme qui tente de séduire un homme... Ce film, le premier non tourné en langue persane, est un joli succès critique avec en prime le Prix d'interprétation féminine pour Juliette Binoche au Festival de Cannes.

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Une telle co-production lui ayant plu il tourne ensuite "Like someone in Love" (2012 - ci-dessous), co-production franco-japonaise qui sera son dernier film sur la rencontre entre un vieil érudit et une jeune prostituée.

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Abbas Kiarostami est un artiste complet qui est aussi peintre, photographe et poète. Il publie notamment des recueils de poésie dont "Avec le vent" (2002) composé de plus de 200 poèmes. Une étude d'un universitaire de Venise qualifie les films de Kiarostami de "Haïkus visuels". Il expose aussi des structures comme à la Biennale de Venise en 2001.

 

Abbas Kiarostami est définitivement un réalisateur inventif et inspiré, mêlant un style sur fond de docu-fiction onirique qui explore souvent le lien entre vie et mort (importance du suicide). Dans la forme il est connu pour son innovation et sa créativité en s'affranchissant des cadres traditionnels. 

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Abbas Kiarostami a épousé Parvin Amir-Gholi en 1969 de qui il divorce en 1982. Ils ont deux enfants dont Bahman Kiarostami, lui-même cinéaste. 

 

Il portait souvent des lunettes aux verres fumés pour raisons médicales. En avril 2016 nous apprenions que le cinéaste était atteint d'un cancer gastro-intestinal.

 

Abbas Kiarostami, réalisateur unique, nous est mort à Paris ce lundi 04 juillet 2016 à l'âge de 76 ans, des suites de son cancer.

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