Juste la fin du monde (2016) de Xavier Dolan
C'est le 6ème film du phénomène québecois et il est une énième fois critiqué en tant qu'enfant génial pourri gâté du cinéma, il agace autant qu'on salue son talent. Mais cet égocentrisme n'est-il pas la panacée de tout vrai génie ?! Car Xavier Dolan l'est assurément : à seulement 27 ans il n' pas encore signé un mauvais film. Suffit de revoir "J'ai tué ma mère" (2009), "Les Amours imaginaires" (2010), "Laurence Anyways" (2012), "Tom à la ferme" (2014) et "Mommy" (2014)... Cette fois le premier vrai grand changement, mine de rien, c'est que le jeune cinéaste a fait appel à un casting de stars dont l'affiche à elle seule est un atout majeur. En effet, seulement 5 personnages dans ce film pour ce huis clos familial. Nathalie Baye (déjà dans "Laurence Anyways") en maman qui n'est pas si fofolle que son physique laisse paraitre, la jeune soeur Léa Seydoux sorte d'adulescente immature (pléonasme ?!), l'ainé Vincent Cassel patriarche à la brisure profonde et son épouse Marion Cotillard en soumise intravertie et enfin celui par qui tout arrive, le fils prodigue Gaspard Ulliel...
Xavier Dolan adapte donc cette fois une pièce de Jean-Luc Lagarce (auteur mort à 38 ans et aujourd'hui joué partout dans le monde) pour qui la précision des mots a son importance. Le huis clos familial est un sous-genre en soi dont les titres seraient trop fastidieux à lister. La plupart du temps il s'agit de comédies ou de comédies dramatiques comme "Le Prénom" (2012) de Alexandre de la Patellière et Mathieu Delaporte. Mais "Juste la fin du monde" est surtout un drame déchirant rempli de sous-entendus, autant entre les protagonistes que pour le spectateur. Si on excepte le côté politico-social on est dans un genre assez proche au récent et excellent "Illégitime" (2016) de Adrian Sitaru. Un huis clos autour d'un repas où une annonce (ou pas !) mets le feu aux poudres. Disputes, engueulades, crises, secrets dévoilés ou pas... etc... Mais à contrario du "Carnage" (2011) de Roman Polanski et donc plus à l'instar de "Illégitime", il n'y a pas d'hystérie mais plutôt une effervescence de sens, une passion des sentiments exacerbés malgré tout par l'amour familial. En bonus l'oeuvre originelle de Lagarce est déjà un petit bijou littéraire qui offre des dialogues ciselés et jamais superflus, qui sont l'apanage de tous sauf de Louis (Ulliel) qui est dans un mutisme partagé entre peur de revenir et peur de rester et/ou de partir. Si on peut penser que les personnages sont parfois un peu caricaturaux, ils sont pourtant d'une justesse particulière judicieuse puisque rien n'est fait pour rien. Tout est un ensemble de petits indices psychologiques, certes flous, mais qui permet au spectateur de tenter de comprendre, notamment le passé qui ne parvient jamais à émerger dans cette famille où les sentiments restent confinés en chacun. En prime un quintet de stars au sommet, bien que Léa Seydoux et Marion Cotillard soient parfois sur le fil, une Nathalie Baye juste exceptionnelle, un Gaspard Ulliel impressionnant de maitrise et un Vincent Cassel énormissime. Xavier Dolan frappe encore fort, s'il est certe agaçant dans sa suseptibilité narcissique il n'en demeure pas moins qu'il se construit une filmo cohérente et d'une acuité qui force le respect. Grand Prix et Prix du Jury Oecuménique du dernier Festival de Cannes.
Note :